° Rubrique philo-poche 

Cours de  PHILOSOPHIE par J. Llapasset

Philo-poche  

L'art et le beau

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- L'art et le beau.

 Le jaillissement du Beau dans l'ici et le maintenant d'une oeuvre fait d'elle un lieu, le lieu d'une manifestation comme surprise, comme ce qui ne pouvait être prévu par aucune règle de composition, ce qui ne relève pas d'un concept, ou, si l'on préfère, d'une sorte d'art poétique. Cela pose un problème: comment le beau peut-il se manifester dans une oeuvre dans être pour cela inclus dans la définition, le concept dont elle devrait relever?

  Par exemple: Soit une belle table de ferme: je peux tourner et retourner le concept de table, examiner tous ses prédicats, je ne tirerai jamais du concept de table la beauté d'une table: c'est que le concept est général alors que la belle table existe devant moi de manière originale. Si on m'en propose une autre à la place, il n'est pas certain que j'accepte l'échange. Même si la belle table relève du concept table, c'est effectivement une table que je peux utiliser, sa beauté ne peut être déduite de son concept: cette table me paraît exister comme une réalité entièrement neuve: le beau serait-il dans l'écart entre l'essence ou concept et l'existence?

  Pourtant devant l'œuvre belle je porte un jugement: c'est beau. Ce que signifie ce jugement peut nous éclairer sur la relation entre l'art et le beau. Cette relation est elle essentielle, tient-elle à une caractéristique propre à l'un et à l'autre?
  Dire
c'est beau c'est reconnaître une présence dans une oeuvre: le jugement affirme, semble-t-il quelque chose de l'œuvre: dans toute affirmation, il y a une relation à l'idée de vérité. En ce sens "Le Beau est le lieu des idées" (Plotin). Le jugement esthétique se présente comme un jugement de connaissance qui déterminerait une intuition sensible par un concept, il se présente comme universel, devant être partagé par tous, et nécessaire, ne pouvant pas de pas être. Pourtant ce n'es pas un jugement de connaissance qui rattacherait une intuition sensible à un concept: ce jugement est sans concept: d'où peut-il donc tenir ce rapport à la vérité qu'il affirme puisqu'il ne peut se prouver en rattachant l'intuition sensible à un concept?

  Serait-ce une opinion qui traduirait besoin ou désir en connaissance? Le jugement de goût n'est pas une opinion car il exclut le besoin et le désir: en effet besoin et désir se préoccupent avant tout de l'existence de l'objet, de sa position dans la réalité de l'ici et du maintenant, alors que cette existence importe peu dans une représentation: j'admire la peinture d'un sous-bois de chêne et peu m'importe que je ne puisse pas en obtenir du bois pour me chauffer. Un nu représenté exclut le désir et sa satisfaction. Peu m'importe le modèle représenté, que La Joconde ait été une femme ou le reflet de Vinci

  A la racine du jugement c'est beau il n'y a rien de ce qui produit l'opinion: l'opinion est devenir alors que le jugement esthétique s'affirme comme permanence. Cette permanence n'est pas celle du concept dont la règle est immuable, elle ne peut de ce fait avoir pour origine un élément de l'objet déduit de la définition, ni l'ensemble des éléments qui ne sont que les prédications du concept. Cela nous oriente vers l'originalité, la particularité de la représentation, en quelque sorte la manière de voir et laisse intact le problème: d'où vient l'universalité du jugement esthétique?

  Il faut donc chercher l'origine du jugement c'est beau dans l'amateur. Le sujet qui porte le jugement s'appuie sur une satisfaction: son admiration est d'ailleurs confirmée par l'admiration d'autres amateurs dans l'espace géographique (voir ceux qui admirent la Joconde au Louvre) comme dans le temps (Homère toujours admiré). Autant dire que la valeur d'une oeuvre d'art s'éprouve et ne se prouve pas

  Le jugement c'est beau est un jugement esthétique (en rapport avec ce que je vois, ce qu' j'entends), fondé sur un sentiment de satisfaction qui prétend à l'universel, qui me détache de moi-même pour m'attacher à l'humanité comme ensemble des êtres raisonnables sensiblement affectés capables de liberté.

  La prétention à l'universalité du jugement: c'est beau est-elle justifiable? La subjectivité peut-elle dépasser la particularité pour accéder à la vérité? Ce qui s'éprouve peut-il prétendre à l'universalité? Est-il possible de résoudre la contradiction entre un jugement de goût posé par un sujet et un jugement universel, qui doit être partagé par tous?

  Ce que le jugement c'est beau exprime c'est essentiellement une satisfaction de voir, d'entendre, de comprendre ... Cette satisfaction n'est liée ni au plaisir comme satisfaction d'un besoin ni à la satisfaction de connaître, ni à celle du devoir accompli. 

   Quelle est donc l'origine de la satisfaction qui fait prononcer le jugement c'est beau? Y aurait-il une sorte de sens commun en chaque homme? Qu'est-ce qui peut satisfaire pleinement un homme sinon la possibilité d'exercer librement ses possibilités? Comme être raisonnable sensiblement affecté, l'homme se manifeste comme entendement, imagination et sensibilité. Or la satisfaction du devoir exige le sacrifice des appétits, la satisfaction de la connaissance exige la détermination du sensible par le concept et la satisfaction des appétits exige le renoncement au devoir, comme si chaque satisfaction exigeait un sacrifice, chacun ne pouvant s'obtenir qu'au prix d'un sacrifice, d'un renoncement, d'une absence: 
  
Dans le plaisir l'homme perd la conscience, dans la connaissance conceptuelle il perd l'existence et dans le devoir il sacrifie sa générosité restreinte. 

  Seule la contemplation esthétique permet le libre jeu de l'entendement et de la sensibilité sans que l'un sacrifie l'autre. Personne pour amener l'amateur à se juger: tu es nul, tu as fait une erreur, une faute. Et le poète Paul Valéry d'affirmer: "Mes vers ont le sens qu'on leur prête". Les facultés perceptives et intellectuelles jouent librement et ce jeu s'apparaît à lui-même comme pouvoir de penser au sens large, de mieux percevoir, d'imaginer, d'interpréter, d'expliquer, de comprendre dans l'unité d'un être raisonnable sensiblement affecté qui en appelle à autrui comme à son semblable en affirmant c'est beau. C'est l'existence et l'humanité qui sont exaltées: la satisfaction éprouvée est en effet épreuve de la plénitude de sa propre existence comme liberté et exigence d'une communauté avec ses semblables.

  L'universalité du jugement esthétique apparaît donc comme la conséquence de la liberté, de l'existence. 
  La satisfaction est comparable à celle d'un jeu où l'on se passerait une balle: telle interprétation que l'amateur découvre l'amène à mieux voir et telle image qu'il perçoit suscite une interprétation et ce jeu anime la contemplation, tant qu'elle dure. C'est dire que l'art et le beau sont liés par l'activité créatrice d'une subjectivité qui prend conscience de sa liberté créatrice et s'affirme comme esprit (interprétation) et corps (image) réconciliés.

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