Quelle est votre position par rapport aux zoos? Il faut les supprimer. Je
connais des zoos écologiques ou éthologiques qui sont moins
scandaleux que d'autres, mais les zoos sont une honte, ce sont des
hôpitaux psychiatriques qui rendent fous les animaux! Il Y a un très
beau livre d'Élisabeth Hardouin- Fugier et Éric Baratay sur
l'histoire des zoos: cette histoire commence avec les ménage- ries
des cours royales et el1e se poursuit grâce à des alibis
scientifiques, pédagogiques ou écologiques (29). Oui, il faut
supprimer les zoos.
Que répondez-vous à ceux qui affirment que les zoos sont
pédagogiques pour les enfants et nécessaires pour la survie des
espèces?
Pour la survie des espèces il faudrait multi- plier les
génothèques, puisque nous en sommes capables, et rendre les bêtes
ainsi nées à leur environnement. Quant aux enfants, la première
chose à faire est de ne pas les laisser regarder ce que la
télévision montre tous les jours en ce moment: les bûchers. Ils ne
comprennent plus rien: on les émerveil1e avec des histoires d'ani-
maux et dans le même temps ils voient qu'on tue sans hésiter des
mil1ions de bêtes inoffensives et non malades. Donc si nous voulons
commencer à familiariser les enfants avec les animaux et à leur
faire comprendre ce qu'est un animal, expérience capitale dans leur
développement, nous devons changer nos manières d'élever et
d'abattre les animaux et de surcroît nous devons supprimer les zoos.
On ne doit pas leur montrer des animaux rendus fous dans des cages. À
cet égard je pense qu'il faut combattre aussi énergiquement les zoos
que la corrida ou la chasse à courre.
Pour revenir à l'actualité, vous venez d'évoquer les massacres
de masse du bétail. Indépendamment des raisons proprement
économiques qui sont évidentes et assez sordides, n 'y a-t-il pas
d'autres motifs à ces sinistres bûchers en Europe? Comment peut-on
imaginer cela aujourd'hui alors qu'il y a très peu de réactions de
révolte, puisque les gens y assistent impuissants?
Mais ils sont horrifiés. Je sais, par des personnes qui ont des
responsabilités dans la « filière viande », qu'il y avait des
excédents alimentaires et qu'il s'est agi de les réduire. C'est du
reste ce que pensent beaucoup de paysans de l'Ouest.
Donc on détruit les stocks...
Oui. Ce qui me frappe aussi c'est qu'on fait passer pour une logique
sanitaire quelque chose qui est de l'ordre de la pure logique
économique. Laissons de côté la question du prion, encore que nous
l'ayons fabriqué de toutes pièces au moyen des farines animales.
Mais la fièvre aphteuse! El1e n'est pas mortelle, le risque de
contagion pour l'Homme est infime, l'animal maigrit, la vache donne un
peu moins de lait, mais on peut la soigner. C'est pour des raisons de
pur productivisme, de rentabilité et de convenance que l'on détruit
ces animaux et non pas pour des raisons sanitaires. La démesure dans
la technicisation et la marchandisation» des vivants éclate au
grand jour main- tenant que les animaux sont massacrés pour rien. Les
gouvernants européens contraignent les éleveurs à des conduites
magiques, à multiplier des simulacres d'holocauste comme pour expier
le crime qui aura consisté à ne plus traiter que de manière
industrielle la naissance, la vie et la mort de ces vivants qui ne
sont pas des biens comme les autres, qui ne sont pas des choses qu'on
peut traiter n'importe comment suivant les caprices d'un
anthropocentrisme forcené. Dans cette destruction qui est une des
conséquences du productivisme de l'élevage intensif et de
l'industrie agro-alimentaire, les
responsables (FNSEA, Crédit Agricole et Ministère de l'Agriculture)
ont fait preuve d'irresponsabilité non seulement envers la santé
publique mais aussi envers des bêtes dont nous avons la garde et
envers le monde des hommes et tout ce qu'il comporte d'histoire
symbolique, car cette extermination industrielle d'animaux ne peut
avoir que des conséquences profondément déshumanisantes.
Élisabeth
DE FONTENAY - Philosophe
Propos recueillis par Jean-Marie Brohm. Entretien réalisé à Paris,
le 20 mai 2001.
Avec la Revue
Prétentaine. Article paru dans LE VIVANT Pour
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