Expliquer
un texte
"En
s'écartant, même sans le vouloir, de la vérité, on
contribue beaucoup à diminuer la confiance que peut inspirer
la parole humaine, et cette confiance est le fondement
principal de notre bien-être social actuel ; disons même
qu'il ne peut rien y avoir qui entrave davantage les progrès
de la civilisation, de la vertu, de toutes les choses dont le
bonheur humain dépend pour la plus large part, que
l'insuffisante solidité d'une telle confiance. C'est
pourquoi, nous le sentons bien, la violation en vue d'un
avantage présent, d'une règle dont l'intérêt est tellement
supérieur n'est pas une solution ; c'est pourquoi celui qui,
pour sa commodité personnelle ou celle d'autres individus,
accomplit, sans y être forcé, un acte capable d'influer sur
la confiance réciproque que des hommes peuvent accorder à
leur parole, les privant ainsi du bien que représente
l'accroissement de cette confiance, et leur infligeant le mal
que représente son affaiblissement, se comporte comme l'un de
leurs pires ennemis. Cependant,
c'est un fait reconnu par tous les moralistes que cette règle
même, aussi sacrée qu'elle soit, peut comporter des
exceptions : ainsi - et c'est la principale - dans le cas où,
pour préserver quelqu'un (et surtout un autre que soi-même)
d'un grand malheur immérité, il faudrait dissimuler un fait
(par exemple une information à un malfaiteur ou de mauvaises
nouvelles à une personne dangereusement malade) et qu'on ne pût
le faire qu'en niant le fait. Mais pour que l'exception ne
soit pas élargie plus qu'il n'en est besoin et affaiblisse le
moins possible la confiance en matière de véracité, il faut
savoir la reconnaître et, si possible, en marquer les
limites."
John Stuart Mill, L'utilitarisme"
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=> Aucune
connaissance sur l'auteur et ses principaux concepts n'est requise pour
l'étude de texte à l'écrit au Baccalauréat. Comme ceci n'est pas un
corrigé, mais une aide à la compréhension, il est possible de
commencer par quelques références à l'histoire de la philosophie.
-
Stuart Mill (1806-1873) intervient dans un débat qui a eu lieu quelques
60 ans savant entre Benjamin constan, philosophe français et Kant.
En 1797,
dans un recueil, Benjamin Constant affirmait: que le principe moral, dire
la vérité est un devoir, était pris d'une manière
absolue (= sans admettre d'exception)cela rendrait toute société
impossible.
(Si dans un couple, dans une famille on décide de dire la vérité, de
ne pas s'écarter de la vérité dans les réponses aux paroles qu'on
nous adresse ... comment cela finira-t-il?)
-
La
même année (1797), Kant qui se sent visé (par Constant) dans
son impératif catégorique qui commande absolument indépendamment des
circonstances, monte au créneau pour se défendre et lui répond dans
le petit texte Du prétendu droit de mentir: "La véracité
(= ne pas s'écarter de la vérité dans ses paroles) est un devoir
qui doit être regardé comme la base de tous les devoirs fondés sur un
contrat et si l'on admet le mensonge dans la loi de ces devoirs, on le
rend chancelante e inutile..."
Autrement dit le devoir commande absolument: il ne faut donc jamais s'écarter
de la vérité consciemment, même si dire la vérité est une menace
pour la vie d'un innocent.
1-
La question: la règle sacrée qui commande de ne pas
mentir dans ses paroles, dans ses rapports avec les autres homme
souffre-t-elle des exceptions?
La règle sacrée qui commande de ne pas mentir souffre-t-elle des
exceptions?
Problème:
Comment ne pas mentir quand la vie d'un innocent serait préservée
par le mensonge? Serait-ce moralement bon? Comment accorder d'une part
que la règle est sacrée et admettre en même temps la possibilité
d'une exception!
Intérêt
philosophique pour la réflexion: quel est l'enjeu?
N'est-ce pas affaiblir la règle morale que d'admettre des
exceptions: l'exception ne confirme jamais la règle, mais l'infirme
dans la mesure où l'exception peut par le mauvais exemple donné entraîner
d'autres exceptions. En faisant dépendre l'application de la règle de
cas particuliers, on la relativise et on enlève son caractère absolu,
de commander dans tous les cas.
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