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L'étude de texte - 

Un auteur, un texte  par J. Llapasset 

Un texte de John Stuart MILL (Bac 2006)

"S'écarter de la vérité "

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Expliquer un texte

"En s'écartant, même sans le vouloir, de la vérité, on contribue beaucoup à diminuer la confiance que peut inspirer la parole humaine, et cette confiance est le fondement principal de notre bien-être social actuel ; disons même qu'il ne peut rien y avoir qui entrave davantage les progrès de la civilisation, de la vertu, de toutes les choses dont le bonheur humain dépend pour la plus large part, que l'insuffisante solidité d'une telle confiance. C'est pourquoi, nous le sentons bien, la violation en vue d'un avantage présent, d'une règle dont l'intérêt est tellement supérieur n'est pas une solution ; c'est pourquoi celui qui, pour sa commodité personnelle ou celle d'autres individus, accomplit, sans y être forcé, un acte capable d'influer sur la confiance réciproque que des hommes peuvent accorder à leur parole, les privant ainsi du bien que représente l'accroissement de cette confiance, et leur infligeant le mal que représente son affaiblissement, se comporte comme l'un de leurs pires ennemis. Cependant, c'est un fait reconnu par tous les moralistes que cette règle même, aussi sacrée qu'elle soit, peut comporter des exceptions : ainsi - et c'est la principale - dans le cas où, pour préserver quelqu'un (et surtout un autre que soi-même) d'un grand malheur immérité, il faudrait dissimuler un fait (par exemple une information à un malfaiteur ou de mauvaises nouvelles à une personne dangereusement malade) et qu'on ne pût le faire qu'en niant le fait. Mais pour que l'exception ne soit pas élargie plus qu'il n'en est besoin et affaiblisse le moins possible la confiance en matière de véracité, il faut savoir la reconnaître et, si possible, en marquer les limites."

John Stuart Mill, L'utilitarisme"

=> Analyse du texte, les idées, leurs articulations: le plan

L'idée générale, le message envoyé par le texte:
La comparaison de l'utilité d'un mensonge et de l'utilité pour les hommes de ce qu'il diminue la confiance, établit que le mensonge n'est jamais une solution que l'on puisse adopter.

Éclaircissement : le mensonge sape la confiance dans les paroles que les hommes échangent et donc dans leurs rapports. Du même coup ce sont les conditions du bonheur, du bien vivre d'un être social qui sont menacées. Mentir c'est menacer la confiance au fondement du bonheur des hommes. Remarquons que l'auteur considère le bonheur de l'homme en société dans des relations réciproques de confiance. Il ne lui semble pas venir à l'idée que l'homme soit un loup pour l'homme. En conséquence tout ce qui accroît la confiance accroît le bonheur. Ce qui est utile au bonheur de l'ensemble des hommes est donc moral. Il s'agit d'enraciner la règle morale dans l'expérience et non dans une raison pratique.

La structure du texte: le texte est articulé rigoureusement en trois parties.

1) Première partie: (ligne 1 à 5). Mill  commence par affirmer, comme point de départ de son raisonnement déductif, une thèse générale qui lui semble peu contestable et qu'il faut lui accorder si on veut être convaincu par ce qui suit (parties 2 et 3). Le mensonge sape a confiance: la confiance est au fondement du bonheur d'un être social.

2) Deuxième partie (5 à 11). Mill déduit deux conséquences explicatives:
a) Ce n'est pas une solution de mentir en calculant l'utilité du mensonge pour soi: cette utilité est infime par rapport à l'intérêt  pour tous les hommes, à l'utilité de ce que le mensonge diminue: la confiance.
b) En conséquence, celui qui pose un acte qui diminue la confiance se comporte comme un des pires ennemis des hommes.

3) Troisième partie (11 à la fin). Mill introduit une restriction à ce qu'il vient de dire: il peut y avoir des exceptions.

Explications: faire apparaître le sens sans jamais perdre de vue l'analyse des concepts. 
En s'écartant - Il faut comprendre, s'écarter de la vérité, prise au sens de véracité d'une parole, en mentant consciemment ou en faisant une erreur sans le vouloir, ce qui "diminue" la confiance en la parole des hommes.

on contribue beaucoup ... à diminuer la confiance -> Diminue:  notez la métaphore arithmétique, comme si on enlevait des éléments, des briques et par là, on affaiblissait la confiance. Plus loin l'auteur parlera de l'accroissement de la confiance, comme si chacun pouvait apporter une pierre à l'édifice. Tout cela est en référence avec l'espace, avec la matière.

cette confiance est le fondement... -> Confiance: c'est l'assurance, la tranquillité produite par la croyance à la vérité des paroles qui nous sont adressées. L'utilité de cette confiance est donc incomparable avec l'utilité d'un mensonge. La confiance est comme une branche sur laquelle on est bien assis et que le mensonge scierait. Quoi de plus utile que ce qui fait apparaître la satisfaction des plaisirs, dans la sécurité, condition nécessaire et principale du bonheur tel que Mill le conçoit: la plus grande satisfaction, du plus grand nombre.

bien-être -> C'est le plaisir par absence de souffrance, d'inquiétude: la jouissance sans mélange dans le sentiment de sécurité et de tranquillité par rapport aux promesses qui nous sont faites par exemple.

actuel -> qui est réalisé, qui est donné en acte dans le présent, dont on peut pleinement profiter: cueille et accumule les plaisirs quantitatifs ou qualitatifs.

disons même qu'il ne peut rien y avoir qui entrave davantage ...- Même: n'ayons pas peut d'aller jusqu'à dire .... 
Rien y avoir: cela signifie que s'écarter de la vérité dans ses paroles c'est produire un mal social, le plus important, en ce qu'il revient à empêcher le développement de la civilisation. 

la civilisation -> Ce par quoi une culture s'ouvre, s'élève au-dessus de ses particularités et se tourne vers tous les hommes, vers le bien de tous. Or pour se tourner vers les hommes, il faut la confiance et non pas les supposer barbares et sanguinaires...

la vertu -> Il ne s'agit pas de mériter le bonheur dans un autre monde, de sacrifier le bonheur au devoir mais au contraire de réconcilier le bonheur et la vertu en les identifiant. La vertu est la volonté de faire son propre bonheur et par contrecoup le bonheur des autres car il ne peut y avoir de bonheur que partagé. Là encore comment pourrait-on échanger les plaisirs, partager les plaisirs sans avoir confiance envers les autres?

les choses dont le bonheur humain dépend -> Du point de vue quantitatif comme du point de vue qualitatif: ce qui peut donner du plaisir, mais aussi l'amitié, l'amour, ne sauraient être goûtés que dans la confiance. La méfiance fait tout disparaître: par exemple quand on se demande si l'aliment est frelaté, si l'amitié n'est pas un masque, et si l'amour n'est pas une duperie ...

l'insuffisante solidité - > Apprécier la métaphore matérielle: la fragilité de la confiance due au mensonge, aux paroles qui s'écartent de la vérité, c'est bien ce qui empêche les progrès de la civilisation, de la vertu...

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