"Trialogue"
entre Floflo, Oui-oui et le Hibou. (page 2)
Floflo:
Halte! ne quittons pas le sujet. Ce terme me
surprend toujours car tantôt il désigne celui qui fait l'action,
l'agent, comme on vient de voir et tantôt celui qui subit la
volonté d'un souverain, le patient en quelque sorte. Peux-tu
accorder cela?
Hibou:
Effectivement le terme sujet est une grande source de confusion et
d'erreur. Où l'opinion ne voit qu'un terme, l'étymologie nous en
fait découvrir deux!
-Le terme le plus ancien s'écrivait d'ailleurs suget:
du participe passé subjicere (latin) qui signifiait soumettre à:
en ce sens suget signifie soumis à.
-Le second terme, deux siècles plus tard, sujet,
vient de la philosophie de l'Ecole, de la scolastique, et
signifie, matière, cause et enfin personne: matière au sens de
ce de quoi il s'agit, de ce qui importe, cause au sens de ce qui
produit, et personne comme membre de l'espèce humaine, agent,
source, centre de décision.
Floflo:
Par rapport à l'existence, je choisis le deuxième terme!
Hibou:
Pas si vite! le mouvement premier de l'existence fait de l'homme
un être soumis par un don qu'il reçoit: si toute conscience est
conscience de quelque chose (Husserl), elle ne peut être, par la
temporalisation qu'anticipation et mémoire, condamnée à voir
venir et à voir passer. Mais cet acte de transcendance ne serait
pour personne s'il ne s'éprouvait lui même dans ce que Michel
Henry appelle l'auto-affection de l'acte de transcendance (Michel
Henry, L'essence de la manifestation). En quelque sorte,
la présence à soi. Il n'y a donc pas à choisir car le sens
second implique le sens premier; d'abord parce que le soi est épreuve
de soi, et parce que sans l'ouverture d'un champ, la culture est
impensable: c'est l'ouverture d'un horizon qui rend
possible l'action d'un sujet auteur de son monde.
Oui-oui:
Si je comprends bien, l'existence est une passion, la nécessaire
ouverture d'un horizon, ce qui fait apparaître une chose comme
possibilité d'un avenir. La temporalité est une passion.
Hibou:
Reste que l'existence comme pur mouvement d'extériorisation
n'apparaîtrait pas si elle n'était présence à soi: en ce sens
le soi "est ce qui ne peut échapper à soi"
(Michel Henry, Généalogie de la psychanalyse).
L'objet est donc ce que le sujet pose dans le milieu de l'extériorité
et le projet, c'est ce mouvement vers l'avenir qui se constitue
comme désir: l'existence s'oblige donc par des projets par
lesquels elle lie le plaisir ou la joie au désir si elle se
tourne vers l'agréable, à la volonté, si elle se tourne vers le
bien, à l'entendement, si elle se tourne vers le vrai.
Comme le remarque Engels dans Dialectique de la nature 1870,
"Avec l'homme nous entrons dans l'histoire" ce
qui signifie qu'avec la conscience comme centre de décision
apparaît la possibilité de faire une histoire propre par des
choix qui vont constituer l'existence de chacun. Il ne peut y
avoir de choix libre sans un sujet qui les pose en se posant lui même:
c'est dire que la conscience en devenant conscience de soi accède
à l'existence en accédant du même coup à la conscience du
temps qui passe.
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