° Rubrique Droit et Justice DROIT et JUSTICE Rubrique animée par Jean Jacques SARFATI Une définition de la justice comme limitéité
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Inconvénients ou critiques possibles de la théorie proposée. Plusieurs critiques ou objections peuvent être faites à la dite doctrine et il importe ici de reprendre quelques unes de celles qui pourraient être formulées.
1) En premier lieu, il pourrait être fait reproche à cette doctrine d’être un retour au jus naturalisme. Mais une telle critique ne saurait prospérer ici car, comme nous l’avons indiqué, la limite n’est pas définie comme limite naturelle. La définition de la justice comme limitéité se propose au contraire de considérer qu’il est possible de distinguer trois grands types de limites :, naturelles, conventionnelles ou sociales( historico-coutumières) et de considérer que ce qui fait que l‘on tient que la limite est plutôt l‘une ou l‘autre n‘est rien d‘autre qu‘une croyance personnelle qu‘il convient de respecter voire d‘aider à se mettre en oeuvre. Le régime idéal en ce domaine serait donc celui qui tiendrait compte de la possible existence de ces trois formes de limites et qui permettrait à chacune d’elles de vivre et de s'exprimer en harmonie, acceptation et tolérance avec les autres.
2)
Cette doctrine est-elle trop individualiste ou communautariste ou trop
sociale ? La
doctrine proposée ne récuse ni l’individualisme, ni le
communautarisme, ni le libéralisme ou le socialisme. Il s’agit pour
elle de doctrines porteuses de croyances qui sont toutes par elles-mêmes
éminemment respectables. EIle n’est cependant ni l’une ni l’autre
car, selon elle, importe avant tout ce qui permet de fonder l’idée de
limite. Donc, elle ne jugera en fonction de l’idée de justice que si
elle estime par exemple que le communautarisme en question est ignorant
des limites qui sont les siennes(version stricte) ou au contraire si le
dit communautarisme remet en cause le principe même de la limitéité (
version plus « large »). 3)
Peut-on reprocher à cette thèse d’être trop abstraite? Une
telle doctrine ne prétend pas, à ce stade tout le moins, proposer une
philosophie pratique de la justice. Elle se contente de proposer un
fondement à l’idée de justice et aux différentes conceptions de ce
terme. Le fondement est, pourrait-on dire, ce qui « reste lorsque
l’on a tout oublié » en d’autres termes. Il Est-ce vers quoi
il importe de revenir lorsque l’on a le sentiment que les croyances
qui sont les nôtres à un moment ne sont plus adaptées. Exemple : nous
croyons que la loi seule doit compter mais nous nous trouvons à un
moment où l’application de la loi nous paraît difficile. Nous
recherchons alors dans les différentes conceptions » non neutres »
proposées et nous nous rendons à l’évidence que nous ne parvenons
pas à trancher entre chacune d’elles. Dans ce cas alors la doctrine
ou la définition de la justice comme limitéité peut faire son office.
En ce cas elle implique a)choix de l’option qui sera la nôtre
(serons-nous large ou restrictif) puis b) détermination des différentes
formes de limites (sociales, conventionnelles ou individuelles) que nous
entendons mettre en œuvre. 4)
La définition ainsi proposée de la justice n’est-elle pas trop
limitative ? Tel
pourrait être ele dernier reproche qui pourrait lui être fait.
Cependant, une telle « limitation » dans la définition de
la justice est indispensable selon nous eu égard à la « force »
que peut avoir l’idée de justice au nom de laquelle nous pouvons aisément
condamner autrui et qui implique, Aristote l’avait bien noté et mis
en œuvre sur ce sujet , prudence la plus extrême.(33) Il ne s’agit pas ici de « contenter » telle ou telle philosophie mais simplement de faire en sorte que, l’usage du mot justice ne « force » personne,ni n'ait d'effet culpabilisant mais que celui-ci nous aide à juger ce qui convient pour nous, pour autrui et pour le tout, le cas échéant .
5) Cette définition ne remet-elle pas en cause la définition traditionnelle de la justice comme étant ce qui permet de rendre à chacun ce qui lui revient ? Nous ne le pensons pas. Ici aussi, comme pour les autres théories sur la justice évoquaient, la définition de la justice comme limitéité ne prétend pas remplacer cette définition. Elle prétend simplement se situer en amont de celle-ci, la justifier. En effet, elle explique la raison pour laquelle « il faut rendre à chacun ce qui lui revient ». Ce besoin naît en effet, lorsqu’un « trop » ou un « trop peu » a été constaté mais trop ou trop peu par rapport à quoi ? Par rapport justement à une limite ignorée ou une limitéité qui fonderait cette limite. La défintion ainsi proposée est donc une définition-cause par opposition à la définition-effet traditionnellement proposée pour définir le terme. Conclusion : La
définition ainsi proposée de la justice comme limitéité, implique de
plus amples développements. Il ne s’agissait ici que d’une présentation
de cette théorie et,pour nous d montrer qu'elle pouvait peut-être réconcilier
les positivistes et les partisans des doctrines de la justice . D'autres
éléments prouvent, selon nous, que cette limitéité est bien ce qu'il
convient d'appeler justice mais notre propos n'était pas ici celui qui
fut le notre. IL fera l'objet d'autres développements. Il importe
simplement de noter à ce stade de l'exposé de nos
recherches que cette doctrine pose une limite pour tout et donc à
la limitéité même et à la justice en conséquence. La justice
est donc à elle-même sa propre limite. Elle se juge elle-même.
D’où un autre motif qui explique et sa force et son importance et ce
caractère de « vertu complète » qu’Aristote lui
accordait. Mais cette force est également une faiblesse car celle-ci ne
dépend que d’elle-même pour s’évaluer. De fait, si la
justice est limitée, cela signifie qu’il faut également savoir lui
accorder la place qui lui revient et lorsque l’on cherche à être
juste, l’être ni trop ni trop peu. Ainsi donc s’éclaire la phrase
d’Horace citée par Montaigne dans ses Essais « "
Le sage doit être appelé insensé, et le juste injuste, s'ils vont
trop loin dans leur effort pour atteindre la vertu même."
(Horace , Epîtres, I, 6, v. 15.) 5 »’(34). La
justice cesse donc de l'être lorsqu'elle ignore les limites de ce que
doit être la justice et lorsque d'aucuns prétendent être justes à l'excés. Jean-Jacques
Sarfati Professeur de philosophie, juriste.
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