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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

MESURE ET DÉMESURE  

PLATON : GORGIAS

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Qu'est-ce que la mesure et la démesure ? (dans La République de Platon)

Rémi: Je me suis demandé, à la suite de l'entretien d'hier, pourquoi il revenait à l'intelligence de donner le "la"  de la juste mesure: dans un prélude cela s'impose. Si chez Platon l'être donne la juste mesure, alors l'important est de savoir ce qu'est l'âme à qui il revient de donner la juste mesure. J'ai utilisé la page de Philagora sur la tripartition de l'âme (lien ouverture nouvelle fenêtre pour lire le tableau):
- Le ventre ou si l'on préfère l'appétit ne connaît pas de limites; laissé à lui même, s'il commandait, il plongerait l'âme dans la démesure, dans la violence aussi, contre tous les obstacles qu'il rencontre.
- Le coeur, le courage ou si l'on préfère l'énergie, est un moyen qui tient sa valeur de la fin poursuivie: en lui même il n'a aucune valeur.
- En conséquence, c'est la raison, la pensée ou l'intelligence qui seule peut et doit gouverner en donnant aux deux autres parties leur juste place, leur juste mesure: en ce sens Monique Dixsaut écrit: "L'intelligence seule peut pénétrer et régler toutes les activités, y apporter une mesure qui ne soit pas quantitative (ni trop ni trop peu) mais qualitative (ce qui convient au moment où cela convient)."

Hibou: On ne peut mieux dire, Monique Dixsaut, après un long mandarinat qui étouffait les recherches sur Platon, a relancé ces recherches avec son oeuvre, Le naturel philosophe. J'ajoute que , selon elle, pour Platon,  "Est vraiment philosophe celui en qui ce qui doit gouverner (l'intelligence) gouverne effectivement... L'intelligence est juste mesure..." (Commentaire dans Bordas, République Livre VI et VII).

Sophie: Voilà qui est bien dit. Nous pourrions continuer notre cheminement de citations en citations. J'ai ici la traduction de Georges Leroux, La République, GF Flammarion n°653

Les autres: nous aussi nous l'avons!

La République traduction Georges Leroux, GF Flammarion n°653

1- "Un homme mesuré, lorsque dans son récit il tombe sur quelque expression ou action d'un homme de bien, consentira à prendre la parole comme s'il était cet homme-là, et il n'aura pas honte de cette imitation, surtout s'il imite cet homme bon dans une action ferme et sensée." La République III, 396 c
Hibou: Qu'est-ce que cela nous dit de mesure et démesure d'après vous?
Sophie: Je vois chez l'homme mesuré l'action de l'intelligence: il est équilibré et capable de faire la distinction entre le bien et le mal et donc de n'imiter qu'à bon escient: l'homme mesuré a une intelligence orientée vers le bien et vers le vrai.
Voilà pour la mesure.
Max: Pour ce qui est de la démesure j'imagine quelqu'un qui imiterait n'importe qui et n'importe quoi, le sage comme le fou, le malade, le passionné au point de tomber dans l'indignité: autrement dit, le dernier qui a parlé a raison.
Hibou: C'est clair.

2- "Il semble donc que si un homme capable par son talent de se transformer de mille manières et d'imiter toutes sortes de choses venait en personne dans notre cité avec le projet d'y représenter ses compositions poétiques ... nous lui dirions ... qu'il n'y a pas d'homme comme lui dans notre cité, et qu'il n'est pas conforme à la loi qu'il s'y intègre.La République III, 398 a
Rémi: On le chasse avec de beaux discours ... C'est la conséquence de sa démesure.

3- "Ainsi l'excellence du discours et de l'harmonie, la grâce du geste et du rythme découlent de l'excellence du caractère (=le support de la vertu, c'est à dire la réflexion dirigée vers le beau et le bien précise Leroux), non de ce que nous désignons ainsi par euphémisme et qui n'est qu'absence de réflexion, mais au contraire de cette réflexion authentique d'un caractère où s'allient le bien et le beau." La République III, 400 e
Sophie: Je comprends qu'il ne s'agit pas d'un trait de caractère mais de l'activité de l'intelligence réflexive orientée vers le bien, ce à quoi il ne manque rien.
Rémi: C'est dire que la mesure découle de la réflexion qui ajuste un discours à ce qui est , et l'enchaîne dans l'harmonie et le rythme.
Hibou: en 404 e, on retrouve une opposition entre la démesure qui est toujours multiplicité à l'infini et la mesure qui est toujours rapportée à l'unité:
"... Ici la variété engendre l'indiscipline, là elle engendre la maladie tandis que la simplicité dans la musique engendre la modération dans l'âme, et dans la gymnastique elle produit la santé pour le corps."
La République III, 404 e

