Par
rapport/
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Les
figures incontournables du devoir
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à
l'origine
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obligation:
seul l'homme est capable d'agir selon la représentation
des lois. (accomplir une action par respect pour la
loi) =>
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autonomie:
capacité d'obéir à la loi que l'on s'est prescrite
=>
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personne:
être raisonnable;
fin en soi-même.
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aux
caracté-
-ristiques
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a
priori,
indépendant de l'expérience =>
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catégorique,
sans discussion possible,
sans condition. =>
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universel,
"tourné vers le tout". Humanité comme
ensemble de personnes; pour tous.
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à
"l'objet"
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soi-même=>
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autrui
=>
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comme
personne.
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-
au
contenu
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Aucun
contenu particulier: peu importe l'objet qu'il nous
est commandé de poursuivre car l'action
morale ne tire pas sa valeur du but qu'elle se propose.
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à
la
forme
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C'est
la pure forme de la raison, l'universalité.
L'action que j'envisage d'accomplir peut-elle être,
en quelque sorte universalisée, sans contradiction?
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Oui-oui:
Ma pauvre tête! Si le devoir n'a aucun
contenu particulier que dois-je faire?
Hibou:
Cela montre bien que
"tu dois", n'est ni l'ordre d'un maître extérieur
qui t'utiliserait comme on utilise un objet, moyen d'une fin
sensible, ni même un commandement intéressé à la poursuite
d'un but que tu t'adresserais à toi-même. Le devoir
est une parole intérieure que tu t'adresses à toi-même
comme législateur et sujet à la fois: ce "tu dois"
est un ordre (impératif) catégorique c'est à dire clair et
net, indiscutable.
Oui-oui:
Comment ça indiscutable?
Hibou:
Discuter revient toujours à mettre en question non pas une déduction
rigoureuse (c'est impossible) mais un point de départ, une
hypothèse, une condition: par exemple, si je veux réussir
je dois travailler, mais si je ne veux pas réussir, la nécessité
de travailler disparaît.
-il faut donc distinguer l'ordre que l'on s'adresse à soi-même
lorsqu'il est soumis à une condition (impératif hypothétique)
et l'ordre sans condition (impératif catégorique)
valable à priori indépendamment de toute condition - ce qui
interdit de le discuter.
-Dans le devoir la volonté n'est déterminée ni par la
sensibilité, ni par l'intérêt, ni par la prudence: elle est déterminée
par la loi et par le respect de la loi.
Oui-oui:
Un exemple!
Hibou:
Dans un magasin, le commerçant fait le juste prix quel que soit
son client, un enfant, un ministre, un vieillard, indépendamment
de toute satisfaction, uniquement
parce que c'est son devoir: impératif catégorique!
S'il
fait le juste prix pour être
content de lui, le soir venu, ou parce que c'est un personnage
important qui achète = impératif hypothétique!
Dans ce deuxième
cas il agit conformément
au devoir sans
agir par
devoir.
Oui-oui:
La diversité des conditions ne change
rien au devoir parce que le devoir n'a rien à voir avec la
satisfaction de la sensibilité de l'intérêt, de la
prudence... Le devoir est libre par rapport à la nature.
Hibou:
Bien dit. Parce que le devoir exige catégoriquement, un peu
comme une catégorie ordonne le sensible, lui impose une manière
d'être à laquelle il ne peut échapper: la quantité, comme
catégorie, impose une forme mesurable quel que soit l'objet extérieur:
quel que soit le comportement envisagé les formulations de
l'impératif catégorique permettent de déterminer par la seule
forme (à priori, comme par un critère) quel est ton devoir. En
effet dès qu'une règle d'action est érigée en loi
universelle, elle se détruit elle-même si je souhaite être
seul à l'accomplir.
Par exemple: se tirer d'embarras par une fausse promesse
ne peut sans contradiction être érigé en loi car personne ne
se laisserait tromper et la fausse promesse ne servirait à
rien: l'universalisation est impossible car elle fait apparaître
contradiction.
Oui-oui:
Mais s'il n'y a qu'un seul impératif
catégorique, pourquoi plusieurs formulations?
Hibou:
Tu as bien lu, Kant affirme en effet: "Il n'y a qu'un
impératif catégorique: Agis uniquement d'après la maxime (principe
subjectif de l'action) qui fait que tu peux vouloir en même
temps qu'elle devienne une loi universelle" (une
obligation commandant à tous sans restriction). Fondements
de la métaphysique des mœurs, page 62.
Cette
première formule
insiste sur le fondement du devoir: l'universalité,
sans laquelle il ne peut y avoir de devoir comme obéissance à
une loi. En effet toute particularité détruirait la loi en lui
faisant perdre son essence d'être "pour tous", l'égalité.
La
deuxième formule,
"Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi
bien dans ta personne que dans la personne de
tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais
simplement comme un moyen" donne le fondement de la
première formule et permet de la comprendre: la personne, fin en
soi, justifie l'impératif catégorique. En effet, la morale
revient à respecter la raison: le respect de la raison a pour
conséquence le respect de la personne humaine, de l'homme conçu
comme être raisonnable.
Enfin,
la
troisième formulation
explicite la notion de personne en soulignant que la personne
est capable de s'obliger librement en se soumettant à une loi
qui émane d'elle-même: Kant distingue l'autonomie (obéir à
la loi - pour tous- qu'on s'est prescrite) de l'hétéronomie,
être déterminé par une loi de l'intérêt, de la sensibilité,
de la prudence, autant dire de la nature.
Oui-oui:
Alors, si j'ai bien compris il faut se
contraindre soi-même.
Hibou:
Exactement. Pour un être raisonnable sensiblement affecté, le
devoir, la loi, être de raison, ne peut prendre que la forme
d'un ordre, d'une contrainte qui s'exerce contre une nature
sensible, déterminée.
Oui-oui:
Et moi qui croyais que l'acte moral venait
d'un moi unique!
Hibou:
Quelle que soit la pertinence des critiques que Nietzsche et
Bergson adresseront à Kant, on doit reconnaître que l'humanité
actuelle lui doit beaucoup: il a fondé la personne, sa dignité:
nos valeurs de respect de la personne comme sujet moral et sujet
de droits s'enracinent dans sa réflexion au point que sans
l'impératif catégorique le devoir disparaît et avec lui la
morale: ce serait faire place au pragmatisme, à la raison d'état,
au règne de l'injustice avec le triomphe des intérêts
particuliers.
Kant
a eu le mérite, le courage, d'affirmer haut et fort
que le politique devait plier le genou devant la
morale, et il a justifié pleinement cette affirmation
faisant ainsi honneur à l'esprit et à l'humanité.
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