° Rubrique Aide aux dissertations de philosophie

Thèmes: L’individu / Le droit / La morale

FAUT-IL RESPECTER LES LOIS ?
 

Une dissertation rédigée, par Charles Pépin, professeur agrégé de philosophie


Copyright, Flammarion 2006, chapitre extrait du livre «une semaine de philosophie»
 

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Changement de plan de l’argumentation «Mieux vaut une injustice qu’un désordre»: c’est aussi, mais pour d’autres raisons, le dernier enseignement de la vie de Socrate. Condamné à mort par les juges athéniens, notamment pour trouble à l’ordre public et « corruption » de la jeunesse, Socrate se trouve la nuit d’avant sa mort devant la possibilité de s’évader. Il refuse cet exil. Ma condamnation est injuste mais il faut la respecter, assène-t-il à ses disciples incrédules. Socrate sait qu’en refusant la loi il donnerait un exemple dangereux à tous les athéniens – il veut préserver leur obéissance aux lois -, et qu’il donnerait raison aux juges qui l’ont condamné . Toute sa vie, il a été protégé par les lois de la cité, et c’est l’application d’une de ces lois qui maintenant le condamne. Il mourra. Que signifie le choix de Socrate ? Qu’une loi peut être imparfaite, ou son application injuste, mais que notre désobéissance peut être pire encore. Nos actions, dans une société, ne regardent pas que nous. Ce n’est pas sous le regard de Dieu que nos actes sont jetés, mais sous les yeux des autres hommes - désobéir, c’est donner envie de désobéir. 

Socrate le sage sait peut-être aussi que la perfection n’est pas de ce monde, et que les lois sont nécessairement imparfaites. « Il faudrait des dieux pour donner des lois aux hommes », écrira Rousseau. Eux seuls pourraient, régnant au dessus de notre agitation, voir l’intérêt général et les lois parfaites capables de l’incarner. Mais les lois sont faîtes par des hommes. Elles sont dès leur élaboration menacées d’anachronisme, puisque les mœurs évoluent sans cesse. Et elles sont nécessairement relatives, sensibles aux différences culturelles de ceux qui les votent. L’imperfection des lois ne peut toutefois pas être un argument pour les refuser. Elles n’ont pas besoin d’êtres parfaites pour rendre possible cette vie ensemble, qui est elle même la condition de notre perfectionnement. Si chacun désobéissait à la loi à la moindre de ses imperfections, il n’y aurait pas de société possible. Encore une fois, le droit n'est pas la morale. La morale dit le Bien et le Mal, avec une ambition universelle. Le droit dit la norme pour vivre ensemble à un moment donné et dans un lieu donné. 

Argument supplémentaire en vue de l’obéissance automatique aux lois, nouveau plan de l’argumentation Socrate l’avait compris : respecter une loi qui ne nous arrange pas peut être une façon d’exprimer notre désir de vivre ensemble. En démocratie, nous devons respecter, même si nous la désapprouvons, une loi votée par la majorité. Comme Socrate, nous sommes alors en désaccord avec une loi mais l’appliquons quand même. Parce que ce désaccord ne menace pas notre accord sur l’essentiel : nous voulons vivre ensemble. Cet engagement que nous n'avons jamais pris solennellement, peut-être le prenons nous finalement chaque fois que, " bons citoyens ", nous respectons les lois. [Approfondissement de la réponse]Il faudrait respecter les lois, non plus simplement pour sauver sa peau, mais pour réaffirmer chaque fois, dans un réflexe citoyen, notre désir de vivre ensemble.

Soupçon, transition Mais une telle attitude comporte les pires dangers. Si nous respectons les lois uniquement pour exprimer notre désir citoyen, notre attention à la loi elle-même risque de s’en trouver amoindrie. La certitude d'agir en " bon citoyen" pourrait même nous rendre aveugle au contenu inadmissible d’une loi.
Si vraiment désobéir à une loi injuste revient, comme veut le montrer Socrate, à menacer l’existence même des lois, alors nous ne désobéirons jamais et finirons par obéir à des lois inhumaines. 
Il y eut probablement en France, quand furent promulguées les premières lois antijuives de Vichy, des hommes qui appliquèrent ces lois non par antisémitisme, ni par peur de la sanction, mais parce qu’il leur était simplement impossible d’envisager une désobéissance . Le « réflexe citoyen » est encore un réflexe, c’est-à-dire une menace sur la réflexion. Notre jugement est comme un muscle, il demande à être entretenu. Or, l’obéissance automatique aux lois met en suspend le jugement. Rares furent ceux qui s’opposèrent, dans la France de Vichy, aux premières lois antijuives. L’organisation, en 1942, de la rafle du Vel D’hiv, nécessita l’obéissance de 4500 fonctionnaires. Les hommes alors n’étaient pas tous de vrais salauds. Beaucoup, en revanche, étaient de vrais légalistes : ils appliquaient les lois automatiquement, sans se poser de questions. 

Vers la page suivante II.  L’obéissance automatique aux lois comporte les pires dangers.

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