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Jean de la Fontaine  

Discours à Madame de la Sablière (1678) 

(Une étude de Joseph Llapasset )

Du vers 92 à 115

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Le discours dans sa stratégie comme dans son contenu devient de plus en plus hasardeux, dans ses observations comme dans son raisonnement.

En effet, pour falsifier la doctrine Cartésienne (ce qu'il croit être la doctrine de Descartes), La Fontaine vient de présenter deux observations qui résistent aux prévisions qu'il est possible de déduire de la doctrine: des observations qu'il est toujours possible de faire ou de refaire.

Avant de s'aventurer dans la référence à un récit dont l'anthropomorphisme ne pourra échapper à un raisonnement vigilant du lecteur (du vers 116 à 139), La Fontaine reste sur le terrain plus solide de l'observation, celle des castors du Canada (vers 92 à 115) qui lui permet de présenter une comparaison dans laquelle l'opposition entre l'indigène ignorant et le castor ingénieux ne laisse selon lui, aucun doute sur la supériorité de l'animal sur l'homme des premiers temps.

Du vers 92 à 115

Non loin du Nord il est un monde

Où l'on sait que les habitants

Vivent ainsi qu'aux premiers temps

Dans une ignorance profonde :

Je parle des humains; car quant aux animaux,

Ils y construisent des travaux

Qui des torrents grossis arrêtent le ravage,

Et font communiquer l'un et l'autre rivage.

L'édifice résiste, et dure en son entier ;

Après un lit de bois, est un lit de mortier.

Chaque Castor agit ; commune en est la tâche ;

Le vieux y fait marcher le jeune sans relâche.

Maint maître d'oeuvre y court, et tient haut le bâton.

La république de Platon

Ne serait rien que l'apprentie

De cette famille amphibie.

Ils savent en hiver élever leurs maisons,

Passent les étangs sur des ponts,

Fruit de leur art, savant ouvrage;

Et nos pareils ont beau le voir,

Jusqu'à présent tout leur savoir
Est de passer l'onde à la nage.

Que ces Castors ne soient qu'un corps vide d'esprit,
Jamais on ne pourra m'obliger à le croire;

 

Nord: près du pôle Nord, il s'agit du Canada. La Fontaine part d'une grande extension et aboutira à une petite région de 28 km² (territoire des Boubaks).
est: c'est une réalité que le Canada.
monde: notez l'extension qui affermit l'argumentation.
sait: certitude du savoir = force de l'exemple donné.
Vivent: appartiennent au monde des vivants, d'une vie commune à l'animal et à l'homme.
ignorance: absence de science et de technique (Condillac verra dans ce manque une supériorité, un espace, une condition de perfectibilité.)
je parle des humains: appréciez la surprise ménagée.

vers 98 - 99: il s'agit de barrages pour se protéger des inondations et permettre des relations grâce à une distance niée par le pont.

vers 100 - 101: détails qui prouvent l'ingéniosité des castors, pour La Fontaine, leur savoir.

après
: l'un contre l'autre, côte à côte. 

agit: signifie plus que faire: pousser dans une direction, une action coordonnée à celle des autres.

vers 103: la hiérarchie est fondée sur l'expérience des anciens. 
sans relâche: appréciez l'exigence soutenue, les moyens ajustés à la fin.
maître d'oeuvre: responsable du déroulement des travaux (=> contremaître).

ne ... que
: seulement.
l'apprentie: l'inférieure, celle qui a beaucoup à apprendre d'un maître: l'animal!

famille
: je vous aime ! Exemple donné aux hommes par les animaux.
savent
: par science et par technique.
en hiver: pour s'abriter des intempéries.
maisons: comme et pourquoi pas mieux que les maisons des hommes.
les étangs: plus que les rivières et les torrents!
nos pareils: les indigènes qui sont nos semblables. Voilà qui va faire plaisir à nos "cousins" du Québec!
voir: les indigènes ne savent ni copier ni recopier. (Pour Condillac seul l'homme sait copier)
à la nage: pour La Fontaine, en utilisant leur corps et non leur esprit.

vers 114 - 115: protestation de La Fontaine: au minimum, chez les castors, il y a un esprit incarné: ça crève les yeux.

Pour un enrichissement culturel: un exercice.

Demandez-vous pour quelles raisons Condillac ne souscrirait jamais complètement à un texte pareil.

Condillac ne serait-il pas celui qui ouvre le Cartésianisme sans jamais l'abandonner?

Dans la faiblesse de l'homme Condillac verra le fondement d'une perfectibilité et d'une libération toujours possible: si l'animal a sa route tracée, l'homme est jeté dans la déréliction d'un vide, d'une faiblesse, qui lui laisse suffisamment d'espace pour se libérer en se conduisant lui même. La supériorité de l'homme n'est donc à chercher ni dans l'ingéniosité ni dans la perfection d'une conduite mais dans sa capacité de choisir, de se choisir en choisissant, de se prêter aux circonstances ou de s'y refuser, ce qui renvoie le lecteur à l'incontournable fin du chapitre X de la deuxième partie de Traité des Animaux de Condillac.

Quant au prépas  soucieux de se préparer, il lira avec profit dans le T.D.A de Condillac les pages 476, 480, 486, 491.(Edition Vrin préfacée par Dagognet à qui la réflexion sur Condillac doit beaucoup)

=> Vers la page 7

Joseph Llapasset

Rubrique philo-prépas, l'animal et l'homme: http://www.philagora.net/ph-prepa/animal-homme/

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