° Rubrique philo-prepas > Le corps

Le corps Classes prépas par J. Llapasset

Peut-on penser le corps ?

Spinoza ouvre la voie pour penser le corps

Page 1 - page 2 - page 3 - page 4page 5 - page 6

Philagora tous droits réservés

_____________________

Il est difficile de contester que le scolie de la proposition II. (Troisième partie de l'Ethique) est une ouverture fondamentale pour tous ceux qui veulent penser le corps vivant. Que cette ouverture ait été presque aussitôt fermée et occultée par un lourd et long silence ne change rien à son intérêt. Au moment même où le terme "penser" avec un complément d'objet direct apparaît dans un contexte philosophique contemporain (Nietzsche, M. Henry ...) on reconnaîtra en Spinoza un précurseur.
Le corps n'est pas un simple instrument de l'esprit, à la botte de l'esprit, qui entrerait en mouvement et en repos à son commandement. Serait-ce l'esprit qui serait un instrument du corps? Le pire serait-il le meilleur?

"Personne n'a jusqu'ici déterminé ce que peut le corps, c'est à dire que l'expérience n'a jusqu'ici enseigné à personne ce que, grâce aux seules lois de la Nature, -en tant qu'elle est uniquement considérée comme corporelle, - le corps peut ou ne peut pas faire ...
Nous avons fait l'expérience que l'esprit n'est pas toujours également apte à penser au même objet, mais que plus le corps est apte à éveiller en lui l'image de tel ou tel objet, plus l'esprit est apte à considérer ces objets ...
L'expérience montre assez que les hommes n'ont rien moins en leur pouvoir que leur langue, et qu'ils ne peuvent rien moins que de régler leurs désirs ... 
Le délirant, la bavarde, l'enfant et beaucoup de gens de même farine croient parler selon un libre décret de l'esprit, alors que pourtant ils ne peuvent contenir leur envie de parler ...
Nous ne pouvons prononcer un mot à moins que nous n'en ayons le souvenir mais il n'est pas au libre pouvoir de l'esprit de se souvenir d'une chose ou de l'oublier."

Spinoza, Ethique, Troisième partie, proposition II Scolie, Oeuvres complètes La Pléiade, pp 472, 473; 474.

 Il s'agit d'effectuer ce que personne n'a fait,selon Spinoza: déterminer "ce que peut le corps", ce que le corps peut ou ne peut pas faire "grâce aux seules lois de la Nature".
Pour cela il faudra penser le corps au sens de s'en donner une représentation rationnelle qui permettra de connaître sa structure. Remplacer une ignorance par un savoir.  Commencer par sortir d'une illusion dans laquelle nous sommes enfermés: l'esprit serait le maître absolu du corps.
Que peut le corps sans l'esprit? Les performances des animaux et celles des somnambules montrent que la privation de l'esprit ne s'accompagne pas d'une perte totale de capacité d'agir mais que le corps, pour ainsi dire laissé à lui même, est capable d'agir comme s'il avait une intelligence et une volonté.
La voie de l'expérience s'ouvre à la conscience et à la science à la seule condition que ces forces, cette puissance du corps puisse être données à la conscience.

Vers la page 4 : Nietzsche, tentative pour penser le corps

Joseph Llapasset ©