Du
vers 61 à 91
Or vous savez, Iris, de certaine science,
Que, quand la bête penserait,
La bête ne réfléchirait
Sur l'objet ni sur sa pensée.
Descartes va plus loin, et soutient nettement
Qu'elle ne pense nullement.
Vous n'êtes point embarrassée
De le croire, ni moi. Cependant, quand aux bois
Le bruit des cors, celui des voix,
N'a donné nul relâche à la fuyante proie,
Qu'en vain elle a mis ses efforts
A confondre et brouiller la voie,
L'animal chargé d'ans, vieux Cerf, et de dix cors,
En suppose un plus jeune, et l'oblige par force
A présenter aux chiens une nouvelle amorce.
Que de raisonnements pour conserver ses jours!
Le retour sur ses pas, les malices, les tours,
Et le change, et cent stratagèmes
Dignes des plus grands chefs, dignes d'un meilleur sort!
On le déchire après sa mort:
Ce sont tous ses honneurs suprêmes.
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quand:
même si on admet que ... introduit la pensée de La Fontaine et de Madame
de La Sablière sur la question que le débat agite.
penserait:
noter le conditionnel, on n'est certain de rien. Penser au sens large que
lui donne Descartes, avoir des pensées, des sensations, des
représentations, éprouver des impressions... ensemble d'images et de
représentations dans la conscience.
réfléchirait:
revenir sur, s'arrêter, penser sur... .
sur:
ici, relativement à, à propos de, au sujet de...
objet:
(=> extérieur): ce qui se présente aux sens. "Chaque corps qu'on
voit est un objet qui tombe sous les sens, chaque idée qu'on a est un
objet qui s'offre à l'esprit". Condillac.
pensée:
ce qu'elle pense, la validité et la vérité de ce qu'elle affirme.
plus
loin:
que La Fontaine et Madame de la Sablière.
soutient:
par des arguments et des raisonnements.
ne pense
nullement:
ici, penser au sens large du terme.
point embarrassé:
on le croit spontanément mais a-t-on des raisons d'aller si loin.
cependant:
introduit la falsification de la doctrine des Cartésiens par des
expériences.
entend:
l'animal perçoit!
nul relâche:
aucun répit qui permettrait à l'animal de se détendre: inhumanité de
l'homme.
effort:
terme capital:
l'animal exécute des mouvements voulus: il a donc une sorte d'âme qui
agit sur le corps.
confondre:
rendre confuse et indistincte la voie que le cerf suit.
chargés d'ans:
et donc d'expérience: il a une mémoire corporelle (sept ans, c'est
beaucoup pour un cerf).
suppose:
pose en remplacement, substitue une trace à l'autre, celle d'un jeune
cerf.
l'oblige par force: le contraint ce qui implique l'exercice voulu
d'une force.
amorce: un appât qui les attire. En fait c'est l'animal qui attire
les chasseurs, qui les appâte alors que nous croyons que c'est toujours
le chasseur qui amorce le gibier.
nouvelle: non seulement autre mais pleine de forces intactes.
vers 71 à 80: dignité du cerf et ignominie du sort que les hommes
lui réservent. |
Quand la Perdrix
Voit ses petits
En danger, et n'ayant qu'une plume nouvelle,
Qui ne peut fuir encor par les airs le trépas,
Elle fait la blessée, et va traînant de l'aile,
Attirant le Chasseur, et le Chien sur ses pas,
Détourne le danger, sauve ainsi sa famille;
Et puis, quand le Chasseur croit que son Chien la pille,
Elle lui dit adieu, prend sa volée, et rit
De l'Homme, qui confus des yeux en vain la suit.
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voit:
sens de la vue, sensation => impressions
ses petits: instinct maternel. Pouvoir de distinguer le sien, ce
dont elle est à l'origine.
plume: rien que le duvet d'une année: ses petits de l'année qui
ne volent pas encore (trépas = le passage, la mort)
fait: mime, elle copie pour amorcer, appâter le chasseur par la
vue d'une proie facile qui lui donnera plus de profit que quelques petits
de l'année... L'homme et l'animal dressé poursuivent l'appât: ce sont
eux, en l'occurrence, qui sont des mécaniques.
détourne: sauve. Utilise un moyen parfaitement adapté à une fin:
ayant un projet la perdrix a la condition d'un vouloir.
croit: s'imagine sans raison.
confus: parce que honteux d'être pris au piège.
des yeux: par le regard; distance = impuissance
rit : le rire n'est pas le propre de l'homme ... |