I.
AUTOUR DU MOT: Science et technique
Alors que la science s'efforce de produire un
savoir théorique justifié, alors que la technique s'épuise à
présenter des procédés de travail ou de production réductibles
au savoir faire que développe un apprentissage, l'art a pour
fonction de créer le beau: la seule fin de l'art est l'œuvre, la
beauté de l'œuvre.
Si l'on confond la science, la technique et l'art c'est parce que
les mathématiques sont belles, la technique n'est plus, de nos
jours que l'application de la science, l'artiste utilise nécessairement
des techniques dans la production de l'œuvre.
Mais si on considère l'objet de ces disciplines, pour les
mathématique l'objet en général, pour la technique la réalisation
de modèles performants, pour l'art la réalisation du beau, il
faut nécessairement les distinguer. D'ailleurs cette distinction
apparaît en pleine lumière au niveau même de la réflexion
comme "retour sur": épistémologie pour la science,
philosophie morale pour la technique, esthétique pour l'art.
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créateur
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II.
LA NOTION
Si
l'art a pour fonction de créer une oeuvre et sa beauté, l'esthétique,
discipline qui réfléchit sur l'art, ne peut éviter la question:
qu'est-ce que le beau?
Cela revient à demander: y-a-t-il un critère, un instrument de
reconnaissance du beau? L'esthétique se comporte en discipline
philosophique chaque fois qu'elle cherche ainsi la vérité, en
s'efforçant d'ajuster un discours à son objet et de trouver un
concept qui permettrait, en déterminant une intuition sensible,
de porter un jugement de connaissance sur un objet. Mais cette
tentative de réduction du beau au vrai se révèle vite une
impasse du point de vue de la beauté naturelle, ce qui n'étonne
pas puisque l'homme n'a pas créé la nature, comme du point de
vue de la beauté artistique ce qui est plus étonnant puisque
l'artiste semble bien le créateur de l'œuvre belle.
-
La
beauté naturelle
Si
on admet qu'un critère (ou un concept) est universel dans son
domaine d'application tous les critères de beauté naturelle (forêt,
montagne, rocher, mer fleuve...) proposés se révèlent, tous,
particuliers: or un instrument de mesure qui ne mesurerait qu'une
fois sur deux devrait être abandonné: ainsi la puissance, la
grandeur, la petitesse, l'harmonie elle-même ne sauraient avoir
rang de critère universel car la puissance peut effrayer (on est
loin de la satisfaction esthétique) la grandeur décourage et éloigne
parfois, la petitesse ne retient pas toujours le regard et jusqu'à
l'harmonie d'un paysage qui peut lasser par sa fadeur.
Même
l'accord de la nature et de nos sentiments loin de nous satisfaire
peut nous désoler et nous amener à clore les volets sur ce
coucher de soleil, qui évoque la cruauté d'un deuil. Ce ne
serait d'ailleurs qu'un critère subjectif.
Quant à ceux qui veulent faire de l'adaptation d'un corps à sa
fonction un critère de beauté du corps biologique, ils
confondent la beauté et l'utilité, l'art et la technique,
soumettant le beau à bien des variations culturelles en fonction
de l'égoïsme humain: on passera des formes généreuses et fécondes
propres à la reproduction à la forme unisexe où le semblable
aime le semblable.
-
La
beauté artistique
Se
demander si l'art imite la nature, c'est se donner la réponse
dans la question, puisque l'art est une production et que la
nature est donnée dans l'intentionnalité d'une conscience
ek-statique.
Si quelque chose de l'œuvre est souvent emprunté à la nature,
le beau est dans l'écart que l'œuvre instaure entre une nature
donnée et un monde où l'esprit est chez lui: de la forêt aux
piliers des cathédrales, du trèfle des champs au trilobé
gothique, du corps humain à celui de l'athlète, du corps de
femme à l'origine du monde de Courbet, il y a cette distance dans
laquelle jaillit le beau comme une surprise. |