° Rubrique philo-fac http://www.philagora.net/philo-fac/ Apparitions des Énigmes
Complémentarisme
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La
transversalité de linsolite Mondes vécus étrangers : le Visible et lInvisible Si le « monde vécu » (Lebenswelt), en tant que socle antéprédicatif, terre qui ne se meut pas, est le monde vécu intersubjectif comme horizon ontologique de tout système de pensée, on peut évidemment aussi y inclure le monde vécu des scientifiques qui prétendent étudier en « extériorité objective » comme lentomologiste observe les fourmis ou le psychologue expérimentaliste les rats de laboratoire le monde vécu de telle culture insolite, tel groupe social marginal, telle « secte » soucoupiste. Comme le souligne Edmund Husserl : « Toute pensée scientifique et toute problématique philosophique [et donc nimporte quelle thématique sociologique ou anthropologique] comportent des évidences préalables ; que le monde est, quil est toujours "davance" là, que toute correction dune visée, que ce soit une visée dexpérience ou toute autre sorte de visée, présuppose déjà le monde dans son être, je veux dire comme horizon de tout ce qui vaut-comme-étant indubitablement, ce qui implique un certain stock de choses connues et de certitudes soustraites au doute, avec lesquelles était éventuellement entré en contradiction ce qui sest vu ôter sa valeur et réduire au néant. La science objective elle aussi ne pose ses questions que sur le terrain de ce monde-qui-est-préalable, à partir du vivre pré-scientifique ». Ce constat phénoménologique évidemment refoulé par la « science objective » qui soutient que seul son monde vécu est légitime, rationnel, vrai, efficace, etc. pose la question de la coexistence possible, et de leur intercompréhension, de la pluralité des mondes vécus. Lorsquun monde vécu fait intrusion dans un autre, dans le cas dune rencontre, dune apparition ou dune manifestation (révélation), la question se pose évidemment, dun point de vue philosophique, de leur compossibilité ou de leur compatibilité. Cest très exactement ce quil convient de penser épistémologiquement dans le cas des phénomènes étranges ou insolites. Je prendrai deux exemples qui ont trait aux prodiges du corps: 1.« Ressusciter un mort, guérir des malades, faire revenir instantanément une personne qui se trouve à des milliers de kilomètres. Les miracles du prophète Jésus dont parlent les chrétiens, nous aussi nous pouvons les accomplir. Car Dieu nous a donné le karama, la force spirituelle pour réaliser des prodiges et montrer aux musulmans et à leurs amis que notre religion est la vraie religion ». Ainsi parle un enseignant à lUniversité de Bagdad à propos des soufis dune confrérie mystique vieille de huit siècles, à laquelle il appartient, et de leurs étranges pouvoirs. Le journaliste qui linterroge est lui-même témoin dune manifestation de transe des derviches : « Dans la cour de la mosquée violemment éclairée, les derviches vont maintenant montrer aux fidèles létendue de leurs pouvoirs [...]. Lun, imperturbable, tiendra un long moment, plaquée contre son palais, une torche enflammée. Un autre avalera une dizaine de lames de rasoir sans quune goutte de sang napparaisse. Un troisième se labourera consciencieusement la langue plusieurs minutes durant à laide de deux poignards effilés. Dautres dont deux enfants guère plus âgés que de sept ou huit ans , sans une ombre dhésitation, se laisseront transpercer le corps par dimpressionnantes lames. "Il ny a ni douleur, ni infection, ni sang. Les blessures se cicatrisent en quelques secondes", plaide un participant. Moment difficilement soutenable, un soufi, un court marteau à la main, nhésitera pas à planter trois poignards au sommet de son crâne et ce sans montrer le moindre signe dappréhension. Un long moment, porté par la clameur de la foule, il se promènera ainsi, agitant ses bras, un sourire extatique sur son visage ». Le journaliste (Jean-Pierre Tuquoi, envoyé spécial du Monde) a pu être fasciné (mystifié) par les catégories dun monde vécu nouveau alors que son monde vécu « occidental » nadmet quavec réticence ce genre de « miracles » ; la cérémonie a pu être une supercherie (prestidigitation), une mise en scène de suggestion, dhypnose, dobnubilation de la conscience des spectateurs qui assistèrent au « spectacle » ; la transe collective a pu produire des hallucinations collectives, tout reste à expliquer. Il nempêche quil y a là (en admettant que ce témoignage ne soit pas pure invention de journaliste, autre hypothèse...) rencontre de deux mondes vécus, celui du témoin et celui des mystiques soufis. Quelle est leur intercompréhension possible ? La question est encore de lordre du concevable, puisque les soufis sont des êtres humains dont il ne paraît pas possible de nier leur monde vécu, même si lon pressent quil nous est étranger parce quétrange. Mais la question devient évidemment plus problématique lorsquil sagit de la rencontre avec des « mondes vécus » plus éloignés : avec linfra-humain (animaux...), lin-humain, lextra-humain (« extraterrestres »...), le para-humain, le crypto-humain (Yéti...), le non-humain, etc., dont on ignore même sils sont mondes vécus, cest-à-dire à la fois mondes et vécus, ou lorsquil y a intrusion inattendue dun de ces mondes dans le nôtre (apparitions de Dieu, de Satan, de la Vierge, des Anges...). ° Rubrique philo-fac http://www.philagora.net/philo-fac/ |