° Rubrique Aide aux dissertations de philosophie

Thèmes: L’individu / Le droit / La morale

FAUT-IL RESPECTER LES LOIS ?
 

Une dissertation rédigée, par Charles Pépin, professeur agrégé de philosophie


Copyright, Flammarion 2006, chapitre extrait du livre «une semaine de philosophie»
 

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I. Il faut appliquer automatiquement les lois pour se préserver d’un retour à la violence primitive 

constat Cette question du respect des lois, la grande majorité des hommes ne se la pose pas, ce qui tient évidemment déjà lieu de réponse. Il faut bien avouer que notre obéissance aux lois, chaque jour, lorsque nous nous arrêtons au feu rouge, lorsque nous respectons les lois de notre pays, n'est pas le fruit d'une réflexion, mais un automatisme, une habitude. Tout se passe comme si nous n'avions pas le choix, ou autre chose à faire : un rendez-vous à ne pas manquer, un salaire à gagner... Nous vivons en démocratie, nos représentants ont débattu des lois, pourquoi donc cette question ? D’ailleurs, la poser simplement, c'est déjà déranger, être regardé comme un adolescent puérile, ou un de ces philosophes aux questionnements si vains. La réponse, positive, coule de source; elle fuse, aussi automatique que notre obéissance quotidienne aux lois.

questionnement Un tel empressement à obéir aux lois éveille évidemment le soupçon. Cette obéissance n'est-elle pas la marque d'une servilité plus que d'une citoyenneté ? N’est-elle pas grégaire plus que civilisée ? Considérons une file d'attente. Nous y prenons notre place, en arrivant, respectant sans réfléchir cette règle commune. Chacun aurait intérêt à passer devant les autres, mais si chacun essayait de le faire, le désordre ralentirait tout le monde. La règle commune avantage ainsi l'ensemble de ceux qui s'y tiennent. Difficile de parler de servilité, de bêtise grégaire, quand un tel respect de la règle, en conduisant à un avantage mutuel, traduit une forme d’intelligence sociale. Notons d’ailleurs que cette règle, pour permettre cet avantage mutuel, n'a pas besoin d'être parfaitement légitime, « bonne » ou morale (l’ordre d'arrivée déterminant l'ordre d'attente est un principe discutable: pourquoi pas l'âge, la maladie, l'emploi du temps ?...); il suffit qu'elle soit respectée. Peu importe la règle, pourvu qu’elle soit appliquée... 
Prenons, pour le comprendre, un exemple plus radical. Deux malfaiteurs, qui ont commis un meurtre, se font interpeller dans une voiture volée. La police, convaincue qu’ils sont les auteurs du meurtre, mais sans preuves, prend chaque malfaiteur à part en lui proposant le pacte suivant: "si tu dénonces ton acolyte pour le meurtre, tu n'auras pas dix ans de prison pour meurtre mais seulement un pour vol de voiture". Si les malfaiteurs ne se sont pas préalablement entendus sur une règle, ils risquent de témoigner tous les deux contre l’autre (dix ans de prison chacun), ou de se taire tout en étant dénoncé par l'autre (dix ans pour l'un, un an pour l'autre). Mais s'ils se sont auparavant mis d’accord sur une règle commune ( la « loi du silence » par exemple ) ils vont se taire et y gagner tous les deux (un an de prison chacun simplement) . C’est ici flagrant : la règle n'a pas à être morale pour conduire ceux qui la respectent à leur avantage mutuel.

Enjeu philosophique: distinction droit/morale Ce qui vaut pour une simple règle vaut peut-être aussi pour les lois juridiques : il faut appliquer les lois, non pas parce que c'est bien moralement, mais parce que c'est mieux pour tout le monde ! Le droit, donc, n’est pas la morale. Et cette obéissance automatique aux lois n'est finalement pas si risible que cela. Peut-être que les hommes ne réfléchissent pas, mais ils font quand même ce qui est le mieux pour eux… Pourquoi ? D’où leur vient une telle sagesse sociale ? 

Approfondissement de la réponse apportée à la question posée par le constat initial Les premiers États ne sont pas apparus suite à des poussées subites de fraternité. Certains propriétaires se sont entendus pour sortir d’une vie hantée par la peur du vol et de la mort. La liberté naturelle des uns entrait tant en conflit avec celle des autres que personne n’en profitait. L’insécurité rendait la liberté insupportable. D’où la nécessité de s’en remettre à une autorité supérieure, l’État, chargé d’assurer la sécurité de tous en faisant respecter des règles communes. Thomas Hobbes a voulu montrer pourquoi les hommes ont passé ce premier contrat. « Le Léviathan » désigne cet homme à qui tous les autres remettent leur liberté, et leurs armes, en échange de la sécurité. C’est ce pacte originel (la liberté naturelle contre la sécurité sociale !) qui institue l’état social . A la peur permanente de tous les hommes, ils préfèrent la peur d’un seul homme, mais tout puissant. Comme le Léviathan dispose du « monopole de la violence légale », les autres violences deviennent hors la loi. Il faut respecter, ou plutôt appliquer les lois parce que c’est la condition de notre vie débarrassée de la peur. Il faut les respecter, ou en tout cas les appliquer, pour pouvoir se consacrer à autre chose qu'à lutter pour survivre. En gagnant la sécurité, le droit de vivre hors la violence, nous gagnons la propriété, mais aussi, écrit Hobbes, la possibilité des sciences et de l’industrie, et même « toutes les douceurs de la vie ». 
Nous prenons notre place dans la file d'attente, mais ainsi nous pouvons penser à autre chose qu'à cette guerre à mort pour être le plus fort.

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