° Rubrique philo-fac http://www.philagora.net/philo-fac/ Apparitions des Énigmes
Complémentarisme
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La
transversalité de linsolite Phénoménologie de lÉtrange
La deuxième règle concerne la « mise entre parenthèses » ou « hors circuit » des degrés de « réalité » des contenus noématiques de ces mondes vécus. La réduction phénoménologique, même provisoire, vise à comprendre les intentionnalités qui constituent ces mondes vécus en tant que « conscience de quelque chose » : intentionnalités de perception, de témoignage, dimagination, de divination, de communication, de remémoration, dinvocation, dincantation, de prophétie, dexorcisme, etc. Edmund Husserl nous a laissé des analyses classiques de lintentionnalité en tant que corrélation entre une visée, la cogitatio ou noèse, et lobjet visé, le cogitatum ou noème, entre le percevoir et le perçu, limaginer et limaginé, entre le souvenir et le souvenu, entre le juger et le jugé comme tel, etc. Ces intentionnalités sont des donations de sens dans un vécu intentionnel en tant quil se donne dans sa phénoménalité. « Dans le souvenir, écrit Husserl, nous trouvons après la réduction [phénoménologique] le souvenu comme tel, dans lattente lattendu comme tel, dans limagination créatrice limaginé comme tel. En chacun de ces vécus "habite" un sens noématique ». Tout vécu a donc son « objet » intentionnel qui a un sens. Il faut dès lors « instituer une distinction entre lobjet de la représentation et lexistence de cet objet », entre lobjet « mental », « intentionnel » ou « immanent » dune part, et lobjet « réel » dautre part, et cet objet réel doit être mis entre parenthèses, ce qui signifie quil faut se « tenir à ce qui est donné dans le vécu pur et le prendre exactement comme il se donne ». La réduction phénoménologique est donc la mise hors circuit, entre parenthèses, de lattitude naturelle, quelle soit savante (scientifique) ou spontanée (folklorique), pour « décrire avec une fidélité absolue ce qui se présente réellement dans sa pureté phénoménologique, en se gardant de toute interprétation qui transgresserait les limites du donné ». Et cette mise entre parenthèses phénoménologique implique par exemple que la perception de tel arbre en fleurs, de tel événement, de telle situation, etc., « empêche quon porte aucun jugement sur la réalité perçue », « tout jugement de perception, la position de valeur qui sédifie sur cette base et éventuellement le jugement de valeur, etc. », en somme tout énoncé dévaluation, ce qui implique de « ne pas imposer au vécu dautre propriété que celle qui est réellement incluse dans son essence » . Dans tous les vécus intentionnels habite un sens noématique originaire, selon une relation noético-noématique spécifique. « Il peut sagir chaque fois dun arbre en fleurs, et chaque fois cet arbre peut apparaître de telle façon que la description fidèle de ce qui apparaît comme tel se fasse nécessairement avec les mêmes expressions. Et pourtant les corrélats noématiques sont pour cette raison essentiellement différents, selon quil sagit dune perception, dune imagination, dune présentification du type portrait, dun souvenir, etc., etc. Dans un cas ce qui apparaît est caractérisé comme "réalité corporelle", une autre fois comme fictum, dans un autre cas encore comme présentification du type souvenir, etc. Ce sont des caractères que nous découvrons sur le perçu, limaginé, le souvenu, etc., comme tels sur le sens de la perception, sur le sens de limagination, sur le sens du souvenir ; ils en sont inséparables et lui appartiennent nécessairement, en corrélation avec les espèces respectives de vécus noétiques ». Ces vécus noético-noématiques eux-mêmes ne sont pas simples, mais apparaissent dans le flux temporel de conscience avec leurs apparitions, silhouettes, profils, facettes, esquisses, couches et moments complexes (Abschattungen). On voit donc que lattitude naturelle naïve quelle soit scientiste, positiviste ou rationaliste qui prend à la lettre la dichotomie de lexistence ou de la non-existence, de la réalité ou de lirréalité, de lobjectivité ou de la subjectivité, de lextériorité ou de lintériorité des contenus intentionnels en traitant les « faits » comme des choses ou les « choses » comme des faits sans sinterroger sur la nature intentionnelle des « données » du « réel », méconnaît profondément lessence eidétique du vécu (de la perception, de limagination, du jugement, de la remémoration, etc.). Tandis que lattitude naturelle, notamment celle des sciences dites naturelles, postule quil existe des rapports réels entre larbre en fleurs en tant quexistant dans la réalité spatiale transcendante et que la perception de cet arbre en fleurs est un état psychique réel qui nous appartient en tant quhomme réel dans la nature réelle, lattitude phénoménologique met entre parenthèses lêtre réel, ou supposé tel, de cet arbre pour décrire, en tant que donné phénoménologique vécu, la perception, limagination, le souvenir, etc. du point de vue de la corrélation intentionnelle entre la noèse et le noème. Dès lors « larbre pur et simple peut flamber, se résoudre en ses éléments chimiques, etc. Mais le sens le sens de cette perception, lequel appartient nécessairement à son essence ne peut pas brûler, il na pas déléments chimiques, pas de force, pas de propriétés naturelles ». Et bien évidemment aussi, si lon admet avec Husserl « la validité universelle de la corrélation fondamentale entre noèse et noème », tous les actes intentionnels (scientifiques, cognitifs, affectifs, volitifs, artistiques, esthétiques, éthiques, religieux, magiques, initiatiques, divinatoires, etc.) sont redevables dune réduction phénoménologique qui suspend le jugement sur leur statut ontologique ou leur « réalité » (objective, vraie, extérieure, attestée, vérifiée, mesurée, prouvée, etc.). Ne se pose donc plus comme dans lattitude naturelle la question de la véracité (fausseté) ou de lauthenticité (imaginaire) des croyances, crédulités, superstitions, illusions, hallucinations, rumeurs, légendes, affabulations, etc., ni celle de leur « réfutation » (récusation), mais celle de leur sens vécu intentionnel. Cette attitude phénoménologique qui accueille le donné tel quil se donne phénoménalement est tout aussi rigoureuse notamment pour une socio-anthropologie de létrange, de linsolite, du prodigieux, du merveilleux que les laborieuses procédures de « construction de la réalité sociale » (qui tiennent lieu de vertu dormitive en socio-anthropologie), les multiples « enquêtes » dites de « terrain » (questionnaires qui contiennent déjà par anticipation les « réponses », sondages qui ne « sondent rien »...), les « observations scientifiques objectives » (dans des conditions qui nont d« expérimentales » que le nom), les diverses méthodologies réductionnistes de « mise à distance » du chercheur et d« objectivation » des « faits » (papillons quon pourrait épingler ou champignons quil suffirait de ramasser...) qui prétendent toutes définir aujourdhui « la » démarche scientifique ou « la » sociologie. Alors « il est possible que la phénoménologie ait aussi quelque chose à dire et peut-être beaucoup à dire au sujet des hallucinations, des illusions et en général des perceptions mensongères ; mais il est évident que ces perceptions mensongères, envisagées avec le rôle quelles jouaient dans le cadre de lattitude naturelle, tombent sous la réduction phénoménologique. Désormais si lon considère la perception et même un enchaînement de perceptions qui se poursuit de façon quelconque (comme quand nous contemplons larbre en fleurs tout en nous promenant), nous navons pas à nous demander par exemple sil lui correspond quelque chose dans "la" réalité. Cette réalité thétique, considérée par rapport au jugement, pour nous nest pas là. Néanmoins tout pour ainsi dire demeure comme par devant. Le vécu de perception, même après la réduction phénoménologique, est la perception de "ce pommier en fleurs, dans ce jardin, etc." ; de même le plaisir après la réduction est le plaisir que nous prenons à ce même arbre. Larbre na pas perdu la moindre nuance de tous les moments, qualités, caractères avec lesquels il apparaissait dans cette perception, et avec lesquels il se montrait "beau", "plein dattrait", etc., "dans" ce plaisir ». Et lon peut donc, en toute rigueur, envisager pareille analyse phénoménologique pour toutes les « apparitions », toutes les « rencontres », toutes les « manifestations », quelles soient ordinaires ou extraordinaires, volontaires ou involontaires, normales ou anormales, triviales ou merveilleuses... ° Rubrique philo-fac http://www.philagora.net/philo-fac/ |