Introduction
Au
paragraphe 125 du Gai Savoir, Nietzsche narre la
fable d'un homme venu annoncer la mort de Dieu. Devant la
stupéfaction de ceux à qui il révèle qu'ils ont tué
Dieu, " l'insensé " comprend qu'il est
venu trop tôt, que " ce formidable événement
est encore en marche et voyage ". Depuis que ces
paroles ont été prononcées, il semble en effet que la
religion n'en finisse pas de ne pas finir. La question même
de savoir s'il faut en finir avec la religion témoigne
d'un processus en voie d'achèvement et par là même
inachevé.
Mais
la question semble mal posée. En effet si la religion
implique le monopole de la réponse à la question de la
finalité de l'existence humaine, nous qui posons la
question de l'opportunité d'en finir avec la religion, nous
reconnaissons implicitement que la religion n'est plus la
plus haute instance de décision quant à l'orientation de
notre existence. Le statut d'évidence dont jouit par
essence la religion en tant que structure normative
encadrant l'existence humaine a cessé de lui appartenir.
Par contre cette évidence s'est reportée sur la question
que nous posons à propos de la religion. C'est une évidence
pour nous que la religion puisse et même doive être
interrogée, critiquée, adoptée ou rejetée du fait de
notre droit à la liberté de penser. C'est la liberté de
penser qui rend cette question possible. Ne serait-ce donc
pas que la possibilité d'une discussion rationnelle autour
du fait religieux occupe le lieu d'où autrefois la religion
apparaissait comme une nécessité incontestable?
Aussi,
afin de poser la question de la nécessité d'en finir avec
la religion, il convient de nous demander ce qu'est la
religion pour que nous puissions en finir avec elle et
comment il nous est possible de la critiquer. Par là même
nous sommes conduits à interroger la fonction de la
religion du point de vue de l'existence collective et
historique d'un peuple. Finalement nous pourrions être
conduits à rechercher si notre propre contexte culturelle
et historique, en rendant possible une discussion sur la
religion, ne se cache pas à lui-même la condition pour
qu'une telle discussion nous apparaisse comme allant de soi.
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