° Rubrique Droit et Justice DROIT et JUSTICE par Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.frPour
une définition de la Justice comme « intrinséquéité » Pages: 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 -- (Notes ouverture nouvelle fenêtre) Philagora tous droits réservés __________________ = Pour une définition de la Justice comme « intrinséquéité » b)
Plus spécifiquement, l’interprétation limitée
qui est aujourd’hui majoritairement faîte du positivisme juridique et
du rôle des juristes a au moins quatre effets négatifs tant sur eux que
sur le droit lui-même. En
premier lieu, celle-ci enferme plus encore le
monde du droit dans sa spécialité. Si le savoir du spécialiste est nécessaire
devons-nous pour autant priver celui-ci de réflexions sur le général ?
Dans l’incertitude des méthodes qui conduisent au vrai une certaine
prudence épistémologique ne serait-elle pas plus préférable ici comme
ailleurs ? En
second lieu, la coupure ainsi instaurée
entre le droit et le juste prive ainsi le juriste du privilège qu’offre
la réflexion conjointe sur le droit et sur la justice ; privilège
d’une réflexion sur la nature du bonheur, réflexion qui ne pourrait être
jugée inutile par n’importe lequel des utilitaristes. Comment être
heureux en effet si l’on ne parvient pas à savoir ce qui nous convient
et ce qui convient à nos proches or le juste ne permet-il pas de déterminer
ce qui convient ? Aider les juristes à y réfléchir n’autoriserait-il
pas ces derniers à mieux utiliser certaines de leurs réflexions afin de
mieux réfléchir aux conditions de leur bonheur personnel ? Aristote,
encore lui, avait été l’un des premiers à envisager ce lien entre
justice et bonheur. Le positivisme radical a pour effet de le rompre tout
net. (6) En
troisième lieu, la seule réflexion sur le contenant au détriment du
contenu, le défaut de réflexion sur le pourquoi du droit en général,
du pourquoi de certains droits en particuliers a pour effet , certes de
masquer des désaccords qu’il est jugé malséant d’étaler en public,
mais en même temps de vider le droit d’une partie de son efficacité.
Les juristes en effet ne cessent à présent d’évoquer un émiettement
du droit ou un déclin de la loi(7). Mais le désaccord sur ce que nous
faisons ne peut que conduire à un tel émiettement ou à tout le moins au
refus de celui-ci , voire à l’incompréhension d’une existence de
cette diversité. Comment en effet se mettre d’accord sur quelques
lignes générales si personne ne parvient à s’entendre sur ce que doit
être l’outil que l’on entend mettre en place, sur ses fonctionnalités,
sa nature, son utilité, etc…? Enfin,
en dernier lieu, ce rétrécissement du champ du
droit et de la réflexion juridique, cette limitation au « droit »
et cette exclusion du « juste » du monde juridique est
dommageable car il a pour effet d’accentuer le développement d’un
droit purement procédural, le déplacement des débats judiciaires du débat
d’idées au débat sur de pures formes. Un tel déplacement ne peut
qu’être défavorable pour le maintient du tissus social pour celui qui
croit que le dialogue assure une certaine cohésion à la société.
L’homme est un être de langage et d’échanges et le langage, Aristote
encore lui le soulignait en son temps, l’outil premier du politique
(7a). Si le droit ne permet plus de tels échanges c’est lui-même et la
société toute entière qui le porte qui finit par s’appauvrir. En
effet, les micro-discussions juridiques finissent un jour par alimenter
des macro-débats. Lorsque les relais sont bien organisés, ces micro-débats
permettent d’éviter les heurts que ne manquent jamais de produire les
silences contraints. c)
A la décharge du positivisme juridique, une brève étude de l’histoire
de la philosophie du droit révèle cependant que cette tentation de réduire
le rôle des juristes à celui de simples exécutants n’est pas nouvelle.
On en trouve des traces dans la doctrine dite de l’exégèse mais plus
encore chez Robespierre qui voulait que les juges soient des « bouches
par qui la loi parlerait » et également dans le Platon des lois. Mais
l’école de l’exégèse a fleuri aux temps de Napoléon Ier et elle a
très vite déclinée lorsque la troisième république s’est installée
(8). Nul , exception faite de quelques thuriféraires minoritaires, ne
souhaite le retour de l’incorruptible
de 1793. Le cantonnement du juriste au rôle de pur exécutant est
donc plutôt reliée à une vision autoritaire du politique. Platon,
dont certains ont à juste titre interprété le rôle qu’il a pu jouer
auprès de quelques cas pathologiques qui n’ont pas su saisir toute la
subtilité de sa pensée, avait lui-même prévu dans les lois que si le législateur
devait être distingué du « juriste » simple exécutant, il
n’en demeurait pas moins qu’aucun législateur digne de ce nom ne
pouvait l’être selon lui s’il n’avait connu le droit dans son
application quotidienne. Il fallait être juriste pour être législateur,
selon Platon. Lorsqu’elle fut pensée par les grecs et les hébreux,
puis laïcisée par les lumière, l’idée de loi puis celle de loi ne
pouvait se penser indépendamment de celle de justice. Il suffit pour cela
de relire les écrits mosaïques, et les textes fondateurs de Platon et
d’Aristote sur le sujet. La
loi doit être au service de la justice. Sinon comment expliquer la
fameuse formule cicéronienne devenue partie intégrante du droit français
sous la théorie de l’abus de droit ? « L’abus de droit est
injure faîte au droit » nous rappelait l’avocat-philosophe (
Summun jus, Summun injuria). Tel est le grand mérite des doctrines
contemporaines des théories de la justice. Vers la page
suivante - B)
Avantages et inconvénients des théories contemporaines de la justice. (Notes en lien ouverture nouvelle fenêtre) Copyright Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr professeur de philosophie en région parisienne, juriste et ancien avocat à la cour d'Appel de Paris ° Rubrique Droit et Justice |