"Trialogue"
entre Floflo, Oui-oui et le Hibou. (page 1)
Floflo:
Hibou, tu nous as dit hier que l'existence, comme désir, se liait
-à des objets- dans des projets dans l'espoir d'une satisfaction.
Peux-tu expliquer ici et maintenant ce qu'est un sujet, un objet,
un projet, par rapport à l'existence?
Hibou:
De l'existence on peut affirmer qu'elle est, a été, ou sera posée
dans un ici et un maintenant, dans un lieu et dans un temps qui
lui permettent de se situer par deux questions: où suis-je et
qu'elle heure est-il? En un sens, l'existence est d'abord une
situation née d'un enracinement premier par lequel l'existant
participe à la réalité, comme à ce qui le fonde, le soutien,
un tremplin si tu préfères.
Floflo:
Autrement dit, parce que JE suis
capable de me repérer sur un endroit et à un moment, je suis
conscience d'une situation que je constitue et qui me constitue.
Est-ce le sujet?
Hibou:
C'est au moins l'activité d'un sujet. Un sujet d'examen c'est
d'abord ce qui importe: de quoi il s'agit et la bonne introduction
doit dire: de quoi il s'agit. Un sujet humain, c'est d'abord ce
qui se désigne lui-même comme ce de quoi il s'agit -ou si tu préfères
ce qui s'explicite lui-même comme origine, ce qui se pose lui-même
sans avoir besoin de rien d'autre pour s'affirmer, en quelque
sorte une condition inconditionnée!
Floflo:
mais, si l'existence se situe par rapport au lieu et au temps,
elle a besoin d'autre chose pour s'affirmer.
Hibou:
C'est sa liberté: ce n'est que si elle oublie le lieu propre et
le temps particulier qu'elle devient sujet et singulièrement
sujet moral et sujet de droits. Ce n'est que si le lieu de
naissance est nié, que si l'âge est nié, que l'absolu d'un
sujet apparaît, une personne digne de respect qu'elle soit jeune
ou âgée, d'ici ou d'ailleurs, autochtone ou pas.
Floflo:
Le sujet serait donc l'existence qui s'arracherait au lieu et au
temps? Une sorte de visage pareil et universel?
Hibou:
S'arracherait, peut-être pas même si Sartre compare
l'intentionnalité, l'acte de transcendance de la conscience à un
éclatement. Mais le sujet accède à l'universalité du lieu géométrique
et du temps nombré et dépasse ainsi la singularité de l'étendue
et du moment. Alors, le sujet transcende les horizons particuliers
et devient la source de son horizon qui est aussi bien l'horizon
de tous les "autres" sujets, l'espace géométrique ou
une pluralité de temps: le sujet apparaît comme celui qui est
capable de reprendre consciemment son existence dans un mouvement
pour aller hors de l'ici et du maintenant, pour évoquer un
ailleurs et un avenir.
En tant que conscience l'homme est bien un nomade, de nulle part,
de partout, un peu comme un spationaute. c'est l'arbre qui a des
racines, ce n'est pas l'homme.
Floflo:
Le sujet est donc ce qui se pose soi même au delà du lieu, ce
qui s'arrache à la situation particulière et, certain de lui,
s'aperçoit au delà de la situation: il pose, du même mouvement,
autrui indépendant du lieu où il ne fait que camper -ce qui fait
exploser les clôtures de la situation première, la ruineuse
distinction du prochain et du lointain, ce qui fait apparaître
le sujet toujours prochain quelque soit son éloignement.
Hibou:
C'est donc à la fois la disparition de la nature humaine, essence
enracinée dans sa terre d'où elle émergerait comme un légume
qui veut à tout prix voir surgir le sujet de ce qui n'est pas lui
dans un effort voué à l'impuissance parce que contradictoire.
C'est l'apparition de la condition humaine comme ensemble
d'horizons propres à tous les sujets (travail, mort, temporalité...)
qui fait que l'étranger ne profane pas la terre natale mais y
circule et peut lui aussi par son travail la féconder comme sujet
moral et sujet de droit.
Puisque
le monde est le produit du travail, puisque le sujet ne retrouve
dans l'objet que ce qu'il y a mis, la forme de lui même, le monde
humain devient le monde de tous. Et l'homme n'a pas à irriguer la
terre de son sang.
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