° Rubrique Droit et Justice DROIT et JUSTICE par Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.frPour
une définition de la Justice comme « intrinséquéité » Pages: 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 -- (Notes ouverture nouvelle fenêtre) Philagora tous droits réservés __________________ Pour une définition de la Justice comme « intrinséquéité » Conclusion. Les
grecs appelaient loi, le "nomos", ce terme à permis en Français
l'élaboration du terme de "norme", mais a également permis de
créer le mot "nomade". La
justice n'est pas la loi et la loi n'est pas le droit mais le droit est ce
qui permet de faire vivre le juste en utilisant (notamment) la loi. Il y a
donc un lien certain entre le juste et la loi. Mais comment dès lors
expliquer que le "nomos" ait donné et la norme ( qui renvoie à
la règle et à la rigidité de celle-ci) et le nomade
suppose "fluctuant", "voyageur" ? La définition
de la justice comme intrinséquéité nous permet de donner une réponse
à la question ainsi posée et de résoudre ainsi le question du pourquoi
du lien entre des concepts apparemment si opposés. Cette
définition fait en effet de la justice ce qui fonde l'idée même de
limite. En tant que telle elle est "une", donc rigide( par son
unité même qui exclut toute interprétation ignorante de cette unité)
et ce faisant elle exclut donc toute vision relativiste de l'idée même
de justice. Cette unité explique ainsi que le nomos ait pu donner la
"règle" qui par sa rigidité même implique unité. Mais
tout en étant "une", la définition de la justice comme intrinséquéité
fonde, le concept de "limite intrinsèque" qui par lui-même ne
doit pas nécessairement s'entendre au sens "métaphysique" du
terme mais peut s'entendre sous trois sens. La limite en effet peut être
plurielle, variable. Elle peut s'entendre au sens individuel, social ou
"naturel". La limite
peut donc "varier" selon les circonstances, les personnes ou les
croyances et pour cette raison tout en étant une, la justice n'est
nullement étrangère à la "nomadité, ce qui peut expliquer que le
nomos ait pu donner le nomade en grec et le pourquoi de lien oublié entre
le nomos et le"nomade" que Kant a selon nous eu tort de mépriser
. De
cette dualité, norme/nomade qui tire son existence même du terme "nomos"
que la définition de la justice comme intrinséquéité éclaire ainsi,
nous savons ainsi qu'être juste ce n'est pas imposer dogmatiquement une
vision politique ou dogmatique du monde à autrui. Etre "juste"
c'est précisément admettre qu'il existe des limites aux choses et aux êtres
, que la justice même ne peut ignorer sauf, comme le rappelait Rousseau
en parlant du droit,à se transformer en force ce qu'elle ne doit jamais
être puisqu'elle n'est qu'idée (idéelle et non hypostasiable) et que la
force elle est matière factuelle (une réalité indiscutable
malheureusement et parfois tout à fait hypostasiable). En
conséquence être juste c'est admettre les trois conceptions possibles de
l'idée de "limite" et tenir pour acquis que nul ne peut
aujourd'hui prétendre honnêtement (sauf à contraindre ou convertir
l'autre par force à ses convictions) que l'une ou l'autre de ces
conceptions puisse être nécessairement vraie.
Nous pouvons considérer pour nous même que - par exemple- l'idée
de "nature" ou de limite "naturelle" aux choses est
indépassable, voire au contraire que cette idée est un leurre mais si
nous voulons être juste avec l'autre nous ne pouvons
imposer à l'autre nos
convictions ou fonder notre droit sur cette conviction et ce faisant lui
imposer nos idées en confondant ainsi philosophie politique et
philosophie du droit. La
justice qui trouve son origine dans ce qui fonde l'idée de
"limite" impose ainsi tolérance ( l'idée de tolérance n'est
autre que le respect de l'autre en tant que différent de nous, ayant des
limites distinctes des nôtres) et
charité ( celle de charité en revanche implique le rappel de nos propres
limites face à nos jugements qui sont eux-mêmes limités ainsi que le
rappel des jugements de l'autre et des influences qu'il subit nécessairement
) à l'égard des pensées
divergentes des nôtres. La
prudence "épistémologique" elle-même nous incite à ne pas nécessairement
faire valoir l'une aux dépens de l'autre.
