Héra, de son côté, lorsqu'elle sent que les cris ne porteront pas, imagine la séduction.
 

Pour réveiller l'amour de son époux, que de soins elle prend à se parer, à se parfumer! Elle fait même trêve momentanément avec Aphrodite pour obtenir d'elle "le ruban brodé aux dessins variés où résident tous les charmes.  Là sont tendresse, désir, entretiens amoureux aux propos séducteurs qui trompent le cœur des plus sages"... et "c'est ainsi que, tranquille, le père des dieux dort au sommet du Gargare, dompté par le sommeil ainsi que par l'amour, son épouse entre les bras". Pendant ce temps, Poséidon et les autres ennemis de Troie s'en donnent à cœur joie sur le champ de bataille.

On imagine la colère de Zeus au réveil:"Ah! voilà bien de tes ruses méchantes, intraitable Héra!.. Je me demande si je ne vais pas te rouer de coups. As-tu donc oublié le jour où tu étais suspendue dans les airs? J'avais à tes pieds accroché deux enclumes... et tu étais là, suspendue en plein éther, en pleins nuages... j'entends que tu cesses enfin de me jouer. Tu vas voir s'ils t'auront servi, ce lit, cet amour, qui t'ont fait quitter les dieux pour me jouer".

Héra est prise d'une telle épouvante qu'elle fait une soumission complète, et son mari s'apaise aussitôt. 

-Il soupire: "Ah! si désormais, auguste Héra aux grands yeux, ... tu avais des pensées accordées aux miens..."
Mais l'infatigable s'attaque bientôt à Artémis, protectrice de Troie. "De sa main gauche, elle lui prend les deux mains au poignet, de sa droite, elle lui enlève l'arc des épaules. Puis, de cet arc, en souriant, elle la frappe au visage, près des oreilles, tandis que l'autre tourne la tête à chaque coup"... Alors, "pleurante", elle va s'asseoir sur les genoux de son père... son père (Zeus) l'attire à lui et lui demande avec un doux sourire:
Qui, des fils du ciel t'a ainsi traitée... ?

- C'est ta femme, père, qui m'a maltraitée, Héra aux bras blancs... (faut-il rappeler qu'Artémis est fille de Létô?)
Pauvre père de famille? Qui mène la danse, à votre avis?

2. Pourtant...

Sauf quand elles utilisent la ruse, les déesses ne peuvent agir qu'avec la permission de Zeus, et il leur faut choisir les moments favorables pour obtenir son assentiment: 

"Te fâcheras-tu, si je frappe Arès un peu rudement pour le chasser du combat?" 

Elles doivent se soumettre à sa volonté exprimée: "Hélas, fille de Zeus qui tient l'égide, restons-en là... A Zeus de décider en son cœur suivant ses desseins".
Bien souvent, elles rongent leur frein. "Athéna et Héra murmurent. Assises côte à côte, elles méditent le malheur des Troyens. Mais Athéna reste muette quel que soit son dépit à l'égard de Zeus Père et le courroux féroce qui déjà la saisit. Héra, elle, ne peut, en sa poitrine, contenir sa colère... "Terrible Cronide... nous le savons fort bien, ta force est de celles qu'on ne fait pas plier... Soit!..."

Toutes, en effet, ont la terreur des colères épouvantables du maître de l'Olympe: "Héra, que viens-tu faire? Tu sembles hors de toi. Il faut qu'il t'ait fait grand peur, le fils de Cronos, ton époux, s'inquiète une déesse. 

- Ne m'interroge pas là-dessus, divine Thémis. Tu sais déjà combien son cœur est arrogant et implacable..."
Malgré leur audace, parce qu'il est l'aîné des dieux nés de Cronos et parce qu'il a pour lui la force, elles savent que Zeus reste leur seigneur et leur maître.
Ainsi, mortelles ou déesses n'ignorent pas que l'autorité appartient à l'homme et que leur influence doit se faire discrète. Elle n'en est pas moins déterminante dans le déroulement de l'Iliade.

Ces deux chapitres sont un peu lourds, mais il y a tant à dire! 

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Jacqueline Masson 

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