° Rubrique Philo: Capes-Agreg -
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Épistémologie
- E. Boutroux.
De la contingence des lois de
nature
(1874) Fiche 1 - Fiche 2 - Fiche 3 - Fiche 4 - Fiche 5 - Fiche 6 Site Philagora, tous droits réservés © __________________ Ch. IV- De la matière.N’est-ce pas a priori que l’esprit construit le triangle, le cercle, la sphère, le mouvement uniforme, les forces parallèles, et en général, les définitions mathématiques et mécaniques ? Ces définitions exactes, complètes, adéquates peuvent-elles dériver de l’existence ? Si l’esprit n’en a pas crée la matière, il en a créé la forme, car elles sont des modèles que la nature ne peut égaler. Il n’y a pas de droite réelle, de cercle réel, d’équilibre réel. Il semble que ce soit un caractère négatif, résultant de l’élimination de propriétés relativement accidentelles. Or l’expérience nous invite elle-même à éliminer les accidents qui troublent la pureté des déterminations mathématiques. Un tronc d’arbre qui, vu de près, est tortueux, paraît de plus en plus droit à mesure qu’on le voit de plus loin. Ainsi la forme et la matière des éléments mathématiques sont contenus dans les données de l’expérience. La continuité mesurable dans la coexistence, la succession et le déplacement, est l’objet d’une connaissance a posteriori. En fait, ce n’est pas du premier coup que l’homme a découvert les premiers principes des mathématiques. Il a tâtonné, il a employé l’observation, l’expérimentation, l’abstraction, l’induction. Le principe de la permanence absolue de la quantité ne s’applique pas exactement aux choses réelles : celles-ci ont un fonds de vie et de changement ne s’épuise jamais. La certitude singulière que présentent les mathématiques comme sciences abstraite ne nous autorise pas à regarder les abstractions mathématiques elles-mêmes, sous leur forme rigide et monotone, comme l’image exacte de la réalité. Ch. V- Des corps
La science positive abandonne de plus en plus le point de vue descriptif, qui ne peut fournir de données précises, et ramène, autant que possible, les phénomènes physiques, relativement qualitatifs à des phénomènes mécaniques relativement quantitatifs. Par exemple, elle n’étudie pas la chaleur elle-même, mais bien dans son équivalent mécanique. Elle cherche de même l’équivalent mécanique de l’électricité et des autres agents physiques. De la sorte, c’est aux mathématiques elles-mêmes que revient la tâche de déterminer scientifiquement la loi des phénomènes physiques. Il ne peut être question d’une contingence propre à l’élément non mécanique des phénomènes physiques : la loi physique mécanique donne exactement la mesure de la loi physique proprement dite. Or est-il certain que l’ordre mécanique impliqué dans l’ordre physique en soit, à la lettre, l’équivalent ? Pour que la loi mécanique puisse être considérée comme la traduction de la loi physique proprement dite, il faut que l’équivalent existe, non seulement entre les deux ordres de faits, mais entre les deux ordres de rapports, entre l’enchaînement des faits physiques et l’enchaînement de leurs conditions mécaniques. Or cette seconde équivalence semble inintelligible, parce que, tandis que la variable est homogène, l’élément qui doit en être fonction est hétérogène. Ainsi il n’y a pas équivalence complète entre l’ordre des phénomènes physiques proprement dits et celui de leur condition mécaniques ; et la loi des uns n’est pas préjugée par celle des autres. On est donc amené, pour juger de la nécessité interne du monde physique proprement dit, à l’examiner en lui-même, c’est à dire à laisser de côté la partie mathématique des sciences physiques pour en considérer la partie descriptive. Il est clair qu’à ce point de vue, on ne peut arriver à des résultats précis analogues à ceux que l’on obtient en considérant uniquement les phénomènes mécaniques engagés dans les phénomènes physiques. Les lois physiques et chimiques les plus élémentaires et les plus générales énoncent des rapports entres des choses tellement hétérogènes, qu’il est impossible de dire que le conséquent soit proportionnel à l’antécédent, et en résulte, à ce titre, comme l’effet résulte de la cause. L’élément fondamental commun entre l’antécédent et le conséquent, condition de la liaison nécessaire, nous échappe presque complètement. Il n’y a là, pour nous, que les liaisons données dans l’expérience et contingentes comme elle.
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