4- "N'as-tu pas remarqué à quelle disposition d'esprit parviennent ceux qui passent leur vie à pratiquer la gymnastique sans toucher à la musique...? ou alors la disposition d'esprit de ceux qui font l'inverse?" La République III, 411 a
Hibou: Quelle serait la disposition d'esprit de ceux qui ne se consacreraient qu'à la gymnastique? Sans aucune mesure?
Oui-oui: Ils deviendraient des sauvages, des brutes violentes.
Hibou: Quelle serait la disposition d'esprit de ceux qui ne se consacreraient qu'à la poésie ou à la musique?
Sophie: Ils deviendraient des mous.
Hibou: Platon veut nous faire comprendre qu'il y a des qualités dans la gymnastique et dans la poésie ou la musique mais que ces qualités n'apparaissent que par l'éducation c'est à dire l'intervention de l'intelligence qui équilibre la partie courageuse et la douceur, qui donne sa place à chacune tant et si bien que celui qui est bien élevé sera doux et ordonné: la brutalité naturelle par l'éducation devient courage dirigé par la pensée tandis que la mollesse deviendra douceur. C'est dire que c'est l'intelligence qui mesure, qui harmonise et transforme l'ardeur en ardeur morale et le désir de savoir en désir de vérité. Platon peut alors conclure:
"Ainsi, celui qui mêle la gymnastique et la musique dans le plus bel ensemble et qui les applique à son âme avec le plus de mesure, celui-là c'est à bon droit que nous le déclarerons parfait musicien.
(= parfaitement cultivé)" La République III, 412 a
Au livre IV de
La République en 423 e on trouve: "Car s'ils sont bien éduqués et qu'ils deviennent des hommes mesurés ..."
La coordination (et) met sur le même plan la formation morale et l'éducation: dans les deux cas il s'agit que l'intelligence gouverne.

D'après vous qu'est-ce qu'on peut tirer de ces citations pour le thème mesure et démesure qui nous occupe?
Sophie: D'abord, peut-être, que l'âme, lorsqu'elle porte un jugement doit toujours se préoccuper de la mesure et être en accord avec elle.
Rémi: Il me semble que l'imitation ne se justifie que chez celui qui sait distinguer le bien du mal et qui a un sens aigu de sa dignité.
Max: Il faut reconnaître une grande importance à l'éducation de l'âme et du corps: l'harmonie a pour origine l'intelligence qui donne à chacun la place qui lui convient et qui empêche la partie courageuse de se prendre pour une fin et les désirs de commander, de devenir tyranniques.
Oui-oui: N'y a t-il pas un risque d'inégalité naturelle mis en évidence par Platon? Car si le commandement appartient surtout à l'intelligence, si c'est elle qui doit commander, que feront nous de ceux qui seront rebelles à la mesure, à la juste mesure de ceux chez qui la partie courageuse ou les désirs fous commandent? Celui qui refuse la maïeutique qu'en fera-t-on?
Hibou: Ton intervention nous oriente et nous prépare à comprendre le souci de réglementation que nous trouverons dans la dernière oeuvre de Platon, Les lois. Lorsque la maïeutique échoue, il n'y a que la contrainte qui puisse imposer une mesure, de l'extérieur, à la démesure de la violence et à la démesure des désirs, aux passions. C'est faire disparaître la liberté naturelle à des gens incapables d'accéder à l'autonomie!
Il y aurait donc pour Platon un naturel philosophe, une sorte de grâce divine donnée à quelques uns qui les prédispose à se commander à eux-mêmes s'ils sont bien éduqués et à commander aux autres. 

Si la juste mesure est bien la condition de toute politique juste (Dixsaut), alors l'intelligence qui est juste mesure commandera: c'est une manière d'ajuster la politique à ce qui est: pour Platon, ce n'est pas l'homme qui est la mesure de toute chose mais c'est Dieu, intelligence créatrice. 
"C'est donc Dieu qui serait pour nous au plus haut degré la mesure de toute chose, et lui bien plutôt ... que ne l'est tel ou tel homme." Platon, Les Lois, 716 c

Demain nous parlerons du prélude de Gorgias, si Oui-oui n'a pas une meilleure idée....

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