° Rubrique philo-poche 

Cours de  PHILOSOPHIE par J. Llapasset

Philo-poche

La perception

 

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I. Autour du mot.

Comme acte de transcendance qui s'éprouve soi-même la perception est en cela marquée du sceau de l'originalité: par la perception nous avons accès à ce qu'il y a, toute perception est donation.

Parce qu'elle implique une intuition sensible, la perception n'est pas un acte de pensée qui s'élève vers ce à quoi rien de sensible ne correspond: nous ne saurions la réduire au sentiment, à ce qui s'éprouve soi même, puisqu'elle est ouverture dans un trou de lumière à autre chose qu'elle qui est manifesté ici et maintenant dans la présence: il faut donc bien la distinguer du souvenir ou de l'image, de ce qui relève de l'absence.

Ne confondons pas la perception avec le modèle conçu par une pensée qui, en soumettant la perception aux catégories du sujet et de l'objet du vécu et de l'étendu, se condamne par là à ne jamais pouvoir concilier une perception qui se fait dans le monde et celle qui se fait en nous. Plaquer une conception de la réalité (sujet / objet; vécu / étendu) sur ce qui permet d'accéder à la réalité reviendrait à occulter définitivement la possibilité d'accéder à ce qui est cherché. L'architecte d'un objet se condamne à ne retrouver que ce qu'il y a mis par des déterminations a priori et toujours précipitées, le triomphe d'un "survol" mal ajusté. La perception n'est ni une apparence ni une image ni un signe.

Il ne s'agit pas de penser la perception mais de penser à son école, pour ainsi dire. Parce qu'elle est  accès à, donation, la perception n'est ni une apparence, ni une image, ni un signe, car ces trois termes renvoient à autre chose qu'eux alors que la donation renvoie à elle: l'accès au "il y a".

II. Le parcours.

  • L'introuvable perception pure.

Disons tout d'abord pour éviter tout contresens, que "per" ne signifie pas ici à travers mais parfaitement, complètement. "ception" a pour origine "capere" (= prendre).

Percevoir désigne, classiquement, une action pleinement achevée qui consiste à s'emparer de, au sens de recevoir, prendre connaissance de quelque chose d'extérieur par les sens, de ce qu'il y a ici et maintenant:
Exemple: Je vois un arbre.
La caractéristique de la perception est d'être immédiatement externe: par elle nous accédons à la signification: il y a un arbre. C'est donc par elle que la réalité de l'être nous apparaît. Percevoir c'est être immédiatement hors de soi et du même coup présent à soi.

C'est dire avec l'incontournable Bergson de "Matière et mémoire" que notre perception est originairement dans les choses "plutôt que dans l'esprit, hors de nous plutôt qu'en nous." (page 246). Mais cela ne signifie pas que nous ne soyons pas avec elle, que nous ne l'accompagnions pas: la présence à soi, l'épreuve de soi, est la condition sans laquelle ce mouvement d'accès à la réalité ne serait pas pour la conscience qui l' effectue.

  • Les tentatives de réduction.

= Dire que la perception est le résultat d'une construction, c'est la confondre avec l'oeuvre de l'entendement qui, certes, lui apporte beaucoup mais ne saurait la générer.

= Dire que la perception est une reconnaissance, une occasion de se ressouvenir, c'est la confondre avec la mémoire qui lui ajoute beaucoup mais à la manière d'une parure qui serait vanité  sans le corps qu'elle revêt.

= Dire que la perception est imagination ... ou hallucination, c'est la confondre avec ce qui la remplace, ce qui la provoque, ce qui l'auréole, mais ne saurait en tenir lieu: comment l'absence pourrait-elle donner autre chose que l'absence? Or la perception est donation de la présence.

Par l'entendement, la mémoire, l'imagination, l'esprit collabore à l'objectivité de plus en plus définie d'une représentation. Mais sans une matière que donne une perception originaire cette activité de l'entendement ne saurait s'exercer. 

Cela signifie que la représentation n'est identique à la perception que pour un idéalisme absolu et impénitent qui confond la réalité et sa conception de la réalité. Cela revient à identifier la représentation et l'être et à se passer de la perception. Pourtant toute perception rappelle à l'idéaliste son incarnation et par là la nécessité de limiter son idéalisme.

Enfin, même si toute langue implique une conception du monde la perception ne saurait être réduite à un pré découpage de l'environnement qui n'intéresse que la représentation élaborée, par exemple le spectre des couleurs, avec plus ou moins de finesse: que je découpe l'environnement ne signifie pas que, en deçà de ce découpage linguistique,je n'accède pas à monde commun selon une perception originaire qui met en présence d'une chose, qui la donne dans sa réalité même si ce n'est jamais dans sa totalité.

Toute ces tentatives de réduction nous détournent de la perception et nous détournent donc de notre enquête sur la perception: dans un survol elles croient saisir une réalité alors qu'elles la remplacent par un objet artificiellement construit: puis elle se vantent de retrouver dans cet objet ce qu'elles y ont mis: enfin, emportées dans un tel mouvement ces tentatives aboutissent à la définition a priori d'une perception parfaite: en effet la déduction triomphe puisqu'on tire tous les éléments qu'on a préalablement introduits dans la définition: prendre complètement.

Mais la perception n'a même pas été reconnue ...

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