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L'étude de texte - 

Un auteur, un texte  par J. Llapasset 

Un texte de Descartes - Lettre à Elisabeth

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Expliquer un texte.

"II y a une vérité dont la connaissance me semble fort utile : qui est que, bien que chacun de nous soit une personne séparée des autres, et dont, par conséquent, les intérêts sont en quelque façon distincts de ceux du reste du monde, on doit toutefois penser qu'on ne saurait subsister seul, et qu'on est, en effet, l'une des parties de l'univers, et plus particulièrement encore l'une des parties de cette terre, l'une des parties de cet Etat, de cette société, de cette famille, à laquelle on est joint par sa demeure, par son serment, par sa naissance. Et il faut toujours préférer les intérêts du tout, dont on est partie, à ceux de sa personne en particulier ; toutefois avec mesure et discrétion(1), car on aurait tort de s'exposer à un grand mal, pour procurer seulement un petit bien à ses parents ou à son pays ; et si un homme vaut plus, lui seul, que tout le reste de sa ville, il n'aurait pas raison de se vouloir perdre pour la sauver. Mais si on rapportait tout à soi-même, on ne craindrait pas de nuire beaucoup aux autres hommes, lorsqu'on croirait en retirer quelque petite commodité, et on n'aurait aucune vraie amitié, ni aucune fidélité, ni généralement aucune vertu ; au lieu qu'en se considérant comme une partie du public, on prend plaisir à faire du bien à tout le monde, et même on ne craint pas d'exposer sa vie pour le service d'autrui, lorsque l'occasion s'en présente ; voire on voudrait perdre son âme, s'il se pouvait, pour sauver les autres.

La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

(1) ici : discernement" 
Descartes, Lettre à Elisabeth.

Quelques indications sur le texte.

Règles d'or !

= Le texte, tout le texte, rien que le texte: tout ce que vous écrivez doit être rattaché explicitement à la pensée de l'auteur: ce peut être par ressemblance ou différence ( Kant et la Raison pratique) , par causalité aussi ...

= Prendre le texte comme un tout auquel chaque partie est ordonnée.

= Expliquer le texte c'est faire apparaître le sens grâce à la détermination précise des concepts utilisés par l'auteur.

Pour la première partie: l'explication

Vous indiquez le mouvement du texte, selon trois moments:

Premier moment (jusqu'à par "... sa naissance"). On pouvait par exemple prendre pour point de départ, pour "déplier" le texte: 

Vérité: ce qui s'impose à tous les esprits, ce qui peut être considéré comme un principe, une connaissance dont on ne peut douter et dont on peut déduire une action. Ce texte parle de morale (que dois-je faire), déduite d'une connaissance.

Utile: cette vérité sert dans la pratique à répondre à la question: que dois-je faire? Dans une autre Lettre à Elisabeth, Descartes écrit: "Les peines qu'ils ont à faire plaisir (aux autre hommes) ne sont point si grandes... que leur donne l'amitié de ceux qu'ils connaissent.' (Janvier 1646)

On doit: chacun a pour devoir de ...

Parties: ce qui concourt à composer le tout (univers / terre / société / famille)

Joint: terme à prendre au sens fort: se disjoindre serait se perdre pour bien peu de profit.

Demeure: le lieu que l'on habite.

Serment: engagement solennel, par exemple quand on fonde une famille.

Naissance: provenance: arrivée dans une famille 

Deuxième moment ( jusqu'à ... pour la sauver."). 

Il faut: c'est une nécessité.

Toujours: dans tous les cas (attention, il va nuancer...)

préférer: faire passer avant (la vertu consiste à donner la priorité à l'universel sur le particulier)

Tout / partie: enchaînement avec le premier moment.

Mesure et discrétion: raison, bon sens, raisonnement vigilant: calcul et comparaison: est-ce que ça vaut la peine: qu'est-ce que ça va apporter par rapport à ce que je vais donner?

Grand mal / petit bien: utilisez l'opposition grand / petit (mal = ici dommage corporel, blessure ou dommage moral, par exemple, captivité). 

Si introduit un cas exceptionnel: la vie et la liberté d'un individu aurait plus de valeur que celle d'une ville...

Pas raison: ni le bon sens, ni la raison ne justifieraient son sacrifice.

Troisième moment (jusqu'à la fin du texte "pour sauver les autres."). 

Le texte laisse le lecteur sur une alternative: il doit comparer les conséquences ruineuses de la première possibilité et les conséquences bénéfiques de la deuxième possibilité: 
- S'il rapporte tout à soi même
- Au lieu que en ...Il prend le point de vue de la partie ordonnée au tout.

Dans le premier cas, on perd tout: tout ce qui fait une vie humaine, la vraie (authentique) amitié, la fidélité au serment, la vertu comme priorité donnée au salut du tout sur le salut de la partie.
Dans le deuxième cas, on prend plaisir, on a du bonheur à risquer sa vie (ne jamais oublier que Descartes a été soldat).

Voudrait: le conditionnel indique que l'on ne peut le faire: c'est une intention qui ne manque pas de valeur. 
Si on ne peut perdre l'âme
(esprit) c'est parce que on pense toujours; on ne peut échapper à cette épreuve de soi: je suis, j'existe. La première des vérités c'est l'existence. 
Si l'être de l'homme c'est la pensée, comment pourrait-il perdre son être?
Si on entend perdre son âme par sombrer dans le péché, ce que peut toujours faire un homme libre, comment pourrait-on sauver les autres par une mauvaise action?

Pour sauver les autres: comprendre pour sauver leur vie ou leur liberté: le bien est si grand qu'il mérite le sacrifice: ça vaut la peine. Ici, la générosité peut s'exercer à plein puisque, on s'expose à un danger pour un bien d'une grande valeur.

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