C)
Comment une critique de la religion est possible?
Problème-
La notion d'idéologie semble impliquer que l'on ne puisse,
au sein d'une société particulière, s'interroger sur le
fondement de sa propre religion puisque c'est elle qui
encadre l'activité humaine et donc la possibilité de tout
questionnement. Quelle est donc la condition pour
que l'on puisse critiquer la religion?
Thèse:
La question Faut-il en finir avec la religion?
implique un processus historique à l'intérieur duquel nous
posons la question. C'est donc de ce processus qu'il nous
faut partir.
Argument:
C'est de notre propre situation historique, à nous qui
posons la question, qu'il nous faut partir. Nous
devons donc interroger la religion qui régna sur l'Europe,
la religion catholique.
Étymologie-
Catholicos = en grec: universel = une seule humanité,
un seul Dieu, une seule religion.
La religion
catholique implique que les prêtres représentent le
message du Christ. De ce point de vue toute remise en cause
de leur pouvoir correspond à une opposition à Dieu et est
susceptible d'une accusation d'hérésie.
Cependant-
XVIe s.- Luther, sans toucher au fondement de la foi, remet
en cause ce pouvoir (rejet des indulgences). Il refuse tout
intermédiaire entre le cœur du croyant et Dieu. La
relation à Dieu est une question d'intériorité.
Ce rejet a pour conséquence que chaque croyant est libre
d'interpréter les textes.
Or-
Du fait de la
diversité des interprétations, les pays convertis au culte
protestant comme l'Angleterre (XVIIe) connaissent la
naissance d'une multiplicité de sectes concurrentes. Il
faut donc trouver une solution pour éviter les guerres de
religion.
Ainsi-
naissance du concept de tolérance. Tolérer
signifie accepter qu'un autre croit à quelque chose qui
m'apparaît comme faux.
John
Locke (en 1689) écrit la Lettre sur la tolérance.
Il y montre que le pouvoir civil et religieux ont deux
objets et deux modes de fonctionnements différents. Le
pouvoir politique a pour fin de protéger les biens civils
(liberté, propriété) et ne peut se charger du soin des âmes
car son moyen d'action est la puissance extérieure. A
l'inverse les religions ne peuvent utiliser comme arme
contre leurs adversaires que celle qui atteint le fond de l'âme.
Du fait qu'on ne peut obliger quelque à croire sincèrement
contre sa propre foi, la seule arme que
peut utiliser la religion est la persuasion, c'est à dire
le discours et l'argumentation.
Avec la reconnaissance de l'importance de l'intériorité,
naît le droit de conscience. Ce droit implique
ainsi la liberté de penser.
Par
conséquent-
Il devient possible de discuter du dogme
et même du bien fondé de la religion.
Exemple:
Pierre Bayle présente la figure de l'athée vertueux. Il
montre que les principes de la religion ne sont pas suivis
par les chrétiens eux-mêmes. En fait la rationalité de
partenaires intéressés à leur propre bonheur suffit à
assurer le fonctionnement social sans recourir à une
sanction morale.
Conclusion:
On voit que la possibilité de discuter de la religion et
poser la question Faut-il en finir avec elle dépend
d'un processus historique au cour duquel il a fallu trouver
une solution à la concurrence de plusieurs religions au
sein d'une même société. La conséquence de l'invention
du concept de tolérance est la possibilité de
discuter rationnellement de l'intérêt de la religion, ce
que celle exclue a priori. A partir de là, il devient
possible de dénoncer l'irrationalité de la religion et sa
fonction idéologique.
Transition:
Cependant- Du fait que la discussion
rationnelle de la religion n'est possible que dans une
certaine configuration historique particulière (la Réforme
protestante en Occident chrétien), on ne peut exclure que
cette rationalité ne soit elle-même un préjugé d'ordre
religieux qui loin d'en avoir fini avec la religion l'a plutôt
remplacée dans sa fonction.
Il faut donc interroger la religion non pas du point de vue
de son opposition à la rationalité qui la critique et tend
à s'imposer à sa place mais en se demandant plus
clairement à quelle fonction elle répond.
Si en soi la fonction du fait religieux n'est qu'un
accident, une création arbitraire, on peut en finir
avec elle et l'évacuer au profit d'une maîtrise consciente
de nos idées. Mais s'il s'avère que la religion répond à
une nécessité de l'existence humaine, il nous faudra nous
demander ce que peut signifier que l'on puisse en vouloir en
finir avec la religion. Celui qui veut en finir avec elle
est-il vraiment conscient de ce qui le pousse à tenir ce
discours ou n'est-il pas lui-même le fruit d'une certaine
idéologie correspondant à la structure particulière de
son époque et de sa culture?
II-
La fonction sociale de la
religion |