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Auteurs

Stéphane MALLARMÉ 1842 / 1898

Les Fenêtres

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Le poète est un malade, son monde est un hôpital dont les fenêtres symbolisent une transfiguration toujours possible dans le miroir de l'art. La course d'une seule phrase de  scande le passage de Mallarmé moribond, d'un monde de misère, de faiblesse, de pourriture accentuée par d'inutiles remèdes, à la vie.

 Le seul remède de l'évasion que le rêve assure en entraînant ailleurs vers la douceur d'un émerveillement continué auquel rien de réel ne résiste plus.

Las du triste hôpital, et de l'encens fétide
Qui monte en la blancheur banale des rideaux
Vers le grand crucifix ennuyeux du mur vide,
Le moribond sournois y redresse un vieux dos,

Se traîne et va, moins pour chauffer sa pourriture
Que pour voir du soleil sur les pierres, coller
Les poils blancs et les os de la maigre figure
Aux fenêtres qu'un beau rayon clair veut hâler

Et la bouche, fiévreuse et d'azur bleu vorace,
Telle, jeune, elle alla respirer son trésor,
Une peau virginale et de jadis! Encrasse
D'un long baiser amer les tièdes carreaux d'or.

Ivre, il vit, oubliant l'horreur des saintes huiles,
Les tisanes, l'horloge et le lit infligé,
La toux; et quand le soir saigne parmi les tuiles,
Son œil, à l'horizon de lumière gorgé

Voit des galères d'or, belles comme des cygnes,
Sur un fleuve de pourpre et de parfums dormir
En berçant l'éclair fauve et riche de leurs lignes
Dans un grand nonchaloir chargé de souvenir!

Ainsi, pris du dégoût de l'homme a l'âme dure
Vautré dans le bonheur, où ses seuls appétits
Mangent, et qui s'entête à chercher cette ordure
Pour l'offrir à la femme allaitant ses petits,

Je fuis et je m'accroche à toutes les croisées
D'où l'on tourne l'épaule à la vie, et, béni,
Dans leur verre, lavé d'éternelles rosées
Que dore le matin chaste de l'Infini!

Je me mire et me vois ange! Et je meurs, et j'aime
-Que la vitre soit l'art, soit la mysticité -
A renaître, portant mon rêve en diadème,
Au ciel antérieur où fleurit la Beauté!

Mais, hélas! Ici-bas est maître: sa hantise
Vient m'écœurer parfois jusqu'en cet abri sûr,
Et le vomissement impur de la Bêtise
Me force à me boucher le nez devant l'azur.

Est-il moyen ô Moi qui connais l'amertume,
D'enfoncer le cristal par le monstre insulté
Et de m'enfuir, avec mes deux ailes sans plumes?
-Au risque de tomber pendant l'éternité.


La situation du malade est bien celle du poète que l'ordure du bonheur matériel, des compromissions nécessaires de la vie familiale, de la petitesse de l'existence sociale, dégoûtent.

Il ne s'agit donc plus de simplement vivre, comme dans la première partie du poème, mais d'accéder à une autre vie: il s'agit de naître une seconde fois à l'Infini qu'il porte en lui.

Autant que cette naissance est une renaissance, une réminiscence, une reconnaissance de soi comme si la beauté était antérieure, comme s'il fallait se souvenir de soi comme un "cygne d'autrefois se souvient que c'est lui"!

Après avoir atteint ce que c'est que le soi Mallarmé retombe, épuisé par le grand vol accompli. Mais le sentiment de l'échec, (l'amertume) serait-il aussi fort si d'un coup d'aile il ne venait pas d'atteindre la profondeur de l'azur, cette étape vers l'infini qu'il porte en lui?


 Suivre le parcours initiatique: "Apparition"

1- Enfance, adolescence
 2- La vie d'un albatros

MALLARME 
Le livre

Art poétique

Quelques jours avant sa mort: "Ma native illumination"

Un aperçu: La création au bord du gouffre

1862 
Renouveau

1863 
Les Fenêtres 

1863 
Apparition

1865 
Brise Marine

1866 
Soupir

1875 
Le Tombeau d'E.Poe

1884  
Autre Eventail 

1885 
Le vierge, le vivace 

1887 
Une dentelle

1895 
Petit Air ou le bain

J. Llapasset

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