° Rubrique Philo: Capes-Agreg

- Fiches d'aide à la préparation au CAPES -
Rubrique proposée et animée par  François Palacio

- Épistémologie

E. Boutroux. De la contingence des lois de nature  (1874)

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La notion et toutes les déterminations qu’elle comporte...

C’est donc d’une manière contingente que se superposent à l’être la notion et toutes les déterminations qu’elle comporte. Sans doute, dans un syllogisme, c’est le même terme générique qui est appliqué à l’espèce et à l’individu contenu dans cette espèce. Mais l’identité n’est que dans les mots. Car il est impossible de trouver un caractère qui soit exactement le même dans deux individus.
La science positive n’exige nullement la possibilité de réduire toutes les notions à l’unité. Elle exige simplement une hiérarchie relative de notions de plus en plus générales.

Enfin dans la forme du syllogisme comme dans sa matière, le caractère absolu n’est qu’apparent. On ne peut prétendre établir des rapports exacts de convenance entre des touts et des parties qui, en eux-mêmes, ne sont pas exactement circonscrits. Lorsqu’on dit que Paul, faisant partie de l’espèce « homme », fait a fortiori partie du genre « mortel », lequel contient l’espèce « homme », cela veut simplement dire que, si Paul ressemble, par un grand nombre de côtés, à d’autres êtres déjà comparés entre eux et réunis sous la notion « homme », il est extrêmement probable, pratiquement certain, qu’il leur ressemblera aussi en ce qui concerne la mortalité. Or, pour qu’une telle déduction soit possible, il suffit d’admettre qu’il y a dans la nature des faisceaux de ressemblance tels que, certains groupes de ressemblance étant donnés, il est très probable que certains autres le seront également : c’est proprement la loi de l’analogie.

Il importe de remarquer que la logique, malgré son rôle indispensable, n’est qu’une science abstraite. Elle ne détermine pas le degré d’intelligibilité que présentent les choses réelles. Elle considère la notion en général sous la forme la plus précise que puisse lui donner l’expérience modifiée par l’abstraction, et elle en déduit les propriétés suivant une méthode appropriée à l’entendement, c’est à dire sous l’idée de la permanence de cette notion elle-même. Elle développe le système des lois qui s’appliquent à des notions quelconques mises en rapport les unes avec les autres, à supposer que ces notions demeurent identiques.
Si elle présente une haute certitude pratique, c’est qu’elle développe un concept extrêmement simple, qui est comme le type moyen d’une infinité d’expériences, et qu’ainsi ses définitions de mots sont presque des définitions de choses.

 En réalité, les rapports logiques objectifs ne précèdent pas les choses : ils en dérivent ; et ils pourraient varier, si les choses elles-mêmes venaient à varier, en ce qui concerne leurs ressemblances et leurs différences fondamentales. Fort de l’idée des genres et des lois, l’esprit humain espérait remplacer les classifications artificielles par des classifications naturelles. Mais avec les progrès de l’observation, telle classification que l’on croyait naturelle, apparaît à son tour comme artificielle ; et l’on se demande s’il ne conviendrait pas de substituer à toute systématisation rationnelle le dessin pur et simple d’un arbre généalogique.

N’est-il pas vraisemblable que le principe même de la distribution des phénomènes en genres et en espèces (lequel, dans son usage scientifique, n’est, en définitive, que la forme la plus générale et la plus abstraite des lois de la nature, après le principe de la liaison causale) participe, lui aussi, de l’indétermination et de la contingence ?

 Ainsi le raisonnement a posteriori aussi bien que la spéculation a priori laisse place à l’idée d’une contingence radicale dans la production des ressemblances et des différences d’où résultent les genres et les espèces de la nature, c’est à dire dans l’existence et la loi de la notion. Rien ne prouve qu’il existe des genres dont la compréhension et l’extension soient exactement déterminées et immuables.

Ainsi le désordre serait éternel, irrémédiable, si les forces dont se compose le monde, produisant inévitablement leurs effets, n’admettaient, dans toute la série de leurs actions, aucune intervention supérieure. Mais, si la cause est susceptible, dans une certaine mesure, de recevoir une direction, la vertu de la notion ne demeure pas inutile. Elle détermine, dans le monde des forces, une convergence féconde. Elle les amène à produire des choses, au lieu de s’agiter éternellement dans le vide sans réussir à le peupler.

 

 vers:  Ch. IV- De la matière

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