° Rubrique Aide aux dissertations de philosophie  par J. Llapasset

L'hypothèse de l'inconscient peut-elle être invoquée pour échapper à nos responsabilités?

 

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L'incontournable tableau de définitions

Hypothèse

A la lettre, ce que l'on suppose, ce que l'on place dessous un phénomène pour expliquer, déplier, le processus qui l'a engendré: l'hypothèse implique donc la croyance au déterminisme selon lequel tout phénomène a des conditions antécédentes de son apparition. Un ordre régit l'enchaînement, une loi physique ou une loi morale expression d'un je veux et d'un je pense, qu'un raisonnement vigilant peut toujours faire apparaître, rendre conscient.
Raison et imagination sont les deux sources de l'hypothèse.

Inconscient

Attention: ce terme désigne au moins 4 instances différentes:
-L'inconscient de Leibniz (ou Schopenhauer) comme zone où vie et pensée se fécondent pour que jaillissent à la conscience des actes élaborés.
-L'inconscient comme mécanisme, déterminisme corporel (jeu des molécules).
-L'inconscient de Hartmann, sorte de principe animant la pensée, la vie, la matière: les individus n'en seraient que le visage.
-Enfin, l'inconscient, hypothèse de Freud: à manier avec précaution puisque le sens du terme a évolué dans le mouvement même de la pensée du Docteur Freud:

a) D'abord: un substantif, un nom désignant un système: (INCONSCIENT - PRECONSCIENT - CONSCIENT)

b) Ensuite le même terme devient un adjectif, ce que l'on ajoute, qui qualifie plus ou moins le: ("ça", "Moi", "Sur moi").

c) Par extension: hypothèse méthodologique: un modèle que l'on construit pour éclairer, par comparaison, une réalité: dans ce cas l'hypothèse n'est pas ordonnée à l'observation mais ordonne, par comparaison, l'observation et permet de mettre en évidence les caractéristiques, d'une réalité observable, ce qui lui manque: pour Rousseau l'état de nature... pour Freud l'inconscient...

Peut-elle

...A juste titre...

Invoquée

Bien distinguer évoquer, faire apparaître par la magie et invoquer, appeler à l'aide par des prières: ici le terme suggère qu'on implore le pardon (ou l'oubli d'une faute), des circonstances atténuantes, par un alibi (= je n'étais pas là, j'étais ailleurs, j'étais inconscient, ce n'est pas moi, je ne l'ai pas fait exprès...)

Echapper

Fuir, cesser d'être tenu ou retenu...

Nos

Indique la possession: qui sont à nous comme "personne", sujet moral libre et autonome.

Respon-
sabilités

Caractère de celui qui peut et doit reconnaître ses actes comme siens et en accepter les conséquences: la responsabilité implique donc la conscience de ce que l'on fait et la liberté. L'hypothèse de l'inconscient met donc en question la responsabilité: l'alibi peut-il être justifié?

Difficultés...

1) Trouver un point commun à toutes les formes d'inconscient. Qu'est-ce qui caractérise des formes si différentes? Dans tous les cas l'inconscient est ce qui n'apparaît pas à la conscience. (provisoirement ou définitivement).
Comme substantif l'inconscient est un objet impossible, comme adjectif toute enquête le réduira.

2) Comment parler d'un substantif désignant ce qui n'apparaît pas, comment l'invoquer, sans y "fourrer" des opinions propres à satisfaire le désir de fuir la responsabilité?

3) Comment ne pas prendre en compte et privilégier dans la dissertation le mouvement contemporain dont Freud est l'origine, au risque de "refuser" les autres acceptions du terme?

4) Si le sujet donné privilégie le substantif au détriment de l'adjectif, ne risque-t-on pas de trahir une pensée qui a évolué et d'isoler, d'abstraire le début d'un mouvement, ce qui interdit de comprendre le mouvement comme passage d'une "topique" à l'autre, (du système   [Inconscient Préconscient Conscient] à [ça Moi Surmoi]).

Pour l'articulation d'un plan.

Si on choisit de privilégier la problématique actuelle... (psychanalyse)

I. L'hypothèse de l'inconscient est invoquée pour fuir la responsabilité (faire circuler l'évidence, des définitions à l'affirmation préliminaire: si responsabilité signifie... ... et si responsabilité implique ... ... alors nous ne sommes pas responsables de ce qui ne nous est pas apparu au moment de la décision et de l'acte...)

II. Mais l'hypothèse de l'inconscient comme substantif désignant une essence semble irrecevable ou même contradictoire (cf: Sartre, L'Être et le néant, chapitre 2- Alain, Eléments de philosophie, Gallimard, Livre 2, chapitre XVI ou Politzer, Critique des fondements de la psychologie, Puf).
Conséquences pour le sujet...

III. L'hypothèse de l'inconscient comme modèle empêche la réduction du psychisme à la conscience: en donnant une dimension autre au psychisme Freud invite non pas à fuir mais à repenser le concept de responsabilité, à le limiter pour lui donner sa vraie dimension, la dimension d'un mouvement comme conquête: là où était ça je dois devenir... L'inconscient n'est plus alors qu'un adjectif qui marque une tâche à accomplir. L'hypothèse de l'inconscient n'aurait-elle donc en ce sens, était évoquée que pour faire apparaître la réalité d'une responsabilité à conquérir?

Si le devoir vise à être exhaustif (prendre en compte tous les sens du terme).
I. L'hypothèse de l'inconscient comme ce qui n'apparaît pas permet d'échapper à la responsabilité - Est-il possible de calculer toutes les conséquences d'un acte? (rôle des distances spatio-temporelles et du hasard comme rencontre de séries causales indépendantes...). Cela ne limite-t-il pas la responsabilité?
   -Que dire des réactions mécaniques, des déterminismes biochimiques comme la régulation de l'humeur par un centre cérébral?
   -Si la Raison utilise les passions de l'homme pour se réaliser dans l'histoire cela a-t-il un sens de parler de la responsabilité d'un simple "jouet"?
   -Si tout est Dieu (panthéisme) tout n'est-il pas bon? Dieu seul n'est-il pas responsable de sa création? Peut-on dire sans contradiction que Dieu est innocent?

II. Pour une deuxième partie...
L'hypothèse de l'inconscient n'est qu'un effet de notre ignorance: ne sommes-nous pas responsables de notre ignorance?

III. Pour une troisième partie...
L'hypothèse de l'inconscient n'est-elle pas dans tous les cas née d'un étonnement, de la problématisation d'un fait, qui creuse un désir comme manque éprouvé et la nécessité d'une enquête?
Ce malaise est la condition d'un mouvement vers le savoir qui conditionnerait l'avènement d'une responsabilité limitée mais réelle.

Nous serions passés d'une responsabilité théoriquement illimitée mais pratiquement nulle à une responsabilité limitée mais réelle grâce à l'hypothèse de l'inconscient.

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