"Il
n'y a pas d'autre voie qui s'offre aux hommes pour arriver à
une connaissance certaine de la vérité que l'intuition et la déduction
nécessaire." Descartes, Règles pour la direction de
l'esprit, règle 12.
Comment convaincre de la vérité d'une thèse?
Comment la déduction rigoureuse peut-elle devenir l'occasion et
la source d'une intuition rationnelle chez le lecteur?
Or
si toute conscience est mémoire, anticipation, si le tout de
l'attention est exigé par une déduction rigoureuse, alors il
est nécessaire de ramasser le discours démonstratif pour que
celui à qui il s'adresse en puisse prendre une seule vue pour
avoir cette intuition rationnelle par laquelle il sera
convaincu, ayant la connaissance certaine de la vérité. La
multiplicité de la déduction apparaît dans l'unité d'une
intuition, ce qui ne peut être opéré que par une longue
phrase qui déploie le multiple selon l'unité qu'elle lui
impose.
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Regardons la structure de ces deux phrases qui cernent le
pouvoir de l'imaginaire.
Phrase
de 17 lignes:
"Tandis
que chacune de ces liaisons où chacun de ces
flirts, avait été la réalisation plus ou moins
complète d'un rêve né de la vue ...en
revanche ... quand un jour
au théâtre il fut présenté ... ... elle était
apparue à Swann ... ... qui sont à l'opposé du type
que nos sens réclament."
Texte,
Pléiade, I. page 195
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Phrase
de 15 lignes:
"Et
sans doute, en se rappelant ainsi
leurs entretiens ... ... il faisait seulement
jouer son image entre beaucoup d'autres images ... ...
l'image d'Odette venait à absorber toutes ces rêveries
...... alors l'imperfection de son
corps ne garderait plus aucune importance ... ... il
serait désormais le seul ..."
Texte,
Pléiade, I. page 199.
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Les phrases de Proust, chaque fois qu'il conduit une démonstration,
qu'il cherche à convaincre, sont caractérisées par leur
ampleur et leur souplesse. Au contraire, elles sont plus mesurées
quand il veut raconter. Le premier texte que nous allons étudier
présente une seule phrase de 17 lignes dans l'édition de La Pléiades
(I. Page 195). Dans le deuxième texte la phrase se déroule en
15 lignes! (I. Page 197).
C'est un fait incontestable que tout au long de son oeuvre
Proust essaie de se sauver, de se retrouver comme Sujet en
cernant des lois qui permettraient à la fois d'expliquer ce qui
peut être expliqué comme on explique une force et de
comprendre ce qui peut être compris: il mêle son oeuvre avec
le constant souci de démontrer et il semble bien que ces
longues périodes sont parfaitement ajustées à son projet
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En effet, toute démonstration, tout effort pour montrer à
partir de définitions, se présente comme ce qui opère le
passage, par déduction rigoureuse - d'une définition, d'un
postulat, ou d'une hypothèse née de l'évidence - à une une
conclusion incontestable.
Il
s'agit d'une part, de ménager des enchaînements sans pour cela
rompre la continuité, ce que ferait immanquablement la
succession de courtes phrases. La longue période
s'impose donc.
D'autre
part, une démonstration n'est convaincante que si les enchaînements
son juxtaposés par la mémoire devant la conscience du lecteur:
une longue période permet de réunir une suite d'enchaînements
déductifs sous un seul regard, une intuitio mentis, une
intuition de l'esprit. Il y a bien sûr une limite pour ne pas désespérer
la mémoire. La force de la démonstration apparaît alors au
lecteur qui tient dans le champ de son attention ce qui vient d'être
dit, et ce qui est dit. En anticipant, le lecteur participe au
raisonnement
3- Le
pouvoir de l imaginaire : démonstration
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