Des combats inutiles, des querelles vaines par elles-mêmes nous
ont aujourd'hui montré que le "croyant" tout autant que le
"non-croyant", le darwinien ou le créationniste pouvait avoir
de bonnes raisons de croire à ce qu'il croyait. Ce qui importe ce n'est
pas pour la justice de donner raison "dogmatiquement" à l'un ou
à l'autre mais de permettre une vie paisible entre les uns et les autres
simplement parce que nul ne peut avec certitude "forcer" l'autre
à croire ce qu'il ne croit pas. Tout ceci n'est qu'affaire de croyance
personnelle et la justice se doit de les respecter comme toutes les
religions, quelles qu'elles soient imposent respect et bienveillance pour
l'exilé et l'étranger. Outre
l'avantage de résoudre la fausse opposition nomade/norme, la définition
de la justice ainsi proposée, évite
les inconvénients du positivisme car elle ne fonde pas le droit à partir
du droit ( comme le font les positivistes actuels qui entendent ou prétendent
fonder le droit interne à partir du droit international sans nous
dire sur quoi fonder le droit international lui-même . Ils oublient ainsi
que le droit en tant que tel est un outil et l’outil - que pour Kelsen même
il n'était que "second" - et que ce droit
n’est rien si le pourquoi de son usage n’est pas réfléchi ou
entendu, compris à partir d'autre chose que lui-même).
Mais dans le même temps, cette définition ne voue pas le
positivisme aux "gémonies",
car elle admet les avantages de cette doctrine qui permet de
limiter toute vision dogmatique du droit. En effet, tout comme elle, elle
ne confond pas philosophie politique et philosophie du droit mais
toutefois, tient pour "naïf"(14) toute idée de séparation
radicale entre l'une et l'autre branche de la philosophie. Comme
nous l'avons indiqué, cette théorie se propose en effet
de tenir compte du plus grand nombre possible de visions du
« juste », aussi bien le jus naturalisme, le droit religieux,
le droit laïc( et parmi les partisans du droit laïc, les nationalistes,
les internationalistes, les socialistes, les libéraux). Elle les intègre
sans les dissoudre. Elle
rappelle donc que le droit en lui-même n'est qu'un outil, au service du
juste. Il doit permettre aux juges désignés de remplir leur office et à
la loi d’être appliquée. Toutefois elle rappelle qu'il y a parfois des
"folies" du juste que le juste lui-même n'ignore pas puisqu'en
tant qu'intrinséquéité il est lui-même soumis à cette exigence de
justice. Il y a aussi une justice de la justice. La
définition proposée ne risque-t-elle pas de faire la part trop belle au
jugement ou à l'évaluation ?
Elle considère que l'évaluation reste effectivement un des outils
essentiels de la mise en oeuvre de la justice et que le droit lui-même se
distingue de la loi en ce qu'il intègre cette idée même de jugement. Elle
rappelle ainsi qu'un nouveau
travail doit donc être opéré sur l’évaluation ou le jugement de
l’intrinsèque. Celui-ci suppose des propositions pour limiter les
effets néfastes de l'arbitraire. Un élément indépassable découle
cependant de la théorie proposée : celui qui en voulant juger et
appliquer la loi ignore la limite de celle-ci et les limites de ce qu'il
juge et de son jugement même, celui-ci aussi est injuste et il ne peut
donc nous faire croire en la légitimité de sa décision ; ce faisant
certes il sera juge mais ce sera un juge injuste. (Notes en lien ouverture nouvelle fenêtre) Copyright Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr professeur de philosophie en région parisienne, juriste et ancien avocat à la cour d'Appel de Paris ° Rubrique Droit et Justice |