"Notre
âme est jetée dans le corps, où elle trouve nombre,
temps, dimension... Nous connaissons.., l'existence et la
nature du fini, parce que nous sommes finis et étendus
comme lui. Nous connaissons l'existence de l'infini et
ignorons sa nature, parce qu'il a étendue comme nous,
mais non des bornes comme nous. Mais nous ne connaissons
ni l'existence ni la nature de Dieu, parce qu'il n'a ni étendue
ni bornes."
En quel sens l'âme peut-elle trouver dans le corps où
elle est jetée -, non seulement dimension, c'est-à-dire
étendue, mais encore temps et nombre ? S'agit-il de notre
propre corps ou du monde des corps en général ? Le corps
ne représente-t-il pas ici, au moins virtuellement,
l'ensemble des conditions de la connaissance sensible ? Ce
qui suit signifierait alors que nous connaissons ce qui
est proportionné, non à notre personne physique, mais à
la nature et aux bornes de notre esprit.
Quoi
qu'il en soit, il y a un point sur lequel la pensée de
Pascal devance indubitablement celle de Kant: c'est que
nous ne pouvons rien connaître en dehors des données et
des conditions de l'expérience. L'infini dont il est ici
question, ce sont ces conditions mêmes, espace, temps,
nombre, étendues par l'imagination et le raisonnement au
delà de toutes limites. Nous savons qu'il existe, parce
qu'il est immanent à notre esprit; nous ne savons pas ce
qu'il est, parce que nous ne pouvons pas le déterminer.
Mais, de Dieu, c'est-à-dire d'un objet à la fois infini
et transcendant, nous ne pouvons dire, "ni ce qu'il
est, ni s'il est."
Voilà comment l'existence de Dieu peut devenir, pour
Pascal, l'objet d'un pari.