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- Le parcours
Persuader.
Du latin
suadere (= conseiller) et du préfixe Per qui marque ce qui est
fait jusqu'au bout, ce qui est achevé, ce qui est
accompli.
Acte de conseiller autrui, réussi, parfaitement accompli: la
persuasion agit sur la volonté.
Acte ayant pour but de provoquer l'adhésion complète de
quelqu'un, de l'amener à penser, croire, vouloir, ou faire
quelque chose, en touchant son caractère et sa sensibilité:
persuader c'est donc d'abord s'adresser au désir, à l'émotion
ou à la passion de celui que l'on désire persuader. Il s'agit
bien de plaire avant tout, de deviner les opinions qu'il
affectionne, de leur donner un air de raison pour mouvoir sa
volonté. Autrement dit il faut et il suffit de trouver le coeur
d'autrui à travers des raisons qu'il reconnaîtra comme
siennes, à tort ou à raison.
Si la
persuasion agit sur la volonté par l'intermédiaire du désir,
il ne faut pas s'étonner qu'elle provoque nécessairement
l'action et vise de ce fait à nier la liberté d'autrui en lui
donnant maintes raisons de croire aux opinions qui le
possèdent, en donnant à ses opinions un simple air de
raison selon l'heureuse formule d'Alain, par des preuves
qui ne sont jamais de l'ordre de la logique d'une
démonstration. C'est pourquoi la persuasion relève souvent du
manque de loyauté d'un jeu sophistique: elle est alors source
d'aliénation.
Convaincre.
Du latin
convincere (= confondre un adversaire en lui faisant admettre
une erreur ou une faute). La conviction agit sur
l'esprit. Convaincre c'est vaincre quelqu'un, obtenir
de lui par des arguments et des raisonnements que son esprit
reconnaisse la vérité d'une proposition ou l'obligation d'un
acte parce qu'il est sage ou nécessaire. C'est surtout amener
quelqu'un à se vaincre lui même, à détruire ses opinions.
Autrui
est ici, abordé franchement comme dans un combat, dans toute la
dignité de l'esprit, de sa liberté, avec la conviction qu'il
mérite, en tant que personne, une argumentation et que ce
serait le mépriser que d'utiliser les voies de la persuasion.
Ainsi
Platon "prend" toujours ses adversaires selon le
meilleur d'eux-mêmes, ce qui donne à son combat une valeur
inestimable.
"C'est toi qui le diras", cette règle de toute
maïeutique, doit nous faire comprendre que lorsque nous sommes
convaincus nous ne sommes convaincus que par nos propres
raisons, celles que nous avons faites nôtres, et donc que par
nous même.
Ainsi
nous "avons grandi" de nous être rangé à des
raisons qui sont les nôtres que nous avons reconnues comme,
désormais, le meilleur de nous même: on gagne et on se gagne
toujours à se rendre à la raison. Ici perdre c'est gagner.
On
remarque que celui qui est convaincu reste réservé devant
l'action.
C'est que les raisons de la raison ont pour caractéristique
d'inviter à la prudence, à l'attente ou même à l'abstention
... Cela tient à l'absence du désir et de la passion que celui
qui cherche à convaincre s'interdit de solliciter et par là de
nourrir.
Faut-il s'en plaindre? Il n'y a qu'à voir les ravages causés
par la précipitation dans la consommation, la religion, la
rhétorique et même l'enseignement. Faire apprendre par coeur
est la conséquence d'une précipitation qui s'adresse à la
volonté mais pas à l'esprit. Vouloir éduquer, enseigner sans
faire appel à la raison, c'est un comble d'absurdité.
A force
d'être persuadé les gens se précipitent dans des entreprises
dont ils ne reviennent pas toujours. Et la raison préside
rarement à la déclaration d'une guerre.
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