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Épistémologie
- E. Boutroux.
De la contingence des lois de
nature
(1874) Fiche 1 - Fiche 2 - Fiche 3 - Fiche 4 - Fiche 5 - Fiche 6 Site Philagora, tous droits réservés © __________________ Ch. II- De l’être
Le monde donné dans l’expérience porte-t-il, dans les diverses phases
de son développement, les marques distinctives de la nécessité ? Puisqu’une
nécessité absolue est inintelligible en ce qui concerne les choses données,
la nécessité de l’être ne peut consister que dans le lien qui le rattache
à ce qui est posé avant lui, c’est à dire au possible. L’être actuellement donné n’est pas une suite nécessaire du possible : il en est une forme contingente. Mais si son existence n’est pas nécessaire, en peut-on dire autant de sa nature ? C’est le progrès de l’observation, de la comparaison, de la réflexion et de l’abstraction, c’est à dire de l’expérience interprétée, mais non supplée, par l’entendement, qui a fait voir qu’un changement n’est jamais quelque chose d’entièrement nouveau ; que tout changement est le corrélatif d’un autre changement survenu dans les conditions au milieu desquelles il se produit, et que le rapport qui unit tel changement à tel autre est invariable. Supposons
que les choses, pouvant changer, ne changent cependant pas : les rapports
seront invariables, sans que la nécessité règne en réalité. Ainsi la
science a pour objet une forme purement abstraite et extérieure, qui ne préjuge
pas la nature intime de l’être.
L’induction la plus vraisemblable n’est-elle pas qu’il est impossible d’atteindre une loi absolument fixe, si simples que soient les rapports considérés, et si larges que soient les bases de l’observation ? Et, si l’ensemble varie, ne faut-il pas qu’il y ait dans les détails quelque rudiment de contingence ? Est-il étrange d’ailleurs qu’on ne puisse discerner dans l’infiniment petit les causes du changement de l’infiniment grand, dans cet infiniment grand lui-même, le changement est presque imperceptible? La loi de causalité, sous sa forme abstraite et absolue, peut donc être à bon droit la maxime pratique de la science, dont l’objet est de suivre un à un les fils d’une trame infinie ; mais elle n’apparaît plus que comme une vérité incomplète et relative, lorsque l’on essaye de se représenter l’entrelacement universel, la pénétration réciproque du changement et de la permanence, qui constitue la vie et l’existence réelle.
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