° Rubrique Aide aux dissertations de philosophie

Thèmes: L’individu / Le droit / La morale

FAUT-IL RESPECTER LES LOIS ?
 

Une dissertation rédigée, par Charles Pépin, professeur agrégé de philosophie


Copyright, Flammarion 2006, chapitre extrait du livre «une semaine de philosophie»
 

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III. Il faut respecter les lois en se méfiant autant des lois que de notre obéissance.

Lorsque la démocratie est née, elle n’était pas représentative mais directe. Les citoyens athéniens, assemblés sur l’agora, votaient à main levée. C’était à l’instant du débat préalable au vote qu’ils se posaient la question du bien commun. La démocratie était une pratique quotidienne, la délibération se faisait avec les autres. Mais la taille et la complexité de nos nations modernes rendent cette démocratie directe impossible. Nos démocraties sont désormais représentatives. Notre rapport quotidien à la loi n’est donc plus de l’élaborer, mais d’y être confrontés : nous ne nous demandons plus si la loi est respectable avant de la voter, reste donc à se demander si elle est respectable avant de l’appliquer. Nous ne délibérons plus quotidiennement avec les autres, essayons au moins de délibérer avec nous-même. Et si la dimension quotidienne de cette délibération est à ce point décisive, c’est que la lutte contre notre égoïsme naturel demande au moins une telle pratique. C’est pour donner sa chance au citoyen en nous. Si, par exemple, je me trouve devant la possibilité de cacher une rémunération mais la déclare dans un geste automatique, ou par peur de la sanction, j’adopte un comportement soit disant « citoyen ». Pourtant, je ne me représente à aucun instant l’intérêt général, et je ne fais aucun effort pour faire primer en moi le citoyen sur l’individu. Mais si, raisonnant, je décide de la déclarer en considérant, ce qui ne m’est pas naturel, la nécessité de la redistribution pour l’intérêt général, alors c’est le citoyen qui, en moi, triomphe de l’individu. Dans les faits, c’est pareil. Pourtant, dans le premier cas, je reste le même, et dans le second, je change ; je deviens citoyen. De plus, c’est en nous représentant ainsi la situation du point de vue de l’intérêt général que nous allons peu à peu nous percevoir comme les habitants d’un monde commun, et que vont être instaurés entre nous des liens de solidarité, voire de fraternité. Sans de tels liens, aurions nous vraiment envie de désobéir à des lois menaçantes pour d’autres que nous ? 

Appliquer automatiquement les lois ne tisse en revanche entre les individus aucun lien de ce type, une des motivations d’une telle obéissance étant justement le confort ou la tranquillité personnelles. L’obéissance automatique aux lois ne change pas un homme : elle le prend égoïste et le laisse égoïste. Nouvelle réponse Ce n’est pas parce que nous n’avons pas le choix qu’il faut respecter les lois. C’est parce que nous faisons le choix de devenir meilleurs qu’il faut se poser la question de leur respectabilité. Être citoyen, c’est penser les lois non simplement comme des contraintes nous évitant de nous entretuer, mais comme un moyen de devenir meilleurs, plus citoyens, et même plus humains. C’est respecter les lois et non simplement les appliquer, les respecter finalement comme on respecte autrui : par une démarche active et réfléchie, qui donc n’est pas la simple tolérance, et dont nous pouvons revenir changés. Toujours la même distinction conceptuelle… Appliquer automatiquement les lois, ce n’était pas les respecter mais simplement les tolérer. Ce n’est pas d’évacuer la question en appliquant automatiquement aux lois qui fera de nous un citoyen, c’est de se la poser toujours. Ou au moins d’essayer. Il y a des réflexions citoyennes, il y a des efforts citoyens. Il n’y a pas de « réflexe citoyen ». 

Critique de cette nouvelle réponse, rebondissement Mais le problème, c’est que même si nous pouvions, et voulions, examiner ainsi les lois, un tel examen critique serait peut-être bon pour l’individu…mais pas pour la société ! La citoyenneté individuelle en sortirait certes grandie mais le respect de l’ordre social en serait menacé, fragilisé par cette multiplication de regards subjectifs sur l’intérêt général. Paradoxalement, l’individu deviendrait vraiment « citoyen »…mais en mettant en danger la société. Cette délibération personnelle reviendrait finalement à une posture morale, définie comme une relation de l’homme à sa propre conscience. Or, la politique n’est pas la morale. La morale est affaire d’intention, de bonne intention. La politique doit être efficace. La volonté générale, c’est ce que nos représentants ont voté, non ce que chacun estime être la volonté générale.
Il y a donc nécessairement, dans nos démocraties modernes, une dimension d’obéissance automatique incompatible avec cette délibération qui, seule, pourtant, pourrait nous rendre meilleurs. Non seulement nous n’avons pas débattu les lois ensemble, mais la délibération personnelle est à la fois impossible concrètement et dangereuse socialement. Nous semblons condamnés à cette obéissance automatique qui assure peut-être l’ordre social mais nous menace en tant qu’individus.
[Rebondissement du questionnement] Comment, alors, concilier cette application automatique des lois avec la lucidité nécessaire pour savoir quand désobéir ? 

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