° Rubrique Aide aux dissertations de philosophie

Thèmes: L’individu / Le droit / La morale

FAUT-IL RESPECTER LES LOIS ?
 

Une dissertation rédigée, par Charles Pépin, professeur agrégé de philosophie


Copyright, Flammarion 2006, chapitre extrait du livre «une semaine de philosophie»
 

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III. Il faut respecter les lois en se méfiant autant des lois que de notre obéissance. (suite)

Proposition 1 Nous pouvons d’abord penser que cette obéissance automatique aux lois, en créant les conditions d’un monde pacifié, offre déjà un cadre pour une réflexion future. Les hommes appliquent peut-être d’abord les lois parce qu’ils y sont contraints, ou par un réflexe inculqué, mais cela ne les empêche pas d’y réfléchir ensuite, de trouver peut-être alors de meilleures raisons de les respecter. Ces feux rouges si nombreux peuvent ici tenir lieu de métaphores : certes, ils nous obligent à un arrêt réflexe, mais ils nous donnent aussi le temps d’y réfléchir… L’obéissance automatique aux lois ne serait qu’une première étape. Cette idée renvoie d’ailleurs à une vérité historique : les premiers États sont apparus « sous la contrainte », parce que l’insécurité naturelle était insupportable, mais cela ne les a pas empêchés de devenir les cadres modernes de la liberté politique, et donc les garants de nos droits les plus essentiels. Les premiers États étaient autoritaires et s’imposaient aux hommes, ils sont maintenant démocratiques et protègent leurs libertés. Voila une belle idée : ce à quoi nous sommes forcés pourrait devenir l’occasion de notre liberté. Ainsi se comprendrait le caractère obligatoire du vote dans certains pays d’Europe du Nord. 

Proposition 2 Nous pouvons ensuite, justement parce que notre application des lois est le plus souvent automatique, vivre plus radicalement les occasions démocratiques de réfléchir vraiment (élections, référendums ). Exprimer le choix d’une alternance traduirait par exemple un refus de continuer à appliquer automatiquement les lois en vigueur. Participer le plus intensément à ces occasions démocratiques pourrait être une façon de mieux vivre le reste du temps la dimension automatique de notre obéissance. Pourquoi, alors, ne pas envisager que chaque élection majeure soit précédée de deux jours chômés, pour signifier clairement, par ce geste symbolique, que ce temps là est exceptionnellement dévolu non au réflexe citoyen mais à la réflexion politique, non à la vie économique mais à la vie politique ?

Proposition 3 Mais l’essentiel de notre vie de citoyen se joue bien sûr entre les élections. Il faut alors surtout, puisque nous semblons devoir nous résoudre à cette obéissance automatique aux lois, que nous l’acceptions mais avec la pleine conscience du danger qu’elle représente. Une obéissance automatique qui se sait automatique ne l’est déjà plus vraiment ; elle est comme menacée par cette conscience qu’elle a d’elle-même. Nous devons apprendre à appliquer les lois tout en nous méfiant et des lois et de notre obéissance. Parce que les lois que nous appliquons sont imparfaites comme tout ce qui touche au monde des hommes, parce que notre obéissance elle aussi est donc en quelque sorte imparfaite. Bref, devant la loi, mon corps peut s’incliner quand mon esprit résiste, et c’est cette posture qu’il nous faut entretenir. Mon corps peut même s’incliner automatiquement et mon esprit préserver sa certitude qu’un tel automatisme est dangereux. Dans un climat de lutte antiterroriste, nous pouvons respecter des lois nouvelles menaçant nos libertés individuelles ( fichiers d’empreintes digitales, ouvertures de coffres et de sacs ), tout en sachant qu’elles ne sont pas bonnes. Cette obéissance peut même s’accompagner d’une réflexion sur le terrorisme, sur ses causes profondes et les moyens de les traiter, qui ne peuvent se réduire à une simple répression des terroristes. Ainsi pouvons nous appliquer une loi imparfaite sans en être dupe, en en pensant pas moins, mais préférant cela à la menace du chaos que nous appellerions de nos vœux par une désobéissance effective. « Pensez autant que vous le voulez, aussi librement que vous le souhaitez, mais obéissez ", écrivait Kant . En effet, nous pouvons savoir qu’une loi n’est jamais absolument bonne et que notre obéissance peut être dangereuse sans pour autant désobéir. 

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