° Rubrique Droit et Justice DROIT et JUSTICE par Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.frPour
une définition de la Justice comme « intrinséquéité » Pages: 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 -- (Notes ouverture nouvelle fenêtre) Philagora tous droits réservés __________________ = Pour une définition de la Justice comme « intrinséquéité » - La justice comme intrinséquéité Il
convient en premier lieu de définir ce terme, puis ensuite d’envisager
les conséquences de la définition proposée. a)
L’intrinséquéité. Pour Lalande, l’intrinsèque
est ce : « qui appartient à un objet de pensée en lui-même et
non dans ses relations à un autre. Une chose est dite en particulier
avoir une valeur intrinsèque si elle possède cette valeur par sa propre
nature et non pas en tant qu’elle est le signe ou le moyen d’autre
chose… » (11). Citant
Port-Royal, Lalande nous rappelle ainsi l’existence dans la logique
classique des modes « extrinsèques » tels « vu, désiré,
aimé » qui sont des noms pris des actions d’autrui (12). L’intrinsèque,
par contraste avec son contraire suppose donc un « interne »,
un lieu qui délimite la géographie de la chose qui n'est plus elle-même
lorsque l'on ignore ses contours ou lorsqu'elle les ignore elle-même. Il
suppose que l’on puisse déterminer des limites
à l’objet ou au sujet lui-même.
Il est lié à la notion d’"essence". L’essence
pourrait se définir par les qualités intrinsèques de la chose. Or cette
dernière se caractérise étymologiquement comme « étantéité de
la chose » mais l'"étantéité" qui n'est pas à
confondre avec la "nature" de la chose. Elle ne relie pas nécessairement
au métahpyique mais simplement au "pratique". S'il existe des
choses différenciées, des concepts différents ou des êtres en tant que
tels c'est bien qu'il existe des contours à ces êtres ou ces choses et
les contours en eux-mêmes impliquent donc bien qu'il y a des limites
intrinséques à chaque chose et que les ignorer c'est ignorer cette chose
même. Mais si telle est l'intrinsèque, qu'en
est-il de l’intrinséquéité ? Celle-ci
renvoie aux qualités de l’intrinsèque. Or telle est précisément,
selon nous, la définition qu’il convient de donner au concept de
justice. Elle est intrinséquéité. Ceci signifie donc qu’elle est ce
qui permet de déterminer les différentes propriétés de l’intrinsèque
et ce qui permet à cet "intrinsèque" d'exister en tant que
tel. S'il
y a de des qualités "intrinsèques" aux choses alors en effet
l'on peut parler "d'intrinséquéité", de même que si l'on
parle d'un animal on peut parler "d'animalité" ou si l'on évoque
l'homme, d'humanité. La
justice est cette idée qui nous fait dire qu'il existe des limites
intrinsèques aux choses, ce à partir de quoi nous nous autorisons à évoquer
ces limites, ce qui en d'autres termes "fonde" l'idée de
limites intrinsèques.
Or
l'intrinséquéité est ignorée, la sortie opérée et donc l'injuste réalisé,
lorsque l’action ou l’usage de la chose ou la personne ne révèlent
plus l’objet ou la personne en tant que tels. La justice est donc ce à
partir de quoi est mesuré la "sortie" d’une personne ou
d’une chose d’elle-même. Elle est ce qui "légitime" ce
jugement et en cela elle est bien fondement. Suivant
cette idée, une personne est donc injuste, elle subit une injustice, ou
un concept est utilisé injustement lorsqu’ils sont « sortis
d’eux-mêmes ». Ils cessent d’être ce qu’ils devraient être
pour devenir autre chose. Ainsi n'est pas une liberté juste, celle qui
est utilisée contrairement à l'idée même de "liberté",
n'est pas une vérité juste celle qui est utilisée contrairement à l'idée
de "vérité", ni une solidarité juste celle qui va à
l'encontre de l'idée même de solidarité. L’illustration la plus
fameuse nous est donnée par Montaigne dans la phrase citée en exergue de
ce texte, la vertu même devient injuste, lorsqu'elle s'ignore et que dans
la passion de la vertu elle devient vice à force de trop vouloir être
vertueuse ; tel le médicament
, par mauvais dosage, devient poison Vers la page
suivante : Conséquences de la définition
proposée (Notes en lien ouverture nouvelle fenêtre) Copyright Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr professeur de philosophie en région parisienne, juriste et ancien avocat à la cour d'Appel de Paris ° Rubrique Droit et Justice |