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LA PAIX  Niveau Classes prépas. par J. Llapasset

"La paix est un ordre de droit, j'entends par là, librement reconnu par les parties". Alain

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La paix est un ordre de droit, j'entends par là, librement reconnu par les parties

=> D'abord l'auteur et le contexte.

Prêtez attention au style: très vite vous reconnaîtrez Alain, ce qui vous aidera grandement dès que vous connaîtrez quelque peu de sa pensée. Voir par exemple: Mars ou la guerre jugée, ouvrage auquel renvoient toutes nos citations.

Voici le contexte de votre texte:

- "Faire la paix, expression juste et forte. Et la paix est un ordre de droit, j'entends librement reconnu par les parties, de façon que celui qui a reçu ce qu'il comprend qui lui est dû soit aussi attentif au droit de l'autre qu'au sien propre.

La suite de votre sujet vous indique l'importance de l'esprit dans la constitution et dans l'institution de la paix.

Très justement, vous demandez une aide pour le terme: "droit" et "ordre".

Alain distingue la force et le droit: "Si cet ordre n'est point reconnu et voulu par moi, si je cède seulement à une force évidemment supérieure, il n'y a ni paix ni droit, mais seulement un vainqueur qui est l'agent, et un vaincu qui est moi." (cela revient à récuser, à révoquer toute instauration de la paix par la force d'une monarchie universelle ou d'un État particulier, plus fort que les autres.

Pour ce qui est du droit "il faut toujours que le droit soit reconnu volontairement et librement reconnu. Dans les cas difficiles, il faut que la sentence de l'arbitre soit acceptée d'avance par la deux; tel est l'ordre du droit. Alain vous explique lui même l'expression de votre sujet, un ordre du
droit
.

Dans une heureuse transaction, dans un traité où chacun trouve son compte, le droit "est réellement commun aux deux; je reconnaît en même temps et d'un même jugement ce qui lui appartient et ce qui m'appartient; lui, de même.
Telle est la paix véritable, et il apparaît que faire la paix avec autrui c'est d'abord faire la paix avec soi, comme Platon voulait." (Tout y est et surtout la référence à
Platon dont Alain reprend la tripartition de l'âme.

=> Pour vous orienter:

Autant dire que la paix sera d'abord dans l'homme, dans ce dialogue intérieur entre les trois aspects de son âme (pensée, courage, appétit), dans le triomphe de l'esprit qui éclaire la volonté, dans l'autonomie comme obéissance à la loi qu'on s'est prescrite. Ensuite entre les hommes éclairés par leur esprit: la paix sera accomplissement de ce dialogue
perpétuel, puisque ce dialogue constitue la paix sur le dépassement des passions par l'esprit mais aussi la conservation des qualités propres à l'homme, l'honneur et la justice. Comme le sens de l'honneur et la justice pour soi animaient la guerre on peut dire qu'il n'y a pas rupture totale entre la guerre et la paix mais bonne orientation de ce qui était mal orienté.

La paix c'est bien la reconnaissance de l'autre dans la pensée: la pensée réunit et pourtant l'essence de la pensée c'est la liberté, ce qui vous permet de comprendre l'expression "librement reconnu"

Suggestion pour orienter votre lecture.

Peut-être pourriez-vous vous demander si Alain ne relève pas de la naïveté dénoncée par Rousseau dans sa lecture du Projet de l'Abbé de Saint Pierre. (?) 

En tout cas, vous avez à comparer la conception d'Alain et celle de Kant.

Pour Aristophane, cela vous semble plus difficile et il faut reconnaître que pour les nombreux prépas qui nous écrivent cette pièce pose problème. Cela vient de ce qu'on veut à tout prix lire Aristophane à travers des concepts philosophiques qu'il n'utilise pas dans une pièce destinée d'abord à faire rire ces concitoyens.

Vous pouvez vous demander si Aristophane n'est pas ailleurs par rapport à la conception très élaborée d'Alain. Cependant, il y a une visée d'universalité qui n'est pas étrangère au droit. Sa liberté est une liberté naturelle qui semble assez éloignée de l'autonomie. On pourrait peut-être dire que c'est une utopie puisque la ruralité dont il parle n'existait pas et qu'on peut se demander le rôle que peut jouer une déesse impassible et
silencieuse. Ces quelques indications doivent être davantage propres à vous en faire inventer ou découvrir qu'à remplacer l'intense effort d'imagination et de raison qui vous est demandé dans la lecture d'Aristophane. On peut se demander si cette rage de s'entremettre entre trois auteurs différents ne va
pas rendre myope nos prépas .... 

Surtout  ne manquait pas de lire: "C'est pour l'amour de tous les Grecs que je m'envole"

Un texte éclairant:

"Distinguons donc en politique ainsi qu'en morale l'intérêt réel de l'intérêt apparent; le premier se trouverait dans la paix perpétuelle, cela a été démontré dans le projet (de l'Abbé), le second se trouve dans l'état d'indépendance absolu qui soustrait les souverains à l'empire de la loi pour les soumettre à celui de la fortune, semblables à un pilote insensé qui, pour faire montre d'un vain savoir et commandait à ses matelots, aimerait mieux flotter entre des rochers durant la tempête que d'assujettir son vaisseau par des ancres.
Toute l'occupation des rois ... se rapporte à deux seuls objets, étendre leur domination au dehors et la rendre plus absolue au dedans."

Rousseau, Jugement sur le Projet de paix perpétuelle de l'Abbé ... Oeuvres complètes, tome III