° Rubrique Droit et Justice 

DROIT et JUSTICE par Jean Jacques SARFATI 

 jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr

Pour une définition de la Justice comme « intrinséquéité »

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Pour une définition de la Justice comme « intrinséquéité »  (suite)

- La justice comme intrinséquéité

Il convient en premier lieu de définir ce terme, puis ensuite d’envisager les conséquences de la définition proposée.

a) L’intrinséquéité. Pour Lalande, l’intrinsèque est ce : « qui appartient à un objet de pensée en lui-même et non dans ses relations à un autre. Une chose est dite en particulier avoir une valeur intrinsèque si elle possède cette valeur par sa propre nature et non pas en tant qu’elle est le signe ou le moyen d’autre chose… » (11).

Citant Port-Royal, Lalande nous rappelle ainsi l’existence dans la logique classique des modes « extrinsèques » tels « vu, désiré, aimé » qui sont des noms pris des actions d’autrui (12).

L’intrinsèque, par contraste avec son contraire suppose donc un « interne », un lieu qui délimite la géographie de la chose qui n'est plus elle-même lorsque l'on ignore ses contours ou lorsqu'elle les ignore elle-même.

Il suppose que l’on puisse déterminer des limites  à l’objet ou au sujet lui-même.  Il est lié à la notion d’"essence". L’essence pourrait se définir par les qualités intrinsèques de la chose. Or cette dernière se caractérise étymologiquement comme « étantéité de la chose » mais l'"étantéité" qui n'est pas à confondre avec la "nature" de la chose. Elle ne relie pas nécessairement au métahpyique mais simplement au "pratique". S'il existe des choses différenciées, des concepts différents ou des êtres en tant que tels c'est bien qu'il existe des contours à ces êtres ou ces choses et les contours en eux-mêmes impliquent donc bien qu'il y a des limites intrinséques à chaque chose et que les ignorer c'est ignorer cette chose même. Mais si telle est l'intrinsèque, qu'en  est-il de l’intrinséquéité ?

Celle-ci renvoie aux qualités de l’intrinsèque. Or telle est précisément, selon nous, la définition qu’il convient de donner au concept de justice. Elle est intrinséquéité. Ceci signifie donc qu’elle est ce qui permet de déterminer les différentes propriétés de l’intrinsèque et ce qui permet à cet "intrinsèque" d'exister en tant que tel.

 S'il y a de des qualités "intrinsèques" aux choses alors en effet l'on peut parler "d'intrinséquéité", de même que si l'on parle d'un animal on peut parler "d'animalité" ou si l'on évoque l'homme, d'humanité.  La justice est cette idée qui nous fait dire qu'il existe des limites intrinsèques aux choses, ce à partir de quoi nous nous autorisons à évoquer ces limites, ce qui en d'autres termes "fonde" l'idée de limites intrinsèques.

  • Pour savoir ce qui est juste, il importe donc de s'en référer à cette "base" à partir de laquelle "partent" toutes nos évaluations sur les dépassements de limite. Il importe donc de savoir à quel moment une qualité, une valeur ou une action cessent d’être intrinsèques pour devenir extrinsèques. 
     

  • Pour évaluer 'la justice" ou l'injustice, il convient donc  d'évaluer si la "chose" en question est ou non "sortie" de l'intrinséquéité, si elle a ignoré ce "concept" qui en lui-même nous autorise à donner des limites aux êtres en tant que tels .

Or l'intrinséquéité est ignorée, la sortie opérée et donc l'injuste réalisé,  lorsque l’action ou l’usage de la chose ou la personne ne révèlent plus l’objet ou la personne en tant que tels. La justice est donc ce à partir de quoi est mesuré la "sortie" d’une personne ou d’une chose d’elle-même. Elle est ce qui "légitime" ce jugement et en cela elle est bien fondement.

Suivant cette idée, une personne est donc injuste, elle subit une injustice, ou un concept est utilisé injustement lorsqu’ils sont « sortis d’eux-mêmes ». Ils cessent d’être ce qu’ils devraient être pour devenir autre chose. Ainsi n'est pas une liberté juste, celle qui est utilisée contrairement à l'idée même de "liberté", n'est pas une vérité juste celle qui est utilisée contrairement à l'idée de "vérité", ni une solidarité juste celle qui va à l'encontre de l'idée même de solidarité. L’illustration la plus fameuse nous est donnée par Montaigne dans la phrase citée en exergue de ce texte, la vertu même devient injuste, lorsqu'elle s'ignore et que dans la passion de la vertu elle devient vice à force de trop vouloir être vertueuse  ; tel le médicament , par mauvais dosage, devient poison.

Vers la page suivante : Conséquences de la définition proposée  

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Copyright Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr professeur de philosophie en région parisienne, juriste et ancien avocat à la cour d'Appel de Paris

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