Commençons
par tableau de définition pour cerner les différents termes
de ce sujet.
Peut-on |
Les
conditions peuvent-elles être réunies dans la réalité
pour penser le corps? Cela n'est-il pas
contradictoire?
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Penser |
Avec
un complément d'objet direct ce terme signifie: se
donner une représentation rationnelle d'un objet ce
qui suppose bien entendu que l'objet soit donné
c'est à dire qu'il puisse être constaté,
inventoriable, par exemple, visible dans la lumière.
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Le
corps |
Distinguer
le corps objet et le corps propre. A distinguer de Un
corps, et de mon corps. Le corps désigne
le corps animé (le corps et l'âme).
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La
problématisation: elle a pour but de conduire vers un
problème, la question de la question posée.
"Penser
c'est reconnaître (ou édifier, ou dégager) une
structure." Gabriel Marcel, Être et avoir, page 16.
Structure
désigne la disposition des différentes parties d'un tout qui
dépendent du tout et sont solidaires les unes des autres.
Cela renvoie à l'idée de forme.
Une
représentation rationnelle du corps présenterait dans
l'horizon de la transcendance une organisation des caractéristiques
essentielles, par exemple dans une idée claire et distincte
ou encore dans une forme. Cela suppose évidemment l'unité de
toutes les composantes de la structure.
Mais,
comment mon corps pourrait-il être exhibé, déployé,
avec ce qui le fait mien? Comment le sentiment comme épreuve
de soi pourrait-il être donné comme sont données à la vue
les différentes parties du corps? Comment le corps propre
pourrait-il être donné lui qui est la condition d'apparition
de tout ce qui m'est donné? Lui qui, dans son immanence, échappe
au trou de lumière de la transcendance?
Gabriel
Marcel cerne le problème: "Mon corps est pensé en
tant qu'il est un corps mais ma pensée vient buter sur
le fait qu'il est mon corps." Être et avoir,
page 15. L'auteur remarque un peu plus haut que l'imperméabilité
de l'existence est certes pensée mais qu'elle est pensée
comme absolument non pensable.
Penser
le corps serait ne considérer qu'un objet donné dans un
horizon: dès lors il ne serait pas pensé comme mon corps
dans sa qualité essentielle de "coordinateur absolu"
ce qui empêche nécessairement toute donation dans
l'objectivité.
Penser le corps ne serait-ce pas l'entreprise insensée de
penser le moi comme présence à soi dans l'obscurité de ce
qui ne saurait se voir que dans la lumière ! "C'est
l'ombre qui est le centre" dit avec bonheur G.
Marcel.
La difficulté tient donc à ce que je ne peux dire "moi
et mon corps" car ils sont dans une communauté
indissociable. Dès lors, comment se les représenter
rationnellement en les distinguant?
Si
on peut penser un corps au sens de le connaître, on ne
peut penser le corps car la dimension essentielle de
mon corps c'est une Pratique initiale sans laquelle aucune
pratique particulière ne serait possible.
Perspectives.
- Un problème, comme question de la question: sommes-nous
condamnés à la métaphysique quand nous cherchons à penser
le corps, la réalité du corps, à nous élever vers ce à
quoi rien de sensible ne correspond? Ce serait bien paradoxal
quand il s'agit du corps objet comme du corps propre de
quitter le sensible!
Ou alors serait-il possible de penser le corps en tournant le
dos à la connaissance objective et aussi à la métaphysique?
Par exemple en utilisant le paradigme du langage?
- On se trouve bien devant ce qui ne saurait être connu
puisque ce qui fait advenir la relation et le paraître ne
peut être donné dans l'éclat de la lumière (cf. plus haut:
"c'est l'ombre qui est le centre"). Au sens
strict, c'est donc la réalité du corps qui se dérobe devant
celui qui veut élaborer une structure rationnelle et, avec
cela, apparaît l'impossibilité de penser la réalité du
corps, ce "médiateur absolu", au sens de ce qui a
sa raison d'être en soi, de ce qui ne saurait être relatif,
de ce qui ne saurait donc jamais être connu comme un élément
d'une structure rationnelle représentée..
Faire
apparaître le problème ce n'est pas toujours répondre au
sujet, mais c'est toujours se mettre dans les conditions de
lui répondre. Il est incontestable qu'un tel sujet fait
apparaître une des problématiques essentielles du thème: le
corps et cela grâce à un auteur, Gabriel Marcel, agrégé
à 21 ans, qui a marqué par son oeuvre Merleau-Ponty et
Michel Henry.
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2
Joseph
Llapasset ©
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