Electre et
les anciens
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1)
De quoi s'agit-il?
2) Une fille impossible
3) Sur la piste de
la haine
4) Des complications
psychanalytiques
5) Championne de la vérité
6) Vive la vérité?
7) L'oncle Egisthe!
8) et...
tous les autres
9) Electre et les Anciens
10) Clins d'oeil
12) Symbolisme-
manifestation du divin
13) Ce qu'on dit d'elle/Ce qu'elle dit
14) Qui est Electre?
15) La ménagère de la vérité
16) Une
femme à histoires
Tout le
monde grec connaissait les malheurs d'Agamemnon évoqués dans l'Odyssée
vers le Xème siècle avant Jésus-Christ, les Athéniens plus que les
autres puisque depuis le VIème siècle av. J.C. les épopées homériques
(l'Iliade et L'Odyssée) sont consignées par écrit et servent de base à
leur éducation. Au V ème siècle av. J.C. le thème est traité par les
trois grands auteurs tragiques athéniens: Eschyle, Sophocle
et Euripide. L'intérêt réside dans la façon dont
chacun présente la réalisation d'une destinée bien connue.
I
. L'ACTION
Eschyle
la développe en continu dans une suite de trois pièces
-une trilogie- où les spectateurs voient successivement l'assassinat dans
Agamemnon, la vengeance dans les Choéphores, la poursuite d'Oreste
parricide dans les Euménides.
Voyons la pièce de la vengeance les Choéphores. Le frère
rentrant d'exil et la soeur humiliée par les maîtres d'Argos s'y
reconnaissent devant le tombeau de leur père. Après l'avoir longuement
honoré et supplié il décide de la vengeance. Le jeune homme se présente
au palais en étranger, prétendument chargé d'annoncer la mort d'Oreste.
Clytemnestre feignant un grand deuil envoie aussitôt chercher Egisthe.
Oreste le tue, il frappe ensuite sa mère, qui n'a pas réussi à l'émouvoir.
bientôt les Erinyes apparaissent à Oreste épouvanté.
Sophocle
a écrit une Electre. Oreste vient
au palais d'Argos pour y apporter les restes du jeune prince mort dit-il
accidentellement. Il se fait reconnaître par Electre ravalée à l'état
de servante qui remâche ses chagrins et ses rancoeurs malgré les
conseils de soumission que lui prodigue sa soeur Chrysothémis. D'âpres
discussions l'opposent aussi à sa mère. Oreste tue d'abord Clytemnestre
puis Egisthe, qu'il a facilement dupés. Ainsi le meurtre est effacé.
Euripide
nous a laissé quatre pièces sur les
Atrides (dont l'Iphigénie qui inspirera Racine). Son Electre
accueille Oreste qu'elle n'a pas reconnu, dans la demeure de son époux,
le bouvier que lui a imposé Egisthe. C'est un homme juste qui respecte sa
dignité de princesse et l'a laissée vierge. Un vieux serviteur, averti
par ses soins, atteste l'identité d'Oreste et lui indique comment tuer
Egisthe dans sa maison de campagne, ce qu'il réalise bientôt. Electre
attire Clytemnestre chez elle. Malgré sa répugnance Oreste la tue en se
couvrant les yeux de son manteau. Le parricide du frère et de la soeur
sera pardonné par les dieux après une pénitence.
Nous saisissons ce
que Giraudoux a modifié dans la tenue de l'action en
accordant le rôle essentiel à Electre et en lui
assignant la tâche d'élucider la mort de son père
(Il utilise le procédé traditionnel du songe pour la mettre sur
la voie). Supposait-il, pour oser la présenter en énigme, que
ses spectateurs ignoraient l'histoire? Il a au contraire accepté
la gageure de les intéresser malgré ce handicap. Avoir transformé
une vendetta en quête de la vérité, ce n'est
pas mal!
L'incognito d'Oreste et l'utilisation de la ruse, ressorts
essentiels chez nos trois Anciens sont devenus inutiles. Sans s'éterniser
sur l'identification d'Oreste, Giraudoux en tirera seulement des
effets ambigus à propos du mariage d'Electre.
En faisant d'Egisthe le principal adversaire de
la jeune fille, il donne à celui qui n'était que le prince
consort une importance nouvelle et riche en développements
sur l'art de gouverner. Le coup de théâtre de sa conversion est
lui aussi une trouvaille à fort contenu dramatique.
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II.
LES PERSONNAGES
Sur
le plan des caractères les traits d'Electre de sa mère et de son
frère sont déjà contenus dans les Tragiques. Soulignons pour la
défense de Clytemnestre, ces cris de douleur indignée au
souvenir du sacrifice de sa fille Iphigénie (relisez la grande scène
de la prière d'Iphigénie chez Racine, une merveille!), sa
jalousie devant Cassandre la belle captive qu'Agamemnon amène
dans le lit conjugal. Tout cela chez Giraudoux est moins appuyé.
La noble figure du Bouvier d'Euripide annonce celle de notre
Jardinier, avec plus de détermination et moins de poétique
sensibilité.
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III.
LE CHOEUR
Un
choeur accompagnait les acteurs qui dialoguaient sur la scène.
Ses membres évoluaient devant eux un peu en contre-bas sur une
aire ronde -l'orchestra- en commentant par des chants psalmodiés
et des mouvements de danse, leurs faits et gestes et la suite
des événements. A eux revenait d'amplifier
les grands sentiments de crainte ou d'admiration de douleur ou
de joie, de haine ou de tendresse, d'exprimer la sagesse
du bon sens populaire et d'évoquer les temps légendaires
où la réalité se confondait avec le mystère. Chez nos trois
anciens c'est un choeur de femmes, servantes, captives ou
paysannes qui amenait auprès d'Electre cet élargissement du
drame, cette présence populaire et cet affleurement du
surnaturel.
Chez Giraudoux, ce sont les Euménides avec leur franc parler
effronté et le Mendiant, avec sa clairvoyance et sa haute
sagesse, qui assument cela
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IV.
LE RELIGIEUX
Toute
représentation théâtrale en Grèce antique était un acte
religieux. Eschyle et Sophocle accordent dans leurs oeuvres une
large place aux relations avec les forces divines. Dans les Choéphores du
premier et l'Electre du second le rituel funèbre est longuement développé,
le meurtre d'Oreste est légitimé par un oracle d'Apollon, un songe
alerte Clytemnestre en lui faisant prévoir la vengeance. Euripide réduira
la part du surnaturel au bénéfice de la psychologie. Il gagne en simple humanité
ce qu'il perd en grandeur.
La pièce de Giraudoux ,où la psychologie semble suffire à
expliquer un monde assez bourgeois et où la présence divine se montre
sous les traits irrévérencieux des Euménides et du mendiant, est elle
porteuse de religieux? Le songe qui révèle à Electre le meurtre et
l'adultère, l'illumination qui permet à Egisthe de se révéler comme
roi sont dans la tradition des interventions divines, encore qu'elles
puissent s'expliquer humainement.
D'une façon plus profonde quand se font jour impérieusement des
sentiments comme le devoir filial, le dévouement, le patriotisme, le
culte de l'innocence, qui tirent hors de soi-même, on peut penser qu'ils
suggèrent un appel transcendant venu d'ailleurs.
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