"Trialogue"
entre Floflo, Oui-oui et le Hibou. (page 3)
Floflo:
Tout simplement, si je dis "je",
je prouve que je n'ai besoin de personne d'autre pour me
distinguer moi même, par rapport à vous deux, comme sujet.
Oui-oui:
si elle continue, je vais faire des complexes...
Hibou:
Floflo a raison: elle se distingue comme sujet en trois sens complémentaires,
au sens de celui qui parle, de celui qui se raconte, de celui qui
agit ce qui ouvre la dimension de la création, de la temporalité,
de la responsabilité. Autant dire que, en disant JE,
le sujet s'affirme lui même comme un et permanent: il parle, il
raconte il agit.
Oui-oui:
En quelque sorte, si je comprends bien, le sujet c'est une
origine, une source, un commencement: y a-t-il un argument pour le
prouver?
Floflo:
Y a-t-il eu dans l'histoire plusieurs conceptions du sujet, de
l'antiquité à la modernité?
Hibou:
à Oui-oui, je réponds: le sujet se pose lui même comme origine,
comme conscience de soi et prouve son autonomie (obéir à la loi
qu'on s'est prescrite) par la seule preuve possible, son
existence capable de se reprendre.
- Pour la question de Floflo: au début, le sujet a une simple
fonction logique, c'est le support des prédicats qu'on lui
attribue dans un jugement. Mais la pure existence formelle ne
satisfait pas: on s'intéresse à la vérité matérielle et on
cherche le contenu indiscutable que l'on pourrait donner au sujet.
Le génie de Descartes, c'est de trouver ce fondement inébranlable
non pas dans une essence mais dans une existence qui se prouve
elle même. A partir de là le XIX ème siècle mettra en question
le sujet et, obsédé par le passage du quantitatif au qualitatif,
voudra en faire, un épiphénomène, un peu comme ce qui émerge
d'un iceberg.
Oui-oui:
Et toi, nous diras-tu ce que tu en penses?
Hibou:
Que la philosophie, si elle renonce au sujet, si elle
renonce à la seule évidence possible, de ce qui s'éprouve soi même,
risque de tomber dans un grand embarras: celui d'avoir du sens qui
jaillit de rien et d'exiger des comportements humains et moraux de
gens dont on ne peut établir l'autonomie, parce qu'on les a plongés,
englués dans l'hétéronomie, comme si le sens pouvait jaillir du
non sens, sans la médiation d'une conscience. Autant dire que la
présence jaillirait de l'absence, de la nature, de ce que Hegel
appelle le cadavre de Dieu. Perdre de vue le sujet, c'est
vouloir à toutes forces situer le sens hors des consciences ou
entre les consciences, c'est du même coup perdre de vue
l'intersubjectivité et ce qui en découle, l'humanité.
Que
la pensée existe,
que l'existence émerge aussi du - je pense,
que la pensée échoue à penser l'existence,
que nous puissions cependant, parler de l'existence
signifie
que l'existence est une donnée, un don
qui accompagne l'effort de penser par soi-même,
comme une grâce,
et qui a besoin d'une reprise pour être,
comme si l'existence authentique
avait pour origine l'acte de philosopher.
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Ce
n'est pas que le sujet doive être sauvé comme on cherche à
sauver les phénomènes par des théories de plus en plus
complexes, c'est que le sujet doit être reconnu comme cette
liberté capable de se choisir des fidélités, "qui
valent plus que la vie, capable donc de devenir disponible à
autrui" (E. Mounier, Personnalisme,
p.39.)
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