I.
Autour du mot: ESSENCE, DÉSIR
- Pourquoi
réunir deux notions sinon parce que, comme dans théorie et expérience,
l’une ne peut se concevoir sans l’autre, comme si le concret
n’était tel que par l’abstrait?
- L’essence,
ce que la chose est, le simple concept n’est pas la nature car
la nature est ce qui est donné à la naissance, ce qui pose
chacun ici et maintenant avec autour de lui une nature en général,
extérieure, et en lui un donné intérieur une programmation
dirait-on aujourd’hui selon la théorie de l’information.
- Alors que le
concept n’implique pas l’existence, parce que l’existence
n’est pas un prédicat, la nature est mouvement principe de
production que chaque être naturel manifeste dans son existence.
La nature est donc incontournable comme donné intérieur et donné
extérieur à notre naissance: la conscience est pour ainsi dire
cernée par la nature.
- Comme
désir, manque éprouvé, la conscience ne peut que refuser la
nature donnée parce qu’on ne désire que ce qui n’est pas
donné, ce qui manque, la présence d’une absence. De ce refus,
de cette négation va jaillir la culture comme effort pour
produire autre chose que la forme donnée immédiatement. La définition
selon laquelle la culture est ce que l’homme ajoute à la nature
montre l’impossibilité de séparer les deux notions puisque la
définition les réunit.
II.
Parcours: LA NOTION
a) On admet de bon
coeur l’impossibilité de disjoindre la nature en général,
l’environnement, de la culture parce que les techniques ont
transformé la nature au point de recouvrir son aspect original et
parce qu’on s’accommode bien, dans un premier moment, des conséquences
utiles de cette culture conquérante et intensive: les conséquences
lointaines intéressent assez peu la générosité restreinte.
b) Mais pour
ce qui est du donné intérieur on a du mal à renoncer à
disjoindre nature et culture car l’espoir de mieux cerner
l’enracinement de l’humain dans sa nature exige l’analyse et
donc la distinction des deux notions pour rendre à chacune ce qui
lui revient:
- Une observation impossible:
remonter à un état de nature pur de toute culture, pour
l’observer, le déterminer, est impossible puisque s’il a
existé il n’a laissé aucune trace ou témoignage qui exige la
langue. L’état de nature n’est donc qu’une hypothèse, un
modèle conçu pour, par comparaison, scruter la culture.
- Idéalement: il est tentant
de distinguer nature et culture par des critères, sorte
d’instruments de reconnaissance, déduits à priori des définitions.
Si la nature désigne le biologique, le spontané, alors
l’universel sera le critère de la nature. Si la culture
implique l’invention de règles alors la diversité sera le critère
de la culture. Il faut bien comprendre que de tels critères sont
le fruit d’une analyse idéale: en conséquence ils ne
permettent ni l’analyse réelle des deux notions, ni leur
distinction réelle: d’ailleurs celui qui s’entêterait malgré
tout à confondre analyse idéale et analyse réelle n’échapperait
pas pour cela à l’aporie (l’impasse) d’une règle
universelle (!) constitutive de l’humain.
- Réellement: la spécificité
de la culture, de l’humain tient aux instruments dont l’homme
se sert, au milieu social qui l’éduque, le sert tout en le
contrôlant, et au langage qui lui permet de communiquer, de
penser avec, de produire des concepts rationnels ou idéologiques
L’ambiguïté
de la culture: elle exige un contrôle des stimuli, des
appétits et donc la limitation de l’indépendance, ce qui
permet l’exercice d’une vraie liberté, par la règle,
l’observation de la loi prescrite.
L’homme dans la
négation du donné intérieur et du donné extérieur cultive la
terre et se cultive en travaillant: il est celui par qui un sens
du monde advient dans l’écriture de sa propre vie, d’un texte
intelligible.
2 citations:
"Ce
n'est pas une légère entreprise de démêler ce qu'il y a
d'originaire et d'artificiel dans la nature actuelle de l'homme et
de bien connaître un état qui n'existe plus, qui n'a peut-être
point existé, qui probablement n'existera jamais et dont il est
pourtant nécessaire d'avoir des notions justes pour bien juger de
notre état présent" Rousseau,
Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes.
"Le réel
(ce qui a une existence
de fait) ne contient rien de plus que le simplement
possible" Kant Critique de la raison pure.
Aller
à philo/notions voir le tableau: La Nature
Lectures:
-
J-J Rousseau:
Discours sur l'origine de l'inégalité
L. Malson: Les enfants sauvages
C. Lévi-Strauss: Les structures élémentaires de la parenté
B. Malinowski: la sexualité et sa répression dans les sociétés
primitives, Payot 1932
Dans Le Monde du 21 Décembre 1977 article de J. Ruffié,
Professeur au Collège de France.
Enfin un petit livre remarquable, clair sans jamais céder à
la vulgarisation:
Dominique BOURG: Nature et technique Essai sur l'idée de
progrès Coll. Optiques chez Hatier