II-
La fonction sociale de la
religion
On
peut se demander pourquoi la religion n'a pas fait problème
plus tôt et pourquoi seulement récemment en Occident.
Nous
avons devant nous l'expérience millénaire de l'existence
de plusieurs religions qui, devant les autres cultes, n'ont
pas été conduites à discuter du bien fondé de leur foi
mais qui s'en sont au contraire trouvées renforcées.
Chaque
peuple a ses dieux et reconnaît aux autres la foi en leurs
propres divinités. Mais dans le cas de conquêtes, la
soumission des vaincus implique leur adhésion aux dieux du
vainqueur. Ne serait-ce pas que la religion doive être étudiée
non pas tant du point de vue des raisons qu'ont les
individus de croire que de celui du peuple dans son
existence collective?
Il
faut donc interroger la fonction politique et sociale de la
religion
A)
La religion civile
Thèse:
Nous avons vu que la possibilité d'examiner rationnellement
la religion tient à notre propre contexte historique. Pour
ne pas risquer le reproche d'ethnocentrisme, il
convient donc d'interroger la religion non à partir de
notre propre expérience particulière mais, tout en
essayant de prendre la mesure de la relativité de nos
propres valeurs, interroger le fait religieux du point de
vue de sa nécessité. Un peuple sans religion n'a en effet
jamais existé jusqu'à l'époque moderne.
Argument:
Nous sommes habitués à distinguer un domaine public
(droits du citoyen) et un domaine privé (droits de
l'homme). Le premier est celui de la législation commune,
le second celui de la liberté d'opinion. Or c'est de
l'existence de ce second domaine que naît la possibilité
d'une critique de la religion.
Mais-
cette distinction est récente (guerres de religion) et était
préparé par la spécificité du dogme chrétien (Epître
aux Romains- " Rendez à César ce qui est à César et
à Dieu ce qui est à Dieu).
Or-
cette manifestation tardive du fait religieux n'est ni la
plus évidente ni la plus répandue au cours de l'histoire.
Elle est même un cas particulier, une exception.
Exemples-
Antiquité grecque et romaine: pas de séparation domaine
public (politique) et domaine privé (religion).
Tout
devoir politique pour un romain est sacré. La désobéissance
aux lois est un sacrilège, une offense faîte aux Dieux.
Cette indistinction de la théologie et du pouvoir civil est
ce que l'on nomme théologie civile.
Or-
Rousseau, Contrat social, IV, 8: critique la
religion chrétienne car elle met l'homme en contradiction
avec lui-même, l'homme et le citoyen. Le chrétien est
obligé de servir deux maîtres, Dieu et le souverain.
Pour
fonder le devoir du citoyen, il faut donc l'amener, selon
Rousseau, à reconnaître comme sacrée la législation à
laquelle il participe.
Conséquence-
En son essence même, le fait religieux ne se sépare pas de
l'existence politique du peuple. La religion est le
fondement de l'identité d'un peuple. C'est pourquoi la
conquête d'un peuple implique la conversion des vaincus. Ce
qui compte c'est l'unité du peuple autour d'une représentation
symbolique qui lui permet de se différencier des autres, et
non pas l'idée d'une vérité à laquelle tous doivent se
convertir. (Exemple: Alexandre le Grand, qui était Grec, se
fait sacré Fils d'Amôn-Râ par les prêtres égyptiens
lorsqu'il conquiert l'Egypte).
Transition:
Ainsi c'est dans son sens de lien politique que la religion
doit être interrogée sur son essence en tant qu'elle donne
forme à une communauté particulière.
Ex.:
l'animal totem des Indiens d'Amérique est à la fois une
idole et le symbole de l'identité du peuple. Le totem donne
son nom à la tribu.
B)
La fonction sociale de la
religion
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