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MARE NOSTRUM

Phéniciens et Grecs en Méditerranée et sur le littoral provençal.

Jean Bernardi, professeur de Lettres Classiques à la Sorbonne.

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Les marins grecs n'avaient pas d'autre but que les Carthaginois, pas d'autre méthode de prospection et de navigation. Par conséquent, ils ont été attirés par les mêmes sites sur les mêmes itinéraires, et ils n'ont pas eu beaucoup de peine à évincer les sémites des bases où ils s'étaient installés les premiers.
Puisqu'il s'agit de détecter les traces respectives des occupations du littoral provençal par des Phéniciens et des Grecs, il nous faut procéder à la manière des archéologues. Ils commencent par dégager la couche superficielle du sol, qui témoigne de l'occupation la plus récente. Le passé plus ancien apparaîtra progressivement aux niveaux inférieurs.
- Les traces de la civilisation grecque sont nombreuses dans le sud de la France, sans parler de l'Italie du sud. Il faut faire ici une distinction entre implantations primaires et implantations secondaires. Je veux dire entre cités fondées directement par des Grecs venus de Grèce, comme Marseille, et d'autres qui étaient probablement des colonies fondées par les premières. Marseille se trouvera à la tête d'un véritable empire maritime. Un chapelet de ports s'étend depuis Nice, Antibes ou Ceyreste jusqu'à l'Espagne, en passant par Arles, Agde et bien d'autres sites moins importants comme celui de Saint-Blaise au voisinage de Martigues. Sans conteste, la Marseille des Grecs a régné sur la Méditerranée occidentale. Parler en détail de la Marseille grecque et de ses colonies déborderait largement notre sujet et demanderait bien du temps. Au surplus, il n'y a rien de bien neuf à en dire. Je rappellerai seulement deux ou trois faits significatifs, peut-être moins connus.

La Marseille antique n'était pas seulement une ville de marins et de commerçants : ce fut une ville universitaire assez longtemps. Je m'explique. Les grandes familles de Rome tenaient à ce que leurs rejetons soient parfaitement formés par la culture grecque. Aussi les envoyait-on étudier en Grèce pendant plusieurs années. Un certain nombre de familles romaines, plus soucieuses de morale, préféraient expédier leur fils à Marseille, qui avait alors meilleure réputation qu'une Grèce considérée comme le royaume de la dépravation. A Rome, l'expression "vivre à la grecque" était synonyme de passer sa vie dans les tripots avec des prostituées.

Un autre détail, d'ordre géographique celui-là. Ce que nous appelons les îles d'Hyères était connu des Grecs sous le nom de Stœchades, c'est à dire d'îles disposées en ligne droite, comme les Cyclades sont des îles rangées en cercle et les Sporades des îles projetées en désordre sur la mer comme les grains jetés à la volée par les semeurs.

Un dernier fait marquant: les plus récentes fouilles menées à Marseille ont fait apparaître au voisinage de la mairie le rivage primitif et un morceau de jetée perpendiculaire au rivage, ainsi que des fragments de bateaux. Le tout remonterait au début du VIe siècle, c'est à dire aux origines de la ville grecque.

- Les traces d'une occupation phénicienne

   Si la présence des Grecs est massivement attestée depuis toujours, celle des Sémites est beaucoup plus problématique. Les fouilles archéologiques n'ont rien donné. Selon toute vraisemblance, elles ne donneront jamais rien. Les historiens et les géographes grecs, Strabon, par exemple, disent peu de chose. 
Dans ces conditions, comment détecter la présence éventuelle de Phéniciens en tel ou tel point de la Méditerranée? 
C'est surtout l'analyse des noms mêmes de ces lieux qui peut nous apporter la preuve d'une très ancienne origine sémitique. De façon générale, les noms de lieux traversent les siècles et les civilisations. Passant d'une langue à l'autre, les sons primitifs sont victimes de déformations successives. Les noms primitifs avaient une signification claire et connue de tous. Prononcés par des gosiers étrangers, ils sont déformés et deviennent vite incompréhensibles. Les conséquences de ce phénomène seraient dramatiques si on n'avait pas observé que la déformation des sons obéit à un ensemble de règles très précises. Une fois connues ces règles, il devient possible parfois de retrouver le nom primitif d'un lieu ou d'une personne sous les formes prises par ce mot au cours des siècles.
Les noms phéniciens ont été déformés une première fois pour prendre une allure grecque. Plus tard, le nom grec a été latinisé, et il s'est trouvé finalement francisé. Sous leur aspect actuel, ces noms n'ont aucun sens (et ils n'en avaient pas davantage en grec ou en latin), mais si on parvient à reconstituer le mot phénicien primitif, leur signification devient parfois claire. Dans ce cas, on tient la preuve que ce sont des Phéniciens qui ont les premiers donné un nom à ces ports, ces caps, ces îles ou ces villages. Et on sait qu'ils avaient précédé les Grecs sur les sites occupés par ces derniers.

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