I.
Autour du mot: l'essence
- Peut-on
déduire l'existence d'une pensée de la simple considération de
son essence, de ce qu'elle est comme forme intellectuelle d'un
objet?
- L'explicitation
d'une pensée, aussi poussée qu'elle soit, ne me permet jamais
d'en déduire l'existence par un jugement analytique: de la définition
d'un billet de 100Euro, je ne tirerai jamais (dommage!) son
existence, sa position ici et maintenant. Le billet parfaitement défini
(pensé) et le billet réel sont pourtant les mêmes du point de
vue du concept et, de ce point de vue, il n'y a rien de plus dans
le billet posé devant moi que dans la définition du billet qui
le fonde. (sinon le billet réel serait un faux, qui ne serait pas
conforme à la définition du billet de 100Euro). Ainsi
l'existence ne se déduit pas de l'essence car ce n'est pas un prédicat,
un attribut réductible au concept et donc déductible de lui.
Autant dire que l'analyse du concept ne permet de déduire que les
prédicats du concept et que le jugement d'existence sera un
jugement synthétique qui ajoute l'existence à l'essence en
fonction d'une expérience (a posteriori).
L'essence
ne varie pas en fonction de l'existence: si le concept du billet
de 100Euro possible est le même que celui du billet de 100Euro réel
alors l'existence qui s'ajoute au billet de 100 Euros pour le
rendre réel n'est pas du domaine de l'essence: il est donc vain
de vouloir déduire l'existence de l'essence ou de la définir
comme une essence. L'existence ne se définit pas, ne se déduit
pas, elle se vit: c'est la vie.
II.
Le parcours- L'existence est mouvement.
- Exister
c'est être hors de, être posé là, ici et maintenant, à telle
heure et à tel endroit mais en même temps être ailleurs, hors
de cette heure dans une anticipation ou dans un reflux vers ce qui
n'est plus, hors de cet endroit par le regard qui se tient près
de l'arbre lointain, pour ainsi dire à son contact, à sa
surface.
- Exister
c'est donc être pour quelqu'un et être pour soi: l'existence est
un noeud de relations, un ensemble de mouvements: un devenir qui
s'apparaît à lui-même non par un raisonnement mais par une expérience,
une épreuve de soi, une présence à soi.
- Entre
être posé ici et maintenant et ce mouvement de transcendance,
ces niveaux de conscience, il y a la distance entre la simple
position dans le réel et l'existence imprégnée de conscience
qui exige un sens et qui ne trouve dans aucune essence la
direction à suivre: exister vraiment c'est donc être pris du
vertige de la liberté devant la vie que sa vie rend possible,
comme devant une région sans route ni sentier, puisqu'un
mouvement ne peut se définir: il s'accomplit;
- Le
paradoxe tient à ce que, ce qui résiste à la pensée, ce qui la
fuit, l'existence qui n'est jamais objet déterminable par un
concept, est pourtant ce qui émerge de la pensée sans qu'on
puisse la dissocier du mouvement de la pensée: si je pense alors
j'existe, alors le monde commence: l'exister advient comme pensée
dans l'ici et le maintenant d'une action qui s'apparaît à elle-même,
qui s'éprouve; le soi comme épreuve de soi se témoigne d'abord
à lui-même au point qu'être c'est d'abord penser, en sorte que
le soi est le fondement, le lieu de la manifestation de
l'existence, l'origine de la vérité.
Que la pensée
existe, que l'existence émerge aussi du je pense, que la
pensée échoue à penser l'existence, que nous puissions
cependant parler de l'existence signifie que l'existence est une
donnée, un don qui accompagne l'effort de penser par soi-même,
comme une grâce, et qui a besoin d'une reprise pour être comme
si l'existence authentique éclairée de conscience avait pour
seule origine l'acte de philosopher.
=
Y a-t-il des
degrés d'existence ?
Citations:
"Quand
je conçois une chose... par cela seul que j'ajoute que cette
chose existe, je n'ajoute absolument rien à la chose" Kant
"Pour
un être conscient, exister consiste à changer, changer à se mûrir,
se mûrir à se créer indéfiniment soi-même" Bergson
"La
présence au coeur même du système hégélien, d'une réflexion
rigoureuse sur l'existence nous signifie que l'homme existe parce
qu'il est philosophe et que toute philosophie authentique est nécessairement
une philosophie de l'existence" Grateloup Nouvelle
anthologie philosophique p.134
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