° Rubrique lettres > Baudelaire (Les fleurs du mal)

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BAUDELAIRE

Quelques perspectives sur Le balcon

Dialogue entre Oui-oui et Hibou (page1 page 2 - page 3)

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La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison,
Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles,
Et je buvais ton souffle, ô douceur! ô poison!
Et tes pieds s'endormaient dans mes mains fraternelles.
La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison.

Oui-oui: La nuit transparente propre à l'extension du rêve devient une cloison, une muraille immense (Le cygne), à laquelle on se cogne. Quant aux prunelles , ce sont déjà les traîtres yeux. Il ne respire plus le malheureux, mais il boit, il absorbe un poison d'autant plus dangereux qu'il a la douceur de  la mère.

Hibou: L'oxymore, ô douceur! ô poison, fait jaillir la correspondance entre ce qui semble s'exclure et fait apparaître une méfiance à la croissance indéfinie.

Oui-oui: Puis, voilà la sœur, on se demande ce qu'elle vient faire! 

Hibou: C'est la distance qui s'installe, la séparation, l'interdit.

Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses,
Et revis mon passé blotti dans tes genoux.
Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses
Ailleurs qu'en ton cher cœur et qu'en ton cœur si doux?
Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses!

"Je sais": quelle assurance! 
Resté seul le poète médite sur son pouvoir. C'est l'affirmation triomphale de pouvoir retrouver le temps par l'art, par la parole poétique. Cette même certitude, nous la retrouverons chez Proust. Si le génie c'est l'enfance retrouvée, les termes font plus que le suggérer: "
blotti", non pas sur les genoux mais dans les genoux, à la naissance: mais c'est l'enfance retrouvée par la pensée qui ne quitte jamais complètement le sensible, par l'esprit et les sens: voilà pourquoi le corps et le cœur forment une harmonie.

Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis,
Renaîtront-ils d'un gouffre interdit à nos sondes,
Comme montent au ciel les soleils rajeunis
Après s'être lavés au fond des mers profondes?
-O serments! ô parfums! ô baisers infinis!

Oui-oui:  Le gouffre, c'est le temps insondable, il est amer. Quatre vers interrogent sur ce qui venait d'être affirmé: le temps retrouvé de la strophe précédente comme si l'auteur était pris d'un doute. Le dernier vers, c'est la réponse... 

Hibou: A toi de l'interpréter. Probablement, il marque le triomphe du temps retrouvé grâce à l'art. C'est un trimètre, synthétique, qui prend ensemble le dire, l'odorat, le contact, la correspondance entre les sens et l'esprit, comme trois figures d'un bonheur fugitif que l'art sauve.
La mission du poète est l'analogue de celle du philosophe: le philosophe vient au secours d'une réalité qui n'est pas quelque part, le poète vient au secours de l'idéal qui pour n'être qu'entrevu est pourtant ce vers quoi il ne cesse de s'élancer.

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Joseph Llapasset - ©

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