Rubrique Épistémologie

Rubrique épistémologie

Épistémologie: les conditions, la valeur, les limites de la connaissance humaine

La métaphysique en question  

par Francis Guibal

Pages : p-1 | p-2 | p-3 | p-4 | p-5 | p-6 | p-7 | p-8 |

Site Philagora, tous droits réservés

_____________________________________

4 - Constructivisme dogmatique -  

Outre la rationalité opératoire du positivisme et la praxis révolutionnaire du marxisme, un troisième grand courant vient mettre en cause les constructions systématiques de la métaphysique; sa caractéristique commune consiste à revendiquer hautement les droits de l'expérience intégrale en sa richesse complexe et ambiguë qui défie toute maîtrise a priori (6). Que l'on décrive l'existence ou la vie historique, l'attention se porte toujours sur les paradoxes de la contingence irréductible et de la création imprévisible, sur l'impossibilité par conséquent de jamais construire ou déduire le "donné" fondamental qu'est pour l'homme son être-au-monde originaire. Ce qui est alors reproché à la métaphysique est son rationalisme dogmatique et inhumain, qui croit pouvoir engendrer et embrasser le tout de la réalité par le jeu d'une nécessité rigoureuse. Un tel agencement déductif d'idées préétablies, en vue de se donner le monde en spectacle compréhensible, relève d'une pensée "de surplomb" qui fige en thèses absolues le mouvement de l'existence finie et nous arrache à notre condition toujours fragile et relative. Mais tout cela repose, pour ce courant de pensée, sur une fraude initiale inavouée: ce que le système présente en pure lumière rationnelle, il a commencé par le recevoir de l'expérience vivante. En vain cherche-t-il à recouvrir d'un voile spéculatif ses origines positives, à faire passer dans une intelligibilité a priori et totalisante la subjectivité existentielle et sa situation socio-historique. Ce qui nous intéresse en lui est précisément ce qu'il s'efforce de cacher et d'intégrer. Nous ne pouvons donc plus "comprendre" les grands édifices "explicatifs" de la métaphysique que de manière génétique: en les référant à leurs conditions empiriques de surgissement, en y voyant simplement des essais, tous relatifs et insatisfaisants, de s'affronter à l'énigme toujours renaissante de l'existence.

    Résolument vouée au monde, la vision phénoménologique ne constate pas des faits et ne produit pas l'intelligible; son intentionnalité sans violence va directement aux "choses mêmes" qu'elle laisse apparaître et décrit dans leur contingence ineffaçable et leur signification immanente. L'attention se porte ainsi sur ce qui échappe à toute saisie dominatrice. L'unicité existentielle de l'individu, sa vérité secrète, son passage incognito, autant de paradoxes qui rompent la trame savante de la dialectique totalisante. Quant à la vie de l'esprit, sa relativité est constitutive et insurmontable: ses expressions appellent une compréhension herméneutique et une critique de la raison historique sans garantie métaphysique. On en dirait autant de la durée créatrice où prend corps la liberté vivante: l'analyse conceptuelle, valable pour les systèmes clos et les institutions statiques, est inapte à comprendre ce qui est processus constamment ouvert, plénitude mouvante et inventive à laquelle on ne peut que communier dans la joie. S'il y a bien en tout cela une rationalité décelable, elle est contemporaine de l'expérience, fragile et contingente comme elle: c'est ensemble que l'objectivité mondaine et la subjectivité humaine sont prises dans un mouvement d'éclairement réciproque dont la problématicité indéfinie et vertigineuse exclut par principe toutes les réponses préconstruites, tirées soit d'un être massif et opaque, soit d'une conscience pure et transparente.

Aller à la page suivante : 5-  Volonté de maîtrise morbide

6) Ce troisième courant, axé sur la description de l'expérience vivante peut rassembler toute une lignée de penseurs qui vont de Schelling et Kierkegaard à Husserl et Merleau-Ponty, en passant essentiellement Dilthey et Bergson; en ce qui touche la compréhension génétique du système, je fais implicitement allusion à Dilthey, le premier à avoir attiré l'attention sur les écrits de jeunesse de Hegel, qu'il interprétait précisément comme une "phénoménologie de la métaphysique".

Pages : p-1 | p-2 | p-3 | p-4 | p-5 | p-6 | p-7 | p-8 |

Rubrique Épistémologie

2010 ©Philagora tous droits réservés Publicité Recherche d'emploi
Contact Francophonie Revue Pôle Internationnal
Pourquoi ce site? A la découverte des langues régionales J'aime l'art
Hébergement matériel: Serveur Express