° Rubrique Philo: Capes-Agreg

- Fiches d'aide à la préparation au CAPES -
Rubrique proposée et animée par  François Palacio

- Épistémologie

E. Boutroux. De la contingence des lois de nature  (1874)

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Ch. III- Des genres

Selon les apparences, l’être ne nous est pas seulement donné en tant qu’être, c’est à dire comme une série de cause et d’effets. Les modes de l’être présentent, en outre, des ressemblances et des différences qui permettent de les ordonner en groupes appelés genres ou lois ; de former avec les petits groupes des groupes plus considérables, et ainsi de suite.

Tout mode contenu dans un groupe inférieur est, a fortiori, contenu dans le groupe supérieur dont fait partie ce groupe inférieur lui-même. Le particulier ou le moins général a, de la sorte, son explication, sa raison, dans le général ou le moins particulier. Par là les modes de l’êtrte peuvent être systématisés, unifiés, pensés. Cette propriété est-elle inhérente à l’être en tant qu’être, ou bien est-elle, à son égard, quelque chose de nouveau ?

 Il y a dans l’être ordonné logiquement, une qualité qui n’existait pas dans l’être pur et simple, et dont l’être n’a fourni que la condition matérielle : l’explicabillité. Cette qualité tient à l’existence de types, ou unités formelles, sous lesquels se range la multiplicité discrète des individus. Elle a sa source dans l’existence de notions. Or la notion est l’unité au sein de la multiplicité, la ressemblance au sein des différences. Grâce aux degrés qu’elle comporte, elle établit une hiérarchie parmi les liaisons causales ; donne aux unes, avec une généralité relative, la prépondérance sur les autres.

La notion est à la fois une comme genre et multiple comme collection d’espèces. Elle n’est donc pas contenue dans l’être proprement dit, dont l’essence, en tant qu’il s’agit de l’être donné, est la diversité, la multiplicité pure et simple. Supérieure à l’être, elle en fait jaillir, parmi tous les modes dont il est susceptible, ceux qui lui fourniront des éléments appropriés, c’est à dire des formes semblables dans une certaine mesure, à travers la diversité qui fonde leur distinction ; et elle se réalise elle-même, en devenant le centre du système qu’elle a ainsi organisé.
C’est parce qu’elle est ainsi intimement unie aux choses, qu’elle semble en faire partie intégrante. Mais elle pourrait disparaître sans que les choses cessassent d’être. Les choses perdraient sans doute cette physionomie harmonie qui résulte de la réunion des semblables et de la séparation des contraires, et qui est l’expression de l’idée.

 Mais il n’est pas indispensable que la notion dérive analytiquement de l’être, pour que l’existence des genres soit considérée comme nécessaire. Il suffit que l’esprit déclare, en dehors de toute expérience, que l’être doit prendre une forme explicable, c’est à dire rationnelle, et se conformer aux lois de la pensée, qui exige, entre les termes qu’elle considère, des rapports de contenance. Il suffit, en un mot, que la synthèse « être + notion » soit posée a priori comme synthèse causale. Or en est-il ainsi ?

Dira-t-on que l’élément connu a priori n’est sans doute, à aucun degré, le contenu de la notion, la somme des caractères qu’elle comprend, mais qu’il consiste dans le lien de nécessité établi entre ces caractères, et qu’ainsi le concept de la notion, s’il n’est pas présupposé par les choses elles-mêmes, l’est du moins par la connaissance des choses ?

Persuadé que les choses se laissent enfermer dans des définitions, le savant érige en vérité définitive, en principes absolus, les formules auxquelles ont abouti ces recherches. C’est l’origine des systèmes, troncs superbes et rigides, d’où la sève se retire peu à peu, et qui sont voués à la mort. Et si, plus circonspect, le savant attend, pour ériger ses formules en principes, qu’elles soient adéquates à la réalité, il voit fuir devant lui l’objet de ses recherches à mesure qu’il s’en approche.

C’est l’origine de ce scepticisme scientifique, qui ne veut plus voir dans la nature que des individus et des faits, parce qu’il est impossible d’y trouver des classes et des lois absolues.
Dans son application à l’étude de la nature, la notion, loin d’être une entité distincte, n’est que l’ensemble des caractères communs à certain nombre d’êtres. Elle n’est pas immuable, mais relativement identique dans un ensemble de choses données. Elle n’est pas parfaite, ce qui serait un caractère positif, mais relativement dépouillée d’éléments accidentels, ce qui est un caractère négatif.
De la sorte, la synthèse de l’être et de la notion, dans son acception scientifique, peut être connue par l’expérience et l’abstraction. Car l’expérience nous révèle les ressemblance des choses et leurs différences. L’abstraction élimine peu à peu les caractères variables et accidentels, pour ne retenir que les caractères constants et essentiels.

Ainsi l’union de l’être et de la notion, l’existence des genres n’est pas seulement une synthèse, c’est encore une synthèse a priori. Elle n’est donc pas nécessaire en droit.
On peut remarquer que le groupement des choses sous les notions reste toujours plus ou moins approximatif et artificiel. D’une part, la compréhension réelle des notions ne peut jamais être exactement définie. D’autre part, il se rencontre toujours des êtres qui ne rentrent pas exactement dans les cadres établis. Certes les progrès de la science définiront d’une manière de plus en plus précise la compréhension et l’extension des genres. Mais qui oserait affirmer que cette définition puisse jamais être complète et définitive ? qu’il existe dans la nature un nombre déterminé de genres radicalement séparés les uns des autres par la présence ou l’absence de caractères précis ? et que tous les êtres sans exceptions se rangent exactement sous ces types généraux ?

 vers:  La notion et toutes les déterminations qu’elle comporte

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