A.
Le déterminisme
I.
Autour du mot: fatalisme, causalisme
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Selon le
fatalisme, tout ce qui arrive est soumis à une nécessité
absolue parce que c'est écrit dans un livre: c'est une croyance
irréfutable puisque le livre est inaccessible, au delà de la
nature, métaphysique en quelque sorte.
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Au contraire
le déterminisme se présente comme un savoir dont la possession
donnerait le moyen de prévoir: selon Bacon on ne commande à la
nature qu'en lui obéissant, ce qui permet de se passer du
fatalisme.
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Le causalisme
postule que tout phénomène a une cause qui l'a produit, engendré,
alors que le déterminisme se borne à affirmer qu'il y a des antécédents
constants, des relations selon des lois naturelles. Le causalisme
déborde l'observable, glisse à côté de la nature alors que le
déterminisme fait la synthèse de l'observation et du calcul, ce
qui lui permet de triompher dans les lois fonction.
II. La notion: le
parcours.
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Claude
BERNARD est le premier à employer le terme de déterminisme au
sens actuel, en désignant l'ensemble des conditions nécessaires
pour qu'un phénomène se produise, selon les termes de Claude
Bernard, "les conditions déterminantes d'un phénomènes":
en parlant des conditions d'un phénomène, il exclut l'ancienne
notion de la cause et met en avant les relations entre des éléments.
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Kant
remarquait déjà que "lorsque nous apprenons qu'une chose
arrive nous présupposons toujours qu'une chose a précédé dont
la première découle selon une règle", ce qui revient
à dire que le déterminisme c'est un ensemble de relations -
entre des choses passées présentes et futures - un ensemble de
lois qui non seulement permettent de passer des unes aux autres
mais les régissent, commandent ce passage.
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Le déterminisme
implique donc la possibilité de repérer un ensemble de choses en
déterminant avec précision leur position et leur vitesse à un
moment du temps, et la possibilité de les relier par un calcul,
ce qui permet d'assigner aux unes le rôle de conditions antécédentes
des autres, ce qui revient à donner la possibilités de prévoir
rigoureusement que tel ou tel phénomène aura lieu à telle ou
telle époque postérieure.
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En levant les
yeux au ciel puis en regardant une ancienne carte du ciel on ne
peut qu'être frappé par le retour du même comme si les astres
suivaient des lois mathématiques dans un ballet bien réglé, défini,
déterminé à l'avance. Pourquoi le monde sublunaire serait-il
différent? On comprendra que le déterminisme confond le modèle
géométrique avec la réalité de la nature et que cette
confusion ne lui apparaît pas: il en est inconscient. En sorte
que le déterminisme est donc davantage une croyance qui s'ignore
comme croyance, qu'un savoir justifié: qu'il y ait des lois
naturelles qui déterminent l'état futur d'un système d'après
l'état actuel est une simple hypothèse transformée en jugement
fondé sur une double croyance:
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La
croyance en l'existence de choses comme objets simples, repérables.
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La
croyance que l'univers est écrit en langage mathématiques:
ce qui vaut pour le modèle vaut pour la réalité.
Que l'observation d'un certain nombre de faits joints à la
connaissance de certaines lois permette de prévoir que tel ou
tel phénomène aura lieu relève donc d'une conception du réel
comme ensemble des objets localisables dans l'espace et dans
le temps, et donnés en tant qu'individus, dans un belle
simplicité qui seule permettrait d'en avoir l'idée claire,
distincte, adéquate.
-Mais
le déterminisme portait en lui de quoi le nier: car dès que la
relation déterminera l'infiniment petit, l'objet n'est plus que
le corrélat d'une pensée, perd son individualité, s'efface
devant la classe (ensemble d'objets possédants des caractéristiques
déterminées) à l'intérieur de laquelle se joue le jeu du
hasard.
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Au XXème siècle
le déterminisme s'efface donc et avec lui s'éloigne le rêve
d'annuler le temps, de retrouver sous l'apparent devenir la répétition
du même, de calculer le futur et de remonter le passé par simple
calcul selon le rêve de Laplace. |