Pour mieux
comprendre:
"ça
ne tient pas debout"
Lorsque,
devant une nouveauté qui vient d'apparaître, je m'exclame "ça
ne tient pas debout", c'est que je prévois qu'elle n'a pas
de sens, de signification et d'orientation, qu'elle est sans intérêt,
et donc qu'elle ne tardera pas à trébucher et à disparaître.
Ce qui vient d'être produit dans l'instant n'aura pas de durée:
il n'y a aucun dynamisme, aucune force dans ce qui vient d'apparaître.
Cela peut bien avoir été fait, cela n'a pas été institué.
Un
récit produit par l'imagination et la raison.
La
propriété a été instituée. Dans son Discours sur l'origine de
l'inégalité, Rousseau "raconte" de manière hypothétique
l'origine de cette inégalité: il nous fait assister à la
naissance d'une institution, nous informe sur l'acte et les
conditions de l'acte qui a institué la propriété.
Avant
toute invention, il y a un besoin: la possession
d'un champ que l'on travaille est sans cesse menacée par tous
ceux qui en convoitent les fruits. Seul contre tous, le malheureux
qui le cultive se voit enlever les fruits de son travail. Mais il
a une idée qui lui traverse l'esprit, c'est la
bonne idée, l'invention, le remède à son mal: instituer.
D'abord il défend son terrain par un travail matériel: il creuse
un fossé et fait se tenir debout (stare en latin) une clôture de
solides pieux. Il a produit, conduit devant lui une oeuvre matérielle.
Très vite il s'aperçoit qu'il a fait fausse route. D'abord il a
la nécessité de dormir et, pendant ce temps, des agiles
funambules viennent voler les fruits. S'il veille la nuit, ses
forces ne suffisent pas à contrebalancer celles des attaquants.
Alors,
une autre idée, une idée morale, jaillit: il faut utiliser les
forces des agresseurs pour protéger le champ qu'il mérite par
son travail. Il suffit d'instituer des lois qui
protègent sa possession et pour cela il lui faut l'accord
du plus grand nombre. A lui maintenant de convaincre ou
de persuader les agresseurs qu'ils profiteront à leur tour
de l'institution des lois. On comprend que l'acte d'instituer
c'est faire se tenir debout une idée soutenue d'abord par
l'accord du plus grand nombre et ensuite par l'habitude, cette
seconde nature.
La
propriété est née cette institution qui jaillit dans un moment,
qui aurait pu ne pas être, mais qui prend un caractère de nécessité,
un peu comme si elle obéissait à une force d'inertie. Les hommes
ont pour ainsi dire "dressé" debout, installé une idée
pourvue d'un dynamisme propre par lequel elle va perdurer. C'est
comme si l'acte d'instituer était créateur d'une forme qui
aurait sa propre vie.
La
propriété est l'ouvrage des hommes, placée à côté ou à la
place de ce que la nature a établi. Désormais, la possession
toujours menacée est remplacée par la propriété toujours
défendue par le Droit.
Des
institutions partout !
On
appellera telle maison d'éducation: une institution. Par exemple
l'institution saint Bonaventure. Le couvre-feu est institué, de même
que les fêtes annuelles, les lois, l'Assemblée européennes,
l'Organisation des Nations Unis, le mariage ... etc
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