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Apparitions des Énigmes

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Complémentarisme de
l'ethnopsychanalyse et de la phénoménologie

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(p.1- La transversalité de l’insolite
(p.2- Modèles de pensée
(p.3- L’Étrange et ses doubles : Secret, Énigme, Mystère
(p.4- Phénoménologie de l’Étrange
(p.5- 
Mondes vécus étrangers : le Visible et l’Invisible
(p.6- Padre Pio, une étude de J-M Brohm

Mondes vécus étrangers : le Visible et l’Invisible

Si le « monde vécu » (Lebenswelt), en tant que socle antéprédicatif, terre qui ne se meut pas, est le monde vécu intersubjectif comme horizon ontologique de tout système de pensée, on peut évidemment aussi y inclure le monde vécu des scientifiques qui prétendent étudier en « extériorité objective » – comme l’entomologiste observe les fourmis ou le psychologue expérimentaliste les rats de laboratoire – le monde vécu de telle culture insolite, tel groupe social marginal, telle « secte » soucoupiste. Comme le souligne Edmund Husserl : « Toute pensée scientifique et toute problématique philosophique [et donc n’importe quelle thématique sociologique ou anthropologique] comportent des évidences préalables ; que le monde est, qu’il est toujours "d’avance" là, que toute correction d’une visée, que ce soit une visée d’expérience ou toute autre sorte de visée, présuppose déjà le monde dans son être, je veux dire comme horizon de tout ce qui vaut-comme-étant indubitablement, ce qui implique un certain stock de choses connues et de certitudes soustraites au doute, avec lesquelles était éventuellement entré en contradiction ce qui s’est vu ôter sa valeur et réduire au néant. La science objective elle aussi ne pose ses questions que sur le terrain de ce monde-qui-est-préalable, à partir du vivre pré-scientifique ».

Ce constat phénoménologique – évidemment refoulé par la « science objective » qui soutient que seul son monde vécu est légitime, rationnel, vrai, efficace, etc. – pose la question de la coexistence possible, et de leur intercompréhension, de la pluralité des mondes vécus. Lorsqu’un monde vécu fait intrusion dans un autre, dans le cas d’une rencontre, d’une apparition ou d’une manifestation (révélation), la question se pose évidemment, d’un point de vue philosophique, de leur compossibilité ou de leur compatibilité. C’est très exactement ce qu’il convient de penser épistémologiquement dans le cas des phénomènes étranges ou insolites. Je prendrai deux exemples qui ont trait aux prodiges du corps:

1.« Ressusciter un mort, guérir des malades, faire revenir instantanément une personne qui se trouve à des milliers de kilomètres. Les miracles du prophète Jésus dont parlent les chrétiens, nous aussi nous pouvons les accomplir. Car Dieu nous a donné le karama, la force spirituelle pour réaliser des prodiges et montrer aux musulmans et à leurs amis que notre religion est la vraie religion ». Ainsi parle un enseignant à l’Université de Bagdad à propos des soufis d’une confrérie mystique vieille de huit siècles, à laquelle il appartient, et de leurs étranges pouvoirs. Le journaliste qui l’interroge est lui-même témoin d’une manifestation de transe des derviches : « Dans la cour de la mosquée violemment éclairée, les derviches vont maintenant montrer aux fidèles l’étendue de leurs pouvoirs [...]. L’un, imperturbable, tiendra un long moment, plaquée contre son palais, une torche enflammée. Un autre avalera une dizaine de lames de rasoir sans qu’une goutte de sang n’apparaisse. Un troisième se labourera consciencieusement la langue plusieurs minutes durant à l’aide de deux poignards effilés. D’autres – dont deux enfants guère plus âgés que de sept ou huit ans –, sans une ombre d’hésitation, se laisseront transpercer le corps par d’impressionnantes lames. "Il n’y a ni douleur, ni infection, ni sang. Les blessures se cicatrisent en quelques secondes", plaide un participant. Moment difficilement soutenable, un soufi, un court marteau à la main, n’hésitera pas à planter trois poignards au sommet de son crâne et ce sans montrer le moindre signe d’appréhension. Un long moment, porté par la clameur de la foule, il se promènera ainsi, agitant ses bras, un sourire extatique sur son visage ».

Le journaliste (Jean-Pierre Tuquoi, envoyé spécial du Monde) a pu être fasciné (mystifié) par les catégories d’un monde vécu nouveau alors que son monde vécu « occidental » n’admet qu’avec réticence ce genre de « miracles » ; la cérémonie a pu être une supercherie (prestidigitation), une mise en scène de suggestion, d’hypnose, d’obnubilation de la conscience des spectateurs qui assistèrent au « spectacle » ; la transe collective a pu produire des hallucinations collectives, tout reste à expliquer. Il n’empêche qu’il y a là (en admettant que ce témoignage ne soit pas pure invention de journaliste, autre hypothèse...) rencontre de deux mondes vécus, celui du témoin et celui des mystiques soufis. Quelle est leur intercompréhension possible ? La question est encore de l’ordre du concevable, puisque les soufis sont des êtres humains dont il ne paraît pas possible de nier leur monde vécu, même si l’on pressent qu’il nous est étranger parce qu’étrange. Mais la question devient évidemment plus problématique lorsqu’il s’agit de la rencontre avec des « mondes vécus » plus éloignés : avec l’infra-humain (animaux...), l’in-humain, l’extra-humain (« extraterrestres »...), le para-humain, le crypto-humain (Yéti...), le non-humain, etc., dont on ignore même s’ils sont mondes vécus, c’est-à-dire à la fois mondes et vécus, ou lorsqu’il y a intrusion inattendue d’un de ces mondes dans le nôtre (apparitions de Dieu, de Satan, de la Vierge, des Anges...).


(p.6-  Padre Pio, une étude de J-M Brohm

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