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-Introduction-
"Une
question métaphysique est une question dans laquelle
nous sommes nous-mêmes en question, nous qui
questionnons." M.
Heidegger
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"METAPHYSIQUE"
peut être défini le geste, d'expérience et de pensée tout
ensemble, par lequel l'homme en vient à interroger l'intégralité
de ce qu'il vit, en vue de découvrir la présence, originelle et
originale, fondatrice et fondamentale, qui porte, assure et légitime
le mouvement de toute réalité finie. L'intention est donc inséparablement
de totalisation unificatrice et de radicalisation hiérarchisante:
au cœur des apparences fluentes, ce qui est cherché et désiré,
c'est un essentiel premier et dernier,
principe universel d'être et d'intelligibilité, d'ordre et de
stabilité. Ce geste se répète et se reprend inlassablement au
long des siècles, mais sous des formes singulières toujours
neuves qui répondent à des problématiques chaque fois particulières:
la Vérité est concrète, le "Même" ne se donne à
penser qu'à travers des figures autres et différentes.
Dans notre histoire occidentale notamment, cette aspiration métaphysique
se trouve affectée de manière décisive par la mutation qui,
depuis la Renaissance, amène la pensée à quitter les univers
traditionnels pour s'ouvrir aux perspectives de la modernité. La
métaphysique classique, en effet, était tournée vers l'être en
sa vérité objective: elle visait un savoir, fondé en raison,
des principes régissant le monde en son ensemble; et la diversité
anarchique de l'ici-bas empirique se rattachait ainsi pour elle à
un au-delà transcendant, source éminente de l'harmonie offerte
à la contemplation. Une véritable révolution se produit avec la
progressive venue à la conscience de soi de la subjectivité
libre: découvrant l'originalité qui marque sa présence à soi,
l'homme s'interroge dès lors -dans l'immanence des conditions
socio-historiques- sur le sens et la portée de son action.
L'essentiel désormais n'est plus séparé et il n'a plus pour
fonction d'assurer l'ordre objectif du cosmos; il est requis
simplement pour soutenir de l'intérieur le mouvement des libertés
en quête de reconnaissance.
Cette transformation, cependant, nous apparaît encore intérieure
à un même mode de penser: qu'il explore et expose le domaine de
l'Être Absolu ou celui du Sens Inconditionné, l'homme "métaphysique"
reste celui qui vise un système global, susceptible de faire
apparaître en son unité intelligible le tout de la réalité,
offrant la garantie d’une présence et la satisfaction d'un
"chez-soi". Or c'est cet optimisme spéculatif d'une
raison pleinement assurée de soi, de son Fondement et de son
Sens, que le monde contemporain paraît questionner de manière
radicale: marquée par la conscience d'un savoir et d'un pouvoir
accrus et par l'expérience d'une adversité qui la renvoie à sa
propre fragilité, l'humanité actuelle ne semble plus pouvoir
compter sur les garanties sécurisantes de la Nature ou de la
Raison, de l'Esprit ou de l'Histoire. Renonçant à toute
tentative de surmonter la mort et la finitude, elle serait
volontairement rivée aux limites indépassables d'une expérience
totalement immanente et relative. La sobriété opératoire de la
science et le réalisme lucide de l'action se conjugueraient pour
engendrer une conscience nouvelle de l'existence finie qui exclut,
démystifie et détruit à sa racine toute référence métaphysique
possible. Nous ne vivrions plus seulement les métamorphoses de la
métaphysique, car nous serions entrés –qu’on le déplore ou
qu'on s'en réjouisse- dans l'époque de sa fin, de son extinction
ou de sa clôture. Voilà en tout cas la problématique que je
voudrais inviter ici à aborder en quelques points qui méritent réflexion.
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