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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

Pouvoir et liberté

Une approche de la théorie politique de Hannah Arendt

par André Enegrén

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TRENTE ANS après la parution aux Etats-Unis de The Origins of Totalitarianism (1) le nom de Hannah Arendt n'est plus tout à fait ignoré en France. Naguère entité litigieuse, le totalitarisme est aujourd'hui reconnu comme une notion centrale par la réflexion politique et, si l'on ne se  réclame guère, ouvertement du moins, d'Arendt, on ne craint plus de citer Le Système totalitaire (ST). Mais, malgré quelques articles (2), de nombreuses traductions et l'étrange fortune d'un sous- titre peut-être trompeur (" la banalité du mal ") (3), on ne s'est guère avisé que cette critique reposait sur une pensée politique d'envergure. Prenant acte de l'effritement des formes traditionnelles de gouvernement et de l'événement totalitaire, Arendt propose, non l'abstention ou le repli individualiste qui consolide l'État tutélaire, mais bien une réhabilitation radicale du politique comme espace public, pluriel et autonome de délibération et d'initiative d'où toute forme de souveraineté serait idéalement bannie. Libertaire, ce projet joue de toutes les ressources d'un pouvoir vivant de dissensions multiples ; nullement anarchique, il insiste sur l'idée de loi et tente d'assurer la solidité du lien politique en redonnant sens à l'autorité. Une définition générale du politique tentera d’éclairer quelques principes directeurs de ce projet; l'élucidation des concepts de pouvoir et de loi permettra ensuite de préciser cette définition et de mesurer l'écart qui sépare Arendt de la science politique contemporaine; on s'interrogera enfin sur les thèmes apparemment peu compatibles de la désobéissance civile et de l'autorité qui donnent un relief contrasté, mais pourtant rigoureux, à une théorie nullement écartelée entre des exigences contradictoires.

  L'œuvre d'Arendt porte la marque de l'histoire du vingtième siècle, de ces "sombres temps" (4) dont elle a subi les heurts avant d'en interroger les articulations (5). Née à Königsberg en 1906 de parents juifs assimilés, elle se consacre tôt à la philosophie sous la direction de Heidegger et de Jaspers et publie en 1929 une thèse sur " Le Concept d'amour chez Saint Augustin". Les années trente lui font réellement découvrir la politique: réfugiée en France en 1933, elle collabore avec des organisations sionistes; exilée aux États-Unis en 1941, elle écrit de nombreux articles où sont préfigurés les thèmes des Origines du Totalitarisme et il est certain que cette traversée de l'Europe dans toutes ses longitudes historiques, culturelles, sociales, qui la mène de la ville de Kant (aujourd'hui Kaliningrad) jusqu'à Manhattan, a profondément influencé ses réflexions sur la condition juive, les formes du nationalisme, la désolation totalitaire ou l'invention révolutionnaire américaine. Elle pourra approfondir ces thèmes lorsque sa carrière universitaire, tardivement commencée en 1953, lui laissera enfin le loisir de s'occuper de "théorie politique" (6) et de se consacrer, non à une vie contemplative, mais, selon sa propre expression, à la découverte de problèmes existants ", ce jusqu'à sa mort en 1975.

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Notes:

  1. Harcourt Brace, New York 1951. Les trois volets de l’ouvrage sont maintenant traduits : Sur l’Antésémitisme, Calmann – Lévy, 1973, L’Impérialisme, Fayard 1982, et Le Système totalitaire, Seuil, 1972 (= S T).

  2. CF. R. Davreau et P. Lévy, "Hannah Arendt (1906-1975)", Les Etudes philosophiques, avril – juin 1976; le numéro spécial d’Esprit, juin 1980; P. Valadier, "Le Politique contre le totalitarisme, ouverture à la pensée de H. Arendt", Projet, mars 1980.

  3. Eichmann à Jésuralem, : rapport sur la banalité du mal, Gallimard, 1966.

  4. Expression de Brecht reprise dans le titre original des Vies politiques, Gallimard, 1974.

  5. Cf. Young-Bruehl, Hannah Arendt : For Love of the world, Yale University Press, 1982. L’ouvrage fournit quantité d’informations… il évoque aussi l’extraordinaire don pour l’amitié d’une femme qui a connu W. Benjamin, H. Broch, W. H. Auden, P. Tillich, Mary McCarthy, ou encore en France, A. Koyré, R. Aron et même D. Cohn Bendit.

  6. CF. l’entretien "Seule demeure la langue maternelle", Esprit, juin 1980 p.19